« Système de culture » : différence entre les versions

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L'itinéraire technique ayant été lui-même défini comme « combinaison logique et ordonnée de techniques qui permettent de contrôler le milieu et d'en tirer une production donnée. » (Sebillotte, 1974).
L'itinéraire technique ayant été lui-même défini comme « combinaison logique et ordonnée de techniques qui permettent de contrôler le milieu et d'en tirer une production donnée. » (Sebillotte, 1974).


Il faut voir dans cette définition du système de culture la généralisation, sur du temps long, du concept d'[[itinéraire technique]]. Ainsi, le système de culture est une suite ordonnée de [[cultures]] et d'actes techniques dans laquelle l'[[agronome, agronomie : étymologie|agronome]] décèle une logique et une gestion adaptative en vue d'objectifs. C'est cette cohérence reconnue entre opérations culturales qui fait système. Il s'agit donc clairement d'une conceptualisation par l'agronome de ce que [[pratique]] l'[[agriculteur]] sur des [[Champ, pièce, parcelle|parcelles]] cultivées de manière identique.  
Il faut voir dans cette définition du système de culture la généralisation, sur du temps long, du concept d'[[L’itinéraire technique, un concept à l’origine d’une refondation de l’agronomie en France|itinéraire technique]]. Ainsi, le système de culture est une suite ordonnée de [[cultures]] et d'actes techniques dans laquelle l'[[agronome, agronomie : étymologie|agronome]] décèle une logique et une gestion adaptative en vue d'objectifs. C'est cette cohérence reconnue entre opérations culturales qui fait système. Il s'agit donc clairement d'une conceptualisation par l'agronome de ce que [[pratique]] l'[[agriculteur]] sur des [[Champ, pièce, parcelle|parcelles]] cultivées de manière identique.  


Cette définition, marquée par la [[grande culture]] où dominent des [[espèce]]s cultivées annuelles, s'applique aussi à la conduite de couverts végétaux cultivés de façon continue, pérennes, mono- ou plurispécifiques ([[prairie permanente|prairies permanentes]], [[cultures associées|association]] d'espèces, [[verger]]s, plantations industrielles).  
Cette définition, marquée par la [[grande culture]] où dominent des [[espèce]]s cultivées annuelles, s'applique aussi à la conduite de couverts végétaux cultivés de façon continue, pérennes, mono- ou plurispécifiques ([[prairie permanente|prairies permanentes]], [[cultures associées|association]] d'espèces, [[verger]]s, plantations industrielles).  
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C'est à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle que le terme apparaît dans la littérature sous la plume de [[A pour personne citée::Henri-Louis Duhamel du Monceau|Duhamel du Monceau]], puis de [[A pour personne citée::Jean-Baptiste François Rozier|l'abbé Rozier]] voir l'article [[Assolement, rotation, succession, système de culture : fabrication d’un concept, 1750-1810]]). A cette époque, le mot <u>culture</u>, qui avait jusque là toujours eu le seul sens de [[travail du sol]] (= de [[labour]], « donner une culture » était synonyme de labourer), commençait à être élargi à l’ensemble de la conduite technique, incluant le [[semis]], la [[fertilisation]], de ce qu’on appelait alors une ''[[récolte]]''. Quant au terme de système, il est employé au début au sens de doctrine théorique et s'applique le plus souvent à des théories nouvelles. C'est ainsi que Duhamel du Monceau et l'abbé Rozier (1783) parlent du « système de culture de M. Tull », pour montrer la cohérence qui existe entre la théorie de ce dernier et les innovations pratiques qu'il en déduit. Tull pense que ce sont les particules de terre qui alimentent les plantes ; c’est pour cela qu’il accorde beaucoup de place au nombre de labours qui fragmentent la terre. De la même manière l'abbé Rozier expose le système de culture de M. Duhamel du Monceau qui, ayant traduit [[A pour personne citée::Jethro Tull|Tull]], s'oppose cependant à ce dernier par l'importance qu'il accorde aux apports d'[[engrais]] et par conséquent propose une autre doctrine de culture.  
C'est à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle que le terme apparaît dans la littérature sous la plume de [[A pour personne citée::Henri-Louis Duhamel du Monceau|Duhamel du Monceau]], puis de [[A pour personne citée::Jean-Baptiste François Rozier|l'abbé Rozier]] voir l'article [[Assolement, rotation, succession, système de culture : fabrication d’un concept, 1750-1810]]). A cette époque, le mot <u>culture</u>, qui avait jusque là toujours eu le seul sens de [[travail du sol]] (= de [[labour]], « donner une culture » était synonyme de labourer), commençait à être élargi à l’ensemble de la conduite technique, incluant le [[semis]], la [[fertilisation]], de ce qu’on appelait alors une ''[[récolte]]''. Quant au terme de système, il est employé au début au sens de doctrine théorique et s'applique le plus souvent à des théories nouvelles. C'est ainsi que Duhamel du Monceau et l'abbé Rozier (1783) parlent du « système de culture de M. Tull », pour montrer la cohérence qui existe entre la théorie de ce dernier et les innovations pratiques qu'il en déduit. Tull pense que ce sont les particules de terre qui alimentent les plantes ; c’est pour cela qu’il accorde beaucoup de place au nombre de labours qui fragmentent la terre. De la même manière l'abbé Rozier expose le système de culture de M. Duhamel du Monceau qui, ayant traduit [[A pour personne citée::Jethro Tull|Tull]], s'oppose cependant à ce dernier par l'importance qu'il accorde aux apports d'[[engrais]] et par conséquent propose une autre doctrine de culture.  


Jusqu'alors, on n'avait pas conceptualisé la succession [[jachère]] - culture d'hiver (appelée « hivernage » ou « gros blé ») - culture de printemps (« mars », « carêmages », « trémois » ou « [[menus grains]] », tous ces termes étant synonymes), pratiquée depuis le Moyen-Age et qui, beaucoup plus tard (début du XIX<sup>e</sup> siècle), sera appelée [[assolement]] triennal. La conceptualisation va se poursuivre lentement.
Jusqu'alors, on n'avait pas conceptualisé la succession [[jachère]] - culture d'hiver (appelée « hivernage » ou « gros blé ») - culture de printemps (« mars », « carêmages », « trémois » ou « [[menus grains]] », tous ces termes étant synonymes), pratiquée depuis le Moyen-Age et qui, beaucoup plus tard (début du XIX<sup>e</sup> siècle), sera appelée [[Assolement, rotation, succession, système de culture : fabrication d’un concept, 1750-1810|assolement]] triennal. La conceptualisation va se poursuivre lentement.


===XIX<sup>e</sup> et début du XX<sup>e</sup> siècles : une terminologie encore mal fixée===
===XIX<sup>e</sup> et début du XX<sup>e</sup> siècles : une terminologie encore mal fixée===

Dernière version du 13 septembre 2024 à 09:00

Auteur : François Papy

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Anglais : voir note en fin d'article
Informations complémentaires
Article accepté le 8 novembre 2013
Article mis en ligne le 8 novembre 2013


Définition

Sebillotte (1990a) propose la définition suivante : « un système de culture est l'ensemble des modalités techniques mises en œuvre sur des parcelles cultivées de manière identique. Chaque système se définit par :

  • la nature des cultures et leur ordre de succession,
  • les itinéraires techniques appliqués à ces différentes cultures, ce qui inclut le choix des variétés. »

L'itinéraire technique ayant été lui-même défini comme « combinaison logique et ordonnée de techniques qui permettent de contrôler le milieu et d'en tirer une production donnée. » (Sebillotte, 1974).

Il faut voir dans cette définition du système de culture la généralisation, sur du temps long, du concept d'itinéraire technique. Ainsi, le système de culture est une suite ordonnée de cultures et d'actes techniques dans laquelle l'agronome décèle une logique et une gestion adaptative en vue d'objectifs. C'est cette cohérence reconnue entre opérations culturales qui fait système. Il s'agit donc clairement d'une conceptualisation par l'agronome de ce que pratique l'agriculteur sur des parcelles cultivées de manière identique.

Cette définition, marquée par la grande culture où dominent des espèces cultivées annuelles, s'applique aussi à la conduite de couverts végétaux cultivés de façon continue, pérennes, mono- ou plurispécifiques (prairies permanentes, association d'espèces, vergers, plantations industrielles).

Dans le cas de plantes ligneuses en culture monospécifique ou en association, certaines techniques sont appliquées plante à plante de façon adaptée à chacune d'elles. On peut alors se demander si le concept, défini à l'échelle de la parcelle et non de la plante, est encore pertinent. En fait, dans ces cas, du fait des interactions entre plantes voisines, les techniques appliquées à une plante ont des effets sur les voisines. Aussi, même dans ce cas, peut-on étendre le concept de système de culture comme désignant un ensemble cohérent de modalités techniques de culture des végétaux sur une portion d'espace.

Concept portant sur des actions culturales, le système de culture sous entend, du fait que l'agronome y voit une logique entre elles, qu'il est le fruit de décisions. Aussi permet-il de faire le pont entre les déterminants des actions et leurs effets sur la production végétale et les modifications du milieu.

Cette définition résulte d'une histoire.

Historique

Fin du XVIIIe siècle : l'apparition du terme

C'est à la fin du XVIIIe siècle que le terme apparaît dans la littérature sous la plume de Duhamel du Monceau, puis de l'abbé Rozier voir l'article Assolement, rotation, succession, système de culture : fabrication d’un concept, 1750-1810). A cette époque, le mot culture, qui avait jusque là toujours eu le seul sens de travail du sol (= de labour, « donner une culture » était synonyme de labourer), commençait à être élargi à l’ensemble de la conduite technique, incluant le semis, la fertilisation, de ce qu’on appelait alors une récolte. Quant au terme de système, il est employé au début au sens de doctrine théorique et s'applique le plus souvent à des théories nouvelles. C'est ainsi que Duhamel du Monceau et l'abbé Rozier (1783) parlent du « système de culture de M. Tull », pour montrer la cohérence qui existe entre la théorie de ce dernier et les innovations pratiques qu'il en déduit. Tull pense que ce sont les particules de terre qui alimentent les plantes ; c’est pour cela qu’il accorde beaucoup de place au nombre de labours qui fragmentent la terre. De la même manière l'abbé Rozier expose le système de culture de M. Duhamel du Monceau qui, ayant traduit Tull, s'oppose cependant à ce dernier par l'importance qu'il accorde aux apports d'engrais et par conséquent propose une autre doctrine de culture.

Jusqu'alors, on n'avait pas conceptualisé la succession jachère - culture d'hiver (appelée « hivernage » ou « gros blé ») - culture de printemps (« mars », « carêmages », « trémois » ou « menus grains », tous ces termes étant synonymes), pratiquée depuis le Moyen-Age et qui, beaucoup plus tard (début du XIXe siècle), sera appelée assolement triennal. La conceptualisation va se poursuivre lentement.

XIXe et début du XXe siècles : une terminologie encore mal fixée

Thaër (1811), un Allemand, utilise le terme System pour faire « un bilan des sucs nourriciers » et suivre, ainsi, l'évolution de la fertilité du sol. Son traducteur en français, le baron Crud, un Suisse romand lui-même agronome, traduit ce terme System soit par assolement (Dreifeldersystem traduit par « assolement triennal »), soit par système de culture (Dieses System traduit par « ce système de culture »), soit tout simplement par culture (Feldersystem traduit par « culture des grains »). A partir de l'idée que les cultures fourragères (et partant l'élevage) sont nécessaires à l'entretien de la fertilité des terres cultivées pour les grains, Thaër distingue deux grands types de systèmes : - l'un (Felderwirthschaft ou Feldersystem, traduits par culture des grains) où la surface en culture est distincte de la surface en prairie et fonctionne par transfert de fertilité de la seconde vers la première, - l'autre (Wechselwirthschaft ou Wechselsystem, traduits par culture alterne) où cultures annuelles et prairies temporaires alternent sur les mêmes terrains.

Un peu plus tard, Schwerz (1825) définit le système de culture (Feldsystem) à la fois comme la manière de diviser les champs, de leur attribuer des cultures (Feldeintheilinge) et comme l’ordre dans lequel, sur un même champ, se succèdent les récoltes les unes aux autres (Fruchtfolge). Il donne ainsi un sens fort à la synonymie, déjà ancienne, entre assolement et rotation.

En France, Gasparin (1849) voit deux systèmes de culture là où, dans le premier de ses types, Thaër n'en voyait qu'un. Il distingue, en effet, les systèmes qui fonctionnent « par les forces spontanées de la nature » (comme les pâturages), des systèmes où l'homme incorpore du travail (comme les systèmes à jachères ou les systèmes à culture continue sans engrais), des systèmes recevant des apports fertilisants produits sur d'autres terres agricoles ou encore provenant de l'extérieur. Gasparin s'oppose à Schwerz quant au sens à donner à système de culture. Certes, il ne conteste pas l'intérêt du concept proposé par ce dernier, mais il lui réserve le terme d'assolement, tandis qu'il définit le système de culture comme le « mode dans lequel les forces naturelles ou artificielles, les unes sans les autres, ou les unes et les autres, se manifestent, se distribuent aux plantes » (1849, p 153). Avec les termes d'aujourd'hui on pourrait dire que l'agriculture biologique, l'agriculture écologiquement intensive, l'agriculture intégrée... sont autant de catégories de système de culture dans l'acception de Gasparin. Ce dernier spécifie clairement qu'il n'inclut pas dans sa conception de système de culture la nature des espèces cultivées. Il s'en tient au principe de combinaison des « forces naturelles et artificielles ».

A la fin du XIXe siècle, la terminologie n'est toujours pas fixée, surtout si l'on ajoute à ce qui précède que Heuzé (1891), sans donner sa définition de système de culture, laisse entendre qu'à un système de culture correspond un assolement mais plusieurs rotations. Le système de culture se définirait selon lui à l'échelle de l'entreprise agricole puisqu'il classe les systèmes de culture selon la surface cultivée, l'importance des capitaux et de la main-d'œuvre nécessaire, mais aussi selon les espèces cultivées et leur importance relative.

La première moitié du XXe siècle ne va pas clarifier les choses. Dans son ouvrage intitulé « Systèmes de culture et assolements », Hitier (1913), s'inscrivant dans la lignée de Gasparin, distingue les deux concepts : il donne à système de culture le même sens que Gasparin et à assolement le sens que Schwerz donne à système de culture. Ensuite les ouvrages abordant la question du système de culture se font rares. Dans la deuxième édition du Profil cultural, Hénin et al. (1969) consacrent quelques pages au système de culture qu'ils définissent, sans plus de précision, comme « le mode de combinaison des facteurs qui assurent la production agricole », se référant, eux aussi à Gasparin.

C'est pourquoi, lorsqu'en 1974 est créé à l'INRA un nouveau département d'agronomie dirigé par Louis Gachon affichant le système de culture comme objet de recherche, une clarification de ce terme semble bien nécessaire. Elle est confiée à un groupe de travail animé par Michel Sebillotte.

Un choix décisif

A cette époque la démarche agronomique fait une grande place au diagnostic. Il s'agit de mettre en relation des actions culturales avec le fonctionnement du champ cultivé pour être capable de juger le processus d'élaboration de la production végétale et l'évolution des capacités productives du milieu. Cette orientation dicte les choix à faire entre les différentes acceptions du terme de système de culture qui prévalent jusqu'alors : (a) pour permettre de faire un diagnostic de l'effet des actions le sens à retenir doit porter sur des actions de culture et non sur des principes d'action comme le faisait de Gasparin ; plus tard, Sebillotte (1990b) parlera d'un second diagnostic sur la pertinence des principes d'action par rapport aux objectifs qui nécessite lui-aussi que soient distingués les principes d'action de leur mise en œuvre ; (b) le concept doit s'appliquer à des parcelles culturales de manière à suivre leur évolution sous l'effet des actions qui s'y succèdent au fil du temps.

Ainsi se trouvent mis de côté le sens donné à système de culture par Gasparin (principes d'action traduisant des rapports à la nature) et aussi par Heuzé (ensemble des pratiques de production végétale de l'entreprise agricole). Mais le groupe de travail retient de Gasparin qu'il peut exister plusieurs systèmes de culture dans une entreprise agricole. Aussi, ce qui est retenu, en définitive, se rapproche de la définition de Schwerz ; le système de culture constitue un sous-ensemble du système de production.

Le choix fait par le groupe de travail en 1975 se distingue du concept de cropping system des Anglo-saxons. A la même époque, en effet, l'Institut international de recherche sur le riz, sous la houlette de Zandstra, réunit un panel d'agronomes asiatiques et définit le cropping system à l'échelle de l'entreprise agricole (the farm). « The crop production activities of the farm provide its cropping system...... A cropping system includes all the components required for the production of a farm's set of crops. », tandis que « a single cropping pattern can by identified for every plot, a continuous land area to which resources are uniformly applied » (Zandstra et al., 1981). Le terme de cropping system est pourtant choisi par les agronomes francophones pour traduire système de culture.

Défini en 1975 comme s'appliquant à un sous ensemble du système de production, le concept de système de culture prend un sens plus général, correspondant à la définition donnée au début, lorsque les agronomes s'attachent à réaliser des diagnostics agronomiques régionaux grâce à des dispositifs d'enquête culturale croisant systèmes de culture et terrains. Ils supposent ainsi que la nature des terrains n'est pas un déterminant absolu de la logique et de l'ordonnancement des actions culturales (voir plus loin) et ils repèrent, à l'échelle régionale, des systèmes de culture identiques ou très similaires dans différents terrains. Cette méthode d'investigation originale a servi à comprendre les causes de variabilité régionale des rendements (Meynard & Sebillotte, 1983 ; Doré et al., 1997) ou de critères de qualité (Le Bail & Meynard, 2003). Le concept de système de culture sert aussi à comprendre les interactions entre cultures qui se succèdent à travers les effets cumulatifs ou encore les effets d'une culture sur l'état du milieu (effet précédent) et la valorisation de cet état par la culture suivante (effet suivant). Ainsi ont été étudiés les processus de lixiviation (Meynard et al., 1997), d'évolution de la structure du sol, du ruissellement (Boiffin et al., 1988 ; Le Bissonnais & Martin 2004), de la propagation de maladies et d'évolution de la flore adventice (travaux en cours de l'UMR Biologie et gestion des adventices [1]... )

Un concept central pour l'agronomie, à la charnière des sciences de la nature et de la société

Les systèmes de culture permettent donc de faire un double diagnostic (Sebillotte, 1990b) : (1) A quelles performances productives et environnementales aboutissent-ils ? (2) Sont-ils satisfaisants pour les agriculteurs et pour la société ? A partir de ces diagnostics une interrogation : faut-il les modifier ? Voilà bien des questions agronomiques de diagnostic et de conception (Meynard, 1998) qui nous conduisent à nous interroger sur les déterminants de ces systèmes.

Les systèmes de culture résultent de conceptions des relations milieu, plantes et techniques, mais aussi de décisions de gestion prises à l'échelle de l'entreprise agricole. C'est ainsi que l'assolement triennal, pratiqué dès le Moyen-Age, mais conceptualisé au XIXe siècle, résulte à la fois d'un objectif d'entretien de la fertilité du milieu par la culture d'espèces différentes qui se succèdent sur des parcelles (afin de mieux valoriser les capacités nourricières des sols et de maîtriser les adventices) et d'un souci de gérer l'étalement des travaux de culture tout au long de l'année.

Les recherches entreprises dans la deuxième moitié des années 1970 sur le fonctionnement des entreprises agricoles ont permis d'analyser les décisions de gestion des agriculteurs, fonction de leurs objectifs et du contexte (Osty, 1978). Ces décisions peuvent être modélisées par une démarche itérative qui porte :

  • sur le choix des différentes cultures, en fonction des débouchés de leurs produits, des prix..., mais aussi de la diversité des espèces cultivées souhaitée pour assurer l'étalement des travaux,
  • sur l'affectation des cultures aux parcelles, en fonction des différents milieux et des difficultés d'accès aux parcelles (Morlon & Benoît, 1990) ou de la tenure de la terre plus ou moins assurée,
  • sur les rotations, en fonction d'un certain nombre de règles de succession visant à entretenir la fertilité du milieu (Maxime et al., 1995),
  • sur l'assolement (répartition de l'ensemble des surfaces cultivées entre les espèces ou associations d'espèces), en fonction de l'allocation du travail (main-d'œuvre et matériel disponible sur l'exploitation ou mis en commun) entre les différentes opérations culturales à réaliser dans l'entreprise agricole (Aubry et al., 1998 ; Morlon et al., 2006).

Ainsi, les différents systèmes de culture d'une entreprise agricole (rotations des cultures et itinéraires techniques) sont-ils fortement interdépendants les uns des autres (Papy, 2001).

L'agriculteur a un double objectif de production et de préservation des capacités productives de l'entreprise, d'autant plus difficile à maintenir que le contexte économique change. Il doit s'adapter à l'évolution des rapports de coûts de production entre cultures et des prix des produits, aux exigences des entreprises agro-industrielles d'aval, aux règles d'attribution des aides communautaires, aux mesures agri-environnementales et, maintenant, à une évolution de plus en plus incertaine du climat, tout en maintenant les capacités productives de l'entreprise par des rotations qui répondent à un certain nombre de règles portant sur l'effet d'une culture sur la suivante et le délai minimum de retour d'une culture sur elle même. Aussi est-ce plutôt au sein de rotations-cadres définies par les règles de succession propres aux cultures prioritaires pour lui et par des cultures interchangeables qu'il s'adapte aux fluctuations du contexte économique. (Aubry et al., 1998 ; Maxime et al. , 1997 - voir annexe 1).

Des variables exogènes à l'entreprise influent donc sur les systèmes de culture. Ainsi les structures de l'agro-fourniture qui apportent ou non des intrants (voire les promeuvent), l'existence ou non d'entreprises aval qui permettent d'écouler les produits et imposent ou non des cahiers des charges souvent très détaillés, le crédit qui permet ou non d'investir ou simplement de disposer d'avances en culture, l'existence ou non d'infrastructures et, de façon générale, de politiques publiques. De l'ensemble de ces déterminants découlent des cohérences techniques qui génèrent, in fine, les systèmes de culture et leur répartition dans les espaces cultivés. Il est nécessaire de comprendre ces cohérences et les marges de manœuvre qu'elles laissent pour accompagner, par des réflexions théoriques, les changements techniques.

Dans de nombreux pays, du Sud notamment, existe bien souvent une organisation sociale des systèmes de culture dans l'espace du territoire de communautés rurales. Dans ces situations la distribution spatiale des systèmes de culture est fortement déterminées par les règles sociales d'accès aux différents milieux, s'ajoutant à la distance aux habitats (Morlon, 1992 ; Jouve 2006, voir annexe 2).

L'incomplétude du système de culture

Tel que nous l'avons défini le système de culture ne porte pas sur les pratiques d'aménagement de l'espace qui ne se déroulent pas au fil du temps, mais marquent des étapes dans la transformation des milieux : ainsi le défrichage au tout début de la mise en culture, l'assainissement par fossés ou drains dans les terrains humides, ou encore, ailleurs, la constitution de seguias ou d'un réseau de tuyaux pour apporter l'eau d'irrigation ; pour limiter l'érosion des sols, la fabrication de terrasses ou de banquettes, ailleurs de bandes enherbées en fond de talweg ; le découpage des parcelles dont la taille est liée à la vitesse d'exécution des façons culturales et la forme au relief, la mise en place de chemins d'accès ; enfin, pour réguler les flux d'eau, servir d'habitat à la faune auxiliaire, séparer les parcelles, l'installation de haies, de fossés, de talus, de bandes enherbées...

Ainsi les systèmes de culture s'inscrivent-ils dans un espace aménagé d'une façon organisée pour les mettre en œuvre. Il est assez paradoxal de constater que les interactions entre ces deux catégories de pratiques n'aient pas été d'emblée théorisées par les agronomes qui ont surtout centré leur attention sur les systèmes de culture (Papy & Ambroise, 2012).

Cependant, dès la fin des années 1970 une approche paysagère des espaces cultivés a été entreprise (Groupe de recherche Inra-Enssaa, 1977) qui a progressivement abouti à une méthode de partition des paysages agricoles en unités, appelées maintenant unités agro-physionomiques (UAP) et à leur cartographie (Deffontaines &, Thinon, 2001). Ces unités résultent de la façon dont se combinent dans le paysage les traits visibles des pratiques d'aménagement et des systèmes de culture. Parce qu'elles donnent une vision globale des activités agricoles à l'échelle de territoires, les cartes d'UAP servent, par exemple, à discuter de projets de développement territoriaux comme les schémas de cohérence territoriale (Scot) ou les chartes des parcs naturels régionaux (PNR) (Jarrige et al. 2006 ; Mathieu et al., 2012).

L'étude théorique des relations fonctionnelles entre les effets réciproques des aménagements et des systèmes de culture a été relancée récemment (Trébuil et al., 1994). Ce sont les méfaits d'une agriculture usant de façon débridée d'intrants fossiles et de produits chimiques qui ont sonné l'alarme et incité les agronomes à avoir une approche plus intégrative de pratiques d'aménagement et des systèmes de culture. Que ce soit pour réguler des flux de molécules, de terre, de gènes, pour créer les habitats d'une biodiversité pilotée ou encore pour articuler logiques de filières et logiques de territoires, il devient nécessaire de concevoir, de façon coordonnée, aménagements d'infrastructures et systèmes de culture. C'est une des voies que prend l'agronomie aujourd'hui.


Difficulté de traduction en anglais

Dans système de culture, le mot culture a le sens de conduite technique. C'est pour rester fidèle à cette acception liée à l'action que les agronomes francophones utilisent cropping system pour traduire le terme français. Mais, nous l'avons vu, le sens est différent en anglais. Fresco (1984) souligne la divergence de signification. Les agronomes francophones ne peuvent cependant pas traduire, sans trahir leur pensée, système de culture par cropping pattern qu'utilisent Zandstra et al. (1981). Ils ont au début pris soin de souligner la diversité des acceptions et la signification qu'ils en donnent, comme par exemple Boiffin et al. (2001). Mais si, au fil du temps, ils abandonnent cette précaution, il n'est pas sûr qu'ils soient bien compris.

Références citées

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  • Boiffin J., Malezieux E., Picard D., 2001. Cropping system for the future. In : J. Nösberger, H. H. Geiger, P. C. Struik (eds.), International Crop Science. CAB, 261-279.
  • Boiffin J., Papy F., Eimberck M., 1988. Influence des systèmes de culture sur les risques d'érosion par ruissellement concentré. I. Analyse des conditions de déclenchement de l'érosion. Agronomie, 8 (8) : 663-673.
  • Boserup E., 1965. The conditions of Agricultural Growth : The Economics of Agrarian Change under Population Pressure. Aldine Publ., Chicago. En français : Évolution agraire et pression démographique, Flammarion, Paris, 1970
  • Deffontaines J. P., Thinon P., 2001. Des entités spatiales significatives pour l'activité agricole et pour les enjeux environnementaux et paysagers : contribution à une agronomie du territoire. Courrier de l'environnement de l'Inra, 44 : 12-38. Texte intégral sur le site de la revue.
  • Doré T., Le Bail M., Martin P., Ney B., Roger-Estrade J., 2006. L'agronomie aujourd'hui. Quae, Versailles, 367 p. Présentation sur le site de Quae.
  • Doré T., Sebillotte M., Meynard J. M., 1997. A diagnostic method for assessing regional variation in crop yield. Agric. Syst. 54 : 169-188.
  • Fresco L., 1984. Comparing anglophone and francophone approaches to farming systems research and extension. Farming Systems Support Project, Networking paper n° 1. 36 p. Texte intégral sur GoogleBooks.
  • Gasparin (de) A., 1849. Cours d'agriculture. Tome 5. La maison rustique, Paris. Texte intégral sur Gallica.
  • Groupe de recherche Inra-Enssa, 1977. Pays, paysans, paysages dans les Vosges du Sud. Inra, 192 p.
  • Hénin S., Gras R., Monnier G., 1969. Le profil cultural, l'état physique du sol et ses conséquences agronomiques. 2de édition, Masson, Paris, 332 p.
  • Heuzé G., 1891. La pratique de l’agriculture. La Maison rustique, Paris, 2 t., 351 et 360 p.
  • Hitier H., 1913. Systèmes de culture et assolements. La Maison rustique, Paris, 151 p.
  • Jarrige F., Thinon P., Nougarèdes B., 2006. La prise en compte de l'agriculture dans les nouveaux projets de territoires urbains. Exemple d'une recherche en partenariat avec la Communauté d'agglomération de Montpellier. Revue d'économie régionale et urbaine, 393-414.
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