Limon : le mot - Annexe 1

De Les Mots de l'agronomie
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Date de mise en ligne
8 novembre 2025
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Cette annexe se rapporte à l'article Limon : le mot.

Le limon transporté et déposé par les eaux

C’est le sens initial de ce mot, depuis au moins l’époque romaine (latin limo).

Il s’agit de l’ensemble des particules, entraînées en suspension par les eaux, puis déposées par elles. Ces dépôts de fonds d’étangs ou de bords de rivières sont réputés fertilisants. Que l’on songe aux célèbres limons déposés chaque année par le Nil au moment de ses crues.

Des centaines de citations pourraient être rapportées pour cette signification, de toutes époques. En voici quelques-unes.

« Que dirai-je encore de celui qui …. déverse dans le sable avide l’eau stagnante amassée sur ses terres, surtout si pendant les mois douteux le fleuve grossi déborde et couvre tout au loin de son épais limon, en laissant des lagunes profondes d’où s’exhale une tiède vapeur ? » (Virgile, 26 avant J.C.).

« Je ne crois pourtant pas me tromper, en affirmant que le froment ne saurait prospérer dans une terre de marais limoneux, ni dans une humidité saumâtre, ni sur l’aire marine des salines. Mais cette erreur des anciens est trop évidente pour qu’il y ait besoin de la réfuter par une longue argumentation ».… « Après l’équinoxe d’automne, on déchausse les oliviers de manière que, s’ils sont plantés sur un coteau, des rigoles tracées d’en haut conduisent à leur pied l’eau chargée de limon. » (Columelle, 42 ap. JC.).

« Pourtant dans la Babylonie on coupe les blés deux fois, et la troisième on les fait brouter ; autrement ils ne donneraient que des feuilles. De cette façon ce sol fertile rend cinquante pour un, et même aux plus diligents cent pour un. La culture n’en est pas difficile; il veut être arrosé le plus longtemps possible, afin que cette fécondité grasse et dense soit détrempée. Il est vrai que l’Euphrate et le Tigre n’apportent pas du limon comme fait le Nil en Égypte. » (Pline l’Ancien, [ca. 70-77 après J.C.]).

« Sur tout pour avoir puits qui ne tarissent jamais, faut choisir terre sablonneuse, ou noire, ou glaireuse, ou pleine de cailloux, rouge, argileuse : jamais la croyeuse, ny boueuse, ny limoneuse, ny celle où le saux [saule], le roseau, les cannes & autres telles plantes, qui sont engendrées d’humeur aquatique, croissent : car encor que tels lieux soyent abondans en eau, toutesfois l’eau n’en vaut rien, & est facile à tarir. » (Estienne et Liébault, 1570).

« Naturellement se forme la Sensouïre ; quand les eaux des étangs versent sur les terres voisines, y laissant du limon infecté de la malice du sel, duquel elles sont incommodées pour longtemps. »… « A la charge toutes fois, qu’au pré soient faits plusieurs de tels petits canaux ou fossés traversant le lieu, equidistans de quinze à vingt pas : afin que l’eau tumbant des uns aux autres soit distribuée proportionnablement par tout le pré ; l’artifice suppléant ainsi au défaut de nature. Et d’autant que par le limon que l’eau charrie, facilement les petits fossés sont comblés et rendus inutiles en peu de temps, pour leur petite largeur et profondeur, est nécessaire de les curer souvent, à ce que rien ne détourne le cours de l’eau en saison. » (Olivier de Serres, 1600).

« C’est par une semblable raison que ces mares & ces fossez conservent leur eau comme l’on voit : car les eaux troubles qui s’y rendent venant à s’éclaircir par le repos, laissent aller au fond le limon gras dont elles estoient troublées, lequel bouche les pores de la terre & fait un semblable courroy, qui empesche que l’eau ne passe plus avant » (Perrault, 1674 : 165).

« Terre détrempée avec l’eau qui fait de la bouë. Adam fut formé du limon de la terre. L’eau de cette rivière est toujours trouble & mauvaise à boire, à cause qu’elle traine quantité de limon » (Furetière, 1701).

Limon, limoneux : « terre grasse, communément très végétale, déposée par les eaux »… « Dans les forêts, la couche supérieure est un véritable limon, parce qu’elle est entièrement composée de végétaux & d’animaux décomposés par la putréfaction » [Rozier assimile au limon les horizons supérieurs des terres de forêt ; Synonyme de humus.]… « Le mot limoneux désigne un endroit boueux, fangeux, & où l’eau séjourne ». (Rozier, 1786).

Dictionnaire de l’Académie française (1789) : « boue, terre détrempée, bourbe ».

« L’inondation a quelques avantages même sur l’irrigation ; durant les abondantes eaux de l’hiver et du printemps, on peut employer l’eau, qui alors est plus fortement chargée de parties fertilisantes, et la retenir sur le sol jusqu’à ce qu’elle y ait déposé tout le limon substantiel qu’elle charrie avec elle ». (Thaer, 1812).

D’où le verbe « limoner » (fertiliser un sol, une terre, en y apportant du limon) et les termes « limonage » et « limonement ».

« 1. Dépôt de terre divisée et de débris organiques formé au fond des étangs, des fossés ou entraînés par les eaux courantes dans les parties déclives des terrains. » (Littré, 1877).

« La Durance seule emporte ainsi annuellement 11 millions de mètres cubes de limon, contenant 14,000 tonnes d’azote dans un état nutritif excellent pour les récoltes. Cet exemple suffit pour démontrer combien il serait désirable de s’opposer à cette perte naturelle, ou tout au moins d’utiliser autant que possible ces limons pour le colmatage des terres riveraines » (Sabatier, 1890).

« |le limon gris] forme la couche superficielle et, par conséquent, la couche arable, dont la composition est notablement différente suivant que les limons ont été apportés par le cours de la Durance ou par celui du Rhône. Les limons du Rhône sont plus riches en acide phosphorique et en potasse, mais plus pauvres en chaux que ceux de la Durance. Ces deux sortes de limons ont d’ailleurs les mêmes caractères physiques et ne se distinguent pas à l’œil » (Carnot, 1900 : 143-144).

Évidemment, le mot limon continue à être utilisé régulièrement de nos jours avec cette signification. En voici trois exemples.

« Comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase, dans les Alpes, l’érosion due aux intempéries entraîne l’arrivée de pierres, de gravier, de sable et de limon dans les lacs de barrage, réduisant d’autant leur volume de stockage. Un projet de l’ETH Zurich a montré que des galeries de dérivation des sédiments pouvaient fortement atténuer le problème » (Vogel, 2023).

« Or, les sédiments de la Sarine sont eux aussi source de vie: s’ils sont composés d’un petit peu de sable, ils contiennent surtout du limon argileux. Exempts de métaux lourds et de produits chimiques, ils sont d’une très grande qualité, surtout dans les lacs de Rossinière et de Lessoc. « Idéal comme fertilisant »… Pour l’heure, le problème est avant tout d’ordre économique: la valorisation de ces limons est très chère » (Godel, sur Internet).

« Du limon boueux et des débris soutiennent de riches étendues de riz sauvage, de massettes et d’autres plantes, toutes bien abritées par une péninsule et une île à l’embouchure de la baie. La baie qui recueille le limon de la rivière abrite de luxuriants peuplements de plantes aquatiques qui nourrissent des milliers de canards migrateurs chaque automne » (Réserve nationale de faune du Lac-Mississippi au Canada, sur Internet).


Références citées

  • Carnot A., 1900. Le progrès des cartes agronomiques. Mémoires publiés par la Société nationale d’agriculture de France, t. 139 : 133-147. Texte intégral sur Gallica.
  • Columelle, [ca. 42 ap. JC.] 1844. De l’agriculture - L’économie rurale. Trad. Louis Du Bois, Panckoucke, Paris.
  • Estienne C., 1570/1572. L’agriculture, et maison rustique. Parachevée premièrement, puis augmentée par Jean Liebault, Paris. 570 p. Texte intégral sur Gallica.
  • Furetière, A., 1701. Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes des sciences et des arts, t. 2, 2e édition revue, corrigée et augmentée par M. Basnage de Bauval, La Haye et Rotterdam, 1055 p. Texte intégral sur Gallica.
  • Godel J., Le limon de la Sarine, un vrai trésor qui ensable les lacs. Texte intégral
  • Littré É, 1877. Dictionnaire de la langue française, t. 3.
  • Perrault P., 1674. De l’origine des fontaines. Paris, 360 p. réimpression 1678 [hydrologie.org/BIB/perrault/L_origine_des_fontaines.pdf Texte intégral]
  • Pline l’Ancien, [ca. 70-77 après J.C] 1848. Historia naturalis. Traduction Émile Littré, Paris, Dubochet.
  • Réserve nationale de faune du Lac-Mississippi. Texte intégral
  • Rozier F., 1786. Cours complet d’agriculture, Théorique, Pratique, Économique, et de Médecine Rurale et Vétérinaire, t. 6 : 268-269. Texte intégral sur Gallica.
  • Sabatier P., 1890. Leçons élémentaires de chimie agricole. Paris, Toulouse. 269 p. Texte intégral sur Gallica.
  • de Serres O., [1600] 1804. Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs… t. 1. Nouvelle édition, publiée par la Société d’Agriculture du Département de la Seine, Paris, CXCII + 672 p. Texte intégral sur Gallica.
  • Thaer A. von, [1812] 1814. Principes raisonnés d’agriculture, t. 3. Traduction EVB Crud, 304 p. Texte intégral sur Gallica.
  • Virgile, [28 av. J.C.] 1932. Géorgiques. Livre 1. Traduction Maurice Rat, Classiques Garnier.
  • Vogel B., 2023. Préserver le potentiel des lacs de barrage. Sédimentation des lacs de retenue. Texte intégral
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