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L’eau en excès dans la partie supérieure du sol est la plus néfaste aux activités agricoles. Aussi, dans les dispositifs anciens, la création d’un relief artificiel à la surface du sol favorise l’écoulement superficiel de l’eau vers des rigoles qui la conduisent ensuite vers la sortie du champ (fig. 2). Ces dispositifs, dits par <u>modelé de surface</u>, revêtent des formes et tailles différentes d’une région à l’autre. Ils s’appellent selon les cas [[billons | L’eau en excès dans la partie supérieure du sol est la plus néfaste aux activités agricoles. Aussi, dans les dispositifs anciens, la création d’un relief artificiel à la surface du sol favorise l’écoulement superficiel de l’eau vers des rigoles qui la conduisent ensuite vers la sortie du champ (fig. 2). Ces dispositifs, dits par <u>modelé de surface</u>, revêtent des formes et tailles différentes d’une région à l’autre. Ils s’appellent selon les cas [[Ados, billon, planche de labour : les mots|billons, ados, planches]] pour la partie bombée et dérayures, saignées, rigoles, fossés pour les parties creuses (Rolland, 1972). Les fossés assurent à la fois le captage d’eaux superficielles ou plus profondes et leur conduite vers l’émissaire (fig. 3). | ||
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Aujourd’hui, la [[mécanisation]] a nivelé la surface des champs. Ces ouvrages sont encore visibles quand le dénivelé entre parties hautes et basses dépassait le mètre, comme en Belgique pour les « champs bombés » datant du XV<sup>e</sup> ou XVI<sup>e</sup> siècles (Langhor, 2001), ou en France dans la région des Dombes, ainsi que dans des [[prairie]]s permanentes de certaines zones d’élevage. | Aujourd’hui, la [[mécanisation]] a nivelé la surface des champs. Ces ouvrages sont encore visibles quand le dénivelé entre parties hautes et basses dépassait le mètre, comme en Belgique pour les « champs bombés » datant du XV<sup>e</sup> ou XVI<sup>e</sup> siècles (Langhor, 2001), ou en France dans la région des Dombes, ainsi que dans des [[prairie]]s permanentes de certaines zones d’élevage. |
Version du 5 août 2021 à 10:14
Auteur : Gérard Trouche
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Article accepté le 16 décembre 2014
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Article mis en ligne le 16 décembre 2014 |
Définition et terminologie
Le drainage est une technique d’aménagement hydro-agricole destinée à réduire ou supprimer l’excès d’eau sur des parcelles qui en sont affectées.
Le drainage apporte des avantages certains en terme de régularité des rendements, facilité d’intervention sur les parcelles et choix des variétés. Il permet une meilleure exploitation des terres agricoles, en régularisant, diversifiant et sécurisant la production. Il donne ainsi à l’exploitant une plus grande faculté d’adaptation à l’évolution de l’environnement économique de son exploitation et favorise la qualité de toutes les productions.
Le mot drainage revêt plusieurs sens selon le domaine ou la discipline qui l’emploie. Le dictionnaire de l’Académie Française (1992) distingue 4 sens au mot drainer :
- - généralement, évacuer l’excès d’eau des terrains trop humides ;
- - en hydrologie, conduire les eaux d’un réseau hydrographique ;
- - en chirurgie, évacuer des suppurations ;
- - au figuré, attirer et canaliser des capitaux, populations, etc.
Ce terme, issu du verbe anglais to drain, apparaît en français au milieu du XIXe siècle (Dauzat 1954 : 256 ; Perrey, 1981a ; Centre National de Ressources Textuelles et Linguistiques, 2012) Auparavant, on employait différents termes ou expressions : assécher (Seneschaucie, ca. 1275), délivrer d’eau (de Henley, ca. 1280) ; égoutter (Estienne & Liébault, 1570, 1572 ; Liger, 1715 ; Diderot, 1751), dessécher les terres (O.de Serres, 1605 ; Liger, 1715)… Le terme assainissement, désignant alors l’ensemble des opérations visant à éliminer les eaux nuisibles, apparaît au début du XIXe siècle : « Assainissement. Opération par laquelle on donne un écoulement aux eaux croupissantes. Elle a un double objet d’utilité, la santé de l’homme et la culture. (…) Dessèchement. Opération par laquelle on facilite l’écoulement des eaux stagnantes pour assainir un terrain. (Musset-Pathay, 1810 : 406 & 420).
En France, l’arrêté de 1987 (Journal Officiel de la République Française) sur l’enrichissement du vocabulaire précise les domaines d’utilisation des termes drainage agricole et assainissement agricole. Le premier concerne les travaux réalisés dans la parcelle agricole, le second à l’extérieur de la parcelle, quels que soient les types d’ouvrages. Cette précision lève une ambigüité, car jusque là le terme drainage était parfois utilisé pour qualifier des ouvrages enterrés et le terme assainissement pour les ouvrages à ciel ouvert (Poirée & Ollier, 1978 : 140). La définition légale fixe ainsi le caractère généralement individuel de la mise en œuvre du drainage dans la parcelle agricole, alors que l’assainissement prend une dimension plus collective et concerne le territoire hors de la parcelle agricole. De ce fait, la réalisation, le financement et l’entretien relèvent de niveaux de compétences, décisions et responsabilités différents selon qu’il s’agit de travaux de drainage ou d’assainissement. Pendant la période où les travaux de drainage étaient aidés par les collectivités françaises, les niveaux de subventions allouées et la répartition entre ouvrages collectifs et individuels différaient d’un département à l’autre.
Un réseau d’assainissement convenablement calibré, en débit et en profondeur, précède nécessairement le drainage dans une parcelle. La loi française précise d’une part la servitude d’écoulement naturel des eaux sans entrave ni aggravation (code civil français, art. 640) et d’autre part la possibilité, moyennant indemnisation, de traverser les fonds voisins pour assurer l’évacuation des eaux drainées (code rural français, art. L 152-20). Ces dispositions figurent depuis plus d’un siècle dans la réglementation, en relation avec la volonté des pouvoirs public de lever une entrave importante au développement de l’agriculture dans certaines régions. La réalisation d’un remembrement est parfois l’occasion de coordonner sur un territoire l’implantation rationnelle des infrastructures d’assainissement avec la géométrie du parcellaire et la conception de réseaux de drainage selon la logique des bassins versants (Trouche et al., 1985).
Dès l’origine du drainage, le creusement d’une excavation dans le sol assure l’évacuation de l’eau vers un émissaire. Au fil du temps et de l’évolution des technologies, le creusement manuel de fossés, ouverts ou remblayés avec divers matériaux filtrants, est remplacé par la pose mécanique d’une canalisation enterrée, en poterie d’abord, puis en plastique.
La mise en œuvre du drainage est un investissement lourd pour l’agriculteur, représentant souvent entre le tiers et la moitié de la valeur foncière du terrain. Le réseau est installé à demeure dans le sol et la pérennité d’un bon fonctionnement permet d’en étaler plus longuement l’amortissement. Cela oblige à réaliser des aménagements qui soient le plus efficaces et pérennes possibles, et donc adaptés au mieux à chaque situation à traiter. Le diagnostic initial et les solutions techniques retenues, la réalisation des travaux et la conduite agricole de la parcelle drainée sont autant d’éléments successifs de garantie de la tenue dans le temps d’un fonctionnement satisfaisant.
Des techniques alternatives dites de "biodrainage", basées sur la capacité des plantes arbustives ou des cultures à extraire l’eau du sol, sont utilisées depuis plusieurs années dans certains pays (Heuperman et al., 2002 ; Mermoud, 2007), mais elles ne sont pas abordées ici.
Évolution des techniques et de la conception des drainages agricoles
D’une façon générale, un réseau de drainage recueille l’eau du sol en excès et la conduit ensuite à la sortie de la parcelle vers l’exutoire qui débouche sur le dispositif d’assainissement (fig.1). L’écoulement de l’eau sous l’effet de la gravité est le principe fondamental de conception des ouvrages, qu’ils soient à ciel ouvert ou enterrés. Des ouvrages en périphérie de la parcelle sont parfois nécessaires pour intercepter les eaux provenant de l’extérieur de celle-ci.
Structure et matériaux de drainage
Drainage à ciel ouvert
L’eau en excès dans la partie supérieure du sol est la plus néfaste aux activités agricoles. Aussi, dans les dispositifs anciens, la création d’un relief artificiel à la surface du sol favorise l’écoulement superficiel de l’eau vers des rigoles qui la conduisent ensuite vers la sortie du champ (fig. 2). Ces dispositifs, dits par modelé de surface, revêtent des formes et tailles différentes d’une région à l’autre. Ils s’appellent selon les cas billons, ados, planches pour la partie bombée et dérayures, saignées, rigoles, fossés pour les parties creuses (Rolland, 1972). Les fossés assurent à la fois le captage d’eaux superficielles ou plus profondes et leur conduite vers l’émissaire (fig. 3).
Aujourd’hui, la mécanisation a nivelé la surface des champs. Ces ouvrages sont encore visibles quand le dénivelé entre parties hautes et basses dépassait le mètre, comme en Belgique pour les « champs bombés » datant du XVe ou XVIe siècles (Langhor, 2001), ou en France dans la région des Dombes, ainsi que dans des prairies permanentes de certaines zones d’élevage.
Bien que moins coûteux à réaliser qu’un drainage enterré, un réseau de fossés ouverts constitue une entrave pour l’exploitation de la parcelle et exige un entretien permanent. Des essais comparant drainage par modelé de surface et tuyaux enterrés ont montré la meilleure efficacité de ces derniers (Concaret & Voilliot, 1972 ; Damour et al., 1972 ; Mériaux et al., 1972).
Drainage enterré
Les dispositifs enterrés sont utilisés depuis longtemps. Dans l’Antiquité, Columelle recommande dans les terres meubles la réalisation de fossés remplis de cailloux ou à défaut de fagots, puis couverts de terre. O. de Serres (1605) indique qu’à défaut de pierres, on peut « causer un vide en bas… d’un pied (30 cm) de haut » avec de la paille de seigle, surmontée de deux pieds (60 cm) de terre. Nécessaire à la création du « potager du Roi » à Versailles, le drainage de « l’étang Puant » associe un réseau de fossés avec un collecteur enterré qui conduit l’eau jusqu’à la pièce d’eau des Suisses (Garrigues 2001 : 198). Si Viel (1976) attribue à l’anglais John Read l’initiative de l’emploi des poteries en 1840, Barral (1854 : 44) date de 1620 la première utilisation en France pour le drainage du jardin d’un couvent près de Maubeuge. Dès la fin du XIXe siècle, la mise au point de machines à fabriquer les poteries, telle celle présentée par Levy-Salvador (1900 : 400), constitue un progrès certain dans la réalisation du drainage, mais le creusement des tranchées reste encore manuel. Des conduites en pierres plates formant tunnel et des poteries de formes diverses (fig. 4) sont fréquemment retrouvées à l’occasion de la mise en place de réseaux modernes.
La modernisation des procédés de drainage au milieu du XXe siècle provient de l’utilisation des tracteurs équipés d’outils de creusement des tranchées (roue ou chaîne) et de drains en plastique beaucoup plus légers, munis d’orifices pour l’entrée de l’eau. Les premiers utilisés, longs de plusieurs mètres, étaient lisses et rigides. Peu efficaces et fragiles, ils sont remplacés par des tuyaux en polychlorure de vinyle (PVC), souples, annelés, disponibles en rouleaux de plusieurs centaines de mètres. La pose s’en fait au moyen d’engins automoteurs puissants, trancheuse poseuse ou poseuse sous-soleuse (voir annexe 1). Les débits de chantier sont de plusieurs hectares par jour. Le drainage se développe alors et les surfaces drainées annuellement en France passent de 20 000 ha en 1972 à près de 140 000 ha en 1982.
Conception des réseaux de drainage
Les projets sont précédés d’études pour dimensionner les ouvrages. Classiquement, en se basant sur un modèle de nappe, l’écartement entre antennes (drains) est calculé à l’aide de formules basées sur la perméabilité du sol, supposée isotrope (identique dans toutes les directions). Or l’hétérogénéité du sol, simplement liée au labour, pose un problème d’ordre théorique, puisque les conditions d’homogénéité et d’isotropie de la loi de Darcy (1856) sur l’écoulement de l’eau dans un milieu poreux, qui est à la base des calculs du projet, ne sont pas remplies. Dans les cas où une trop faible valeur de la perméabilité conduit à des écartements très petits, et donc à des chantiers coûteux, il n’est pas rare alors de déclarer certaines parcelles « indrainables ». La remarque de Riedel (1962), « Après échange de vues, il ne viendra plus à l'idée d'enfouir un système onéreux de drainage au-dessous de ce niveau imperméable (...) sans adopter une technique spéciale : l'ouverture et le maintien d'une voie d'accès préférentielle des eaux excédentaires jusqu'aux drains classiques » semble bien être passé inaperçue à cette époque auprès des spécialistes français du drainage. Forts de l’observation de vieux réseaux en partie encore fonctionnels, certains agriculteurs entreprennent le drainage de ces parcelles et constatent qu’il « marche ». Ils se posent alors des questions qui débouchent sur la prise en compte de la structure du sol au dessus du drain, et en conséquence sur les précautions à prendre, tant à la conception que lors de la réalisation, pour garantir dans ces situations un bon fonctionnement du drainage(Trouche, 1981b).
Traitement des différents cas d’excès d’eau
Un bon diagnostic de l’origine de l’excès d’eau est la première condition de réussite. Les causes, la durée dans le temps, l’extension en surface et en profondeur et de l’excès d’eau dans une parcelle revêtent des formes très variées (Favrot, 1985). L’eau en excès peut être d’origine propre à la parcelle (précipitations ou mouillères) ou provenir de l’extérieur par ruissellement (Féodoroff & Guyon, 1972). Quand l’excès d’eau affecte une zone limitée de la parcelle, il est dit ponctuel, sinon il est généralisé (fig. 5) (voir article Excès d’eau)
Dans certaines situations, des excès d’eau de natures différentes affectent une même parcelle. La figure 6 représente un cas réel où la présence de 3 types d’excès d’eau définit 3 zones. La partie basse est affectée par une nappe profonde établie dans les alluvions récentes du cours d’eau ; plusieurs mouillères sortent dans la pente et la partie haute est un plateau où la compacité du sol empêche l’infiltration de l’eau en profondeur. Le traitement passe alors par un zonage préalable des différentes formes d’excès d’eau qui débouche sur la conception d’un dispositif adapté à chacune de ces entités et cohérent sur l’ensemble du périmètre.
Mouillères
Les mouillères ou sources, affectent seulement une partie de la surface, mais de façon prolongée voire permanente (fig. 7). Sans entrer dans le détail des techniques de sevrage, il est impératif de traiter ces cas de façon individuelle préalablement à toute autre pose de drains dans la parcelle par un dispositif de captage basé sur une étude spécifique (Perrey, 1981c). Parfois leur seul traitement constitue une solution satisfaisante pour l’agriculteur.
Cas des nappes profondes
Le schéma classique de fonctionnement d’un réseau de drainage consiste à rabattre la nappe d’eau résultant de l’existence dans le sol d’une couche peu perméable qui ralentit le transfert de l’eau gravitaire vers les niveaux profonds (fig. 8). Ce type de fonctionnement est dit à nappe profonde. Dans certaines situations, la nappe est permanente.
Les hydrauliciens, sur la base des lois de l’hydrodynamique, en particulier la loi de Darcy, ont modélisé les écoulements, proposant des formules de calcul des caractéristiques géométriques des réseaux de drainage (Guyon 1966 & 1974). La forme la plus simple, dite du régime permanent, postule que l’eau qui arrive sur le sol est immédiatement évacuée par les drains, ce qui donne dans le cas où le drain repose sur le niveau imperméable :
D’autres modes de calcul plus complets font intervenir la porosité de drainage du sol (Guyon, 1966 ; Lagacé, 1981) et une durée de rabattement de la nappe dans la formule dite du régime variable de tarissement ; ou encore des paramètres agronomiques et économiques dans la formule dite de l’optimum économique (Guyon 1972a & b, 1978). Poursuivant cette voie, Lesaffre (1988) et Zimmer (1988) notamment élargissent le domaine d’utilisation du modèle hydraulique.
Cas des nappes perchées temporaires
L’approche précédente, largement partagée par les spécialistes du drainage dans de nombreux pays, ne permet pas de décrire les situations où le drain est situé dans la couche imperméable. Dans ces cas, le transfert de l’eau de la nappe perchée vers le drain s’effectue à travers la zone de sol remaniée à l’enfouissement du drain (fig. 9). Le terme d’« 'effet tranchée » (Jacquin & Florentin, 1977 ; Trouche, 1981a) désigne l’ensemble des modifications de la morphologie et des propriétés de la tranche verticale de sol au dessus du drain enterré. Lesaffre (1987), s’appuyant sur un article de Russel (1934), note que dès 1931, Flodkvist soulignait le rôle de la tranchée de drainage. Cette approche entraîne plusieurs conséquences pratiques concernant la conception des réseaux, en particulier (Concaret et al. 1979) :
- - le sol est un ensemble hétérogène ; la connaissance de ses propriétés hydrodynamiques en relation avec la dynamique structurale du sol conditionne le fonctionnement du réseau de drainage ;
- - la pente naturelle du terrain influence la vitesse de circulation latérale de l’eau, donc le temps de transfert entre deux antennes ; elle se combine avec l’orientation des travaux aratoires dans la définition de la géométrie du réseau ;
- - le comportement mécanique du matériau de remblai de la tranchée, ou l’état mécanique du sol au moment de la réalisation du chantier, conditionnent directement l’état du sol autour du drain, donc la facilité de transfert de l’eau vers le drain et le maintien de l’efficacité du réseau ;
- - le calibrage du réseau, défini par la valeur du débit de projet ou débit caractéristique, tient compte de l’aptitude du remblai de la tranchée à supporter des périodes de submersion plus ou moins prolongées (annexe 2) ;
- - les tassements du sol liés aux pratiques culturales peuvent altérer le fonctionnement du drainage en bouchant la partie supérieure de la tranchée par « effet voûte » (Trouche & Perrey, 1984).
La conservation dans le temps d’une organisation structurale du remblai de la tranchée permettant le maintien du passage vertical de l’eau vers le drain enterré est ici un élément clef de fonctionnement du drainage (fig. 9). Le choix du type de machine de pose en fonction de la nature du sol à drainer est primordial (annexe 2). En effet une sous-soleuse poseuse ne fait pas de tranchée à proprement parler ; mais, quand les conditions de sol sont suffisamment sèches, le bouleversement du sol au passage de la lame pour l’enfouissement du drain permet d’assurer des possibilités satisfaisantes d’écoulement de l’eau vers le drain, à l’instar d’une pose à la trancheuse (figs. 10 & 11). Quand le sol est à l’état plastique, le coutre de la draineuse sous-soleuse n’ouvre qu’une fente étroite qui se referme rapidement après la pose et ne permet pas le passage de l’eau vers le drain. Malheureusement ces conditions restrictives de réalisation du chantier sont trop souvent ignorées par souci d’économie à très court terme.
L’écartement entre drains est très souvent considéré par les praticiens comme l’élément essentiel de la qualité du réseau. Certes, dans les cas de drainage de nappe profonde, conformément aux formules de l’hydraulique, l’accroissement de l’écartement augmente la longueur du trajet de l’eau entre les antennes, ce qui fait que le toit de la nappe rabattue est alors plus proche de la surface. Poussée à l’extrême, cette conception a conduit à préconiser le rapprochement des drains pour traiter les zones de mouillères, ce qui est inefficace dans la très grande majorité des cas. Dans les cas de nappes perchées temporaires où l’écoulement de l’eau est majoritairement latéral, le gradient hydraulique constitue « le moteur » de l’écoulement (fig. 12). Le temps de transfert entre les drains est fonction de la pente du terrain et de l’orientation des antennes par rapport à cette dernière. Les notions d’écartement nominal (distance géométrique) et réel (distance parcourue par l’eau) entre les antennes conduisent à apprécier de façon plus réaliste la valeur du temps de transfert de l’eau entre drains en regard de la topographie de la parcelle drainée (fig. 13). La prise en compte de cette notion est indispensable pour l’expertise de la qualité d’un réseau.
Les changements de la pente du terrain modifient la vitesse d’écoulement latéral de l’eau. Les ruptures de pente et les inversions de pente dans les cuvettes sont autant d’emplacements imposés de drains (fig.14). Les antennes sont ensuite disposées régulièrement entre ces positions en fonction des capacités hydrauliques de chacune d’elles.
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Mise en œuvre du drainage
Le drainage dans une parcelle agricole est une opération lourde aux plans technique, économique et environnemental, justifiant une réalisation raisonnée et adaptée à la situation à traiter. Il se déroule en étapes successives calées sur la réalité du terrain. La faisabilité réglementaire, technique, socio-économique est analysée en préalable aux premières investigations sur le terrain. En France, la législation actuelle, notamment au titre de la loi sur l’eau, articles L 214-1 à L 214-4 du code de l’environnement, soumet les travaux de drainage agricole au régime de déclaration ou d’autorisation selon que la surface concernée est inférieure ou supérieure à 100 ha. Elle oblige aussi au respect des diverses contraintes restrictives liées par exemple à des périmètres de captage d’eau ou à des zonages d’intérêt écologique.
L’étude préalable d’un projet de drainage prend en compte aussi bien les volets agricole et humain que les facteurs liés au milieu naturel, autour et dans la parcelle, tels le contexte hydrologique, la topographie, la nature et les propriétés des sols (Concaret et al., 1981 ; Favrot, 1981 ; de Crécy & Teilhard de Chardin, 1984).
Souvent, une ou plusieurs solutions techniques, assorties de volets économiques, peuvent être proposées à l’exploitant, qui choisit en fonction de son projet personnel et de ses possibilités financières. La connaissance de résultats obtenus sur des réseaux déjà en place dans des conditions voisines est une aide pour guider le choix de l’exploitant agricole (Trouche, 1981c ; Concaret, 1987 ; Favrot, 1987 ; Favrot et al., 1991).
La mise en place d’un réseau systématique à géométrie régulière (drains parallèles à écartement uniforme) sur toute la surface de la parcelle n’est pas toujours la seule possibilité, ni la meilleure. Des travaux échelonnés peuvent s’envisager dans certaines situations. Le drainage est alors réalisé dans un projet d’ensemble cohérent en plusieurs étapes, chacune n’étant justifiée que si la précédente n’est pas suffisamment efficace. L’adaptation aux variations intra-parcellaires de certains critères, comme le relief, la nature de l’excès d’eau ou la présence de blocs rocheux, conduit à moduler le réseau, c’est-à-dire à installer des ouvrages prenant en compte ces particularités, et donc forcément irréguliers et non systématiques. (Mangin et al. 1998).
Le choix de la machine de pose et de la période des travaux (Teilhard de Chardin, 1985), la vitesse de pose des drains ainsi que le calibrage des canalisations, sont autant de paramètres qui conditionnent fortement la qualité du résultat. Au moment de la réalisation, ces postes font parfois l’objet d’économies qui sont le plus souvent préjudiciables à la pérennité du réseau.
Le drainage agricole mobilise des connaissances et compétences multiples d’ordre théorique et pratique et se base aussi bien sur le bon sens que sur l’expérience du terrain. Si sa mise en œuvre requiert l’intervention de spécialistes, l’agriculteur est concerné par l’ensemble de la démarche. Outre les opérations culturales, les opérations de maintenance courante, comme l’entretien et la surveillance du réseau de drainage et des ouvrages d’évacuations d’eau, relèvent de sa compétence. La participation de l’agriculteur à l’élaboration du projet n’est pas toujours bien comprise, même si l’expérience du terrain prouve que c’est un gage de réussite.
Après le drainage
Techniques associées
Dans certaines situations, un sous-solage ou un taupage sont réalisés en complément de la pose des drains. Ces techniques dites associées au drainage (Rolland, 1972) sont généralement réalisées après l’installation du réseau avec les moyens de traction de l’exploitation. Les objectifs, les conditions de sol et les moyens de réalisation sont fondamentalement différents pour le sous-solage et le taupage. Le sous-solage vise à diviser les sols compacts alors que le taupage est destiné à créer une galerie dans le sol (Perrey, 1981 b). Ces travaux ont des conséquences sur la circulation de l’eau gravitaire dans le sol.
Entretien et surveillance du réseau
La surveillance du réseau est de la compétence de l’agriculteur, qui détecte très rapidement les incidents de fonctionnement. De nature et d’origine diverses, ceux-ci se marquent généralement par des retards localisés au ressuyage des sols et par l’état de la végétation. L’ouverture d’une fosse permet de diagnostiquer et réparer le défaut dans une majorité de cas. La consultation du plan de recollement fourni par le draineur à la fin du chantier de drainage est souvent nécessaire pour ce travail. Des obstacles à la circulation de l’eau entre la surface du sol et le drain (fig. 15), ainsi que des colmatages terreux dans le réseau (fig. 16) sont à l’origine d’une majorité de dysfonctionnements. Parmi les diverses causes, un défaut de pose, comme une contre-pente, un changement d’occupation de la surface du sol avec l’implantation d’une haie, ou encore un défaut d’entretien, comme par exemple l’absence de nettoyage des regards visitables, sont les plus fréquents. Pour l’anecdote, des cas caricaturaux de non fonctionnement, observés sur le terrain, résultaient de l’absence de drain dans la tranchée ou encore du comblement total de l’émissaire par des atterrissements… Avant l’emploi généralisé de l’ensemble clip-coude normalisé (voir annexe 1), il n’est pas rare de constater des défauts au niveau du raccordement antenne-collecteur.
En France, la réparation des défauts de réalisation est prise en charge par l’entrepreneur quand ils rentrent dans le cadre de la garantie décennale. Au delà de cette période, l’agriculteur peut avoir recours à une entreprise pour réparer (Favrot & Lesaffre, 1987), mais dans bien des cas il intervient lui-même sur le réseau, notamment pour les débouchages de drains.
Lorsqu’il y a une semelle de labour, elle bouche la partie supérieure de la tranchée de pose du drain et affecte une forme particulière de voûte qui s’appuie sur les parois de la tranchée (Trouche & Lécuyer, 1981 ; Trouche & Perrey, 1984). Ce bouchon arrête le passage de l’eau vers le drain (fig. 17). Après diagnostic et vérification des profondeurs respectives de la base de la voûte et des drains, la réalisation d’un sous-solage assure la reprise du bon fonctionnement du réseau.
Conduite culturale
Le drainage d’un champ induit des comportements nouveaux que les agriculteurs expriment souvent par l’expression « on a changé de planète ». De mauvaises prairies, peu productives et exploitables seulement en période sèche, sont transformées en pâturages intensifs (Benoît et al., 1985) ou en bonnes terres à blé. Les rendements sont accrus et plus réguliers. Les conditions de travail et les temps de travaux sont nettement améliorés, à condition toutefois de respecter les bonnes pratiques agronomiques, comme l’attente du ressuyage complet du sol avant de faire pâturer ou d’intervenir mécaniquement. Certaines précautions relatives à la surveillance et à l’entretien des dispositifs hydrauliques sont également indispensables. Ainsi, dans de nombreuses situations, la meilleure efficacité du réseau s’obtient par un recoupement du sens du labour, parallèle si possible à la plus grande pente, avec la direction des drains (Fig. 18) car le fond du labour constitue un niveau de circulation préférentiel de l’eau de drainage. Pour cette raison, certains cabinets d’études font figurer contractuellement l’orientation du labour sur les plans de projet de drainage.
Concernant le choix des cultures, l’interrogation qui revient souvent porte sur le colza, réputé provoquer, plus que d’autres espèces, des colmatages par les racines. En fait, le colza, qui est très sensible à l’excès d’eau, est surtout un excellent révélateur des défauts sur les réseaux de drainage. Dans les situations où le drainage est bien conçu, bien réalisé et les bonnes pratiques culturales respectées, cette culture ne pose pas de problème particulier (Hebinger, 2013).
Les enjeux du drainage aujourd’hui
La protection de l’environnement pose de nouvelles questions quant à l’influence du drainage sur le milieu biophysique et sur les masses d’eau, en quantité et en qualité. Les détracteurs dénoncent entre autres l’aggravation des crues dans les parties aval des bassins versants, l’accroissement des pollutions diffuses par les nitrates, la réduction de la réserve en eau des sols pour les plantes, ainsi que la destruction des zones humides, suite aux travaux de drainage. Les résultats de travaux de recherche sur tous ces points sont parfois contradictoires, car les expérimentations rigoureuses et les observations sur de longues périodes sont peu nombreuses. De plus, les facteurs en jeu sont multiples et agissent souvent en combinaisons. Les défenseurs du drainage avancent l’intérêt pour le maintien, voire l’amélioration, de la production de l’agriculture face aux enjeux de nutrition de la planète en quantité et en qualité, dans des conditions assurant le respect des bonnes pratiques agronomiques. La question de l’utilité du drainage se place bien dans le cadre du développement durable.
Pour en savoir plus
Fiche pratique Assainir les parcelles par drainage sur la plateforme GECO.
Références citées
- Académie Française, 1992. Dictionnaire. 9e édit. texte intégral sur le site de l'Académie.
- Barral J.A., 1854. Manuel de drainage des terres arables. Maison Rustique, Paris, 824 p. Texte intégral sur Gallica.
- Benoît M., Morlon P., Teilhard de Chardin B., 1985. Transformations permises par le drainage dans des exploitations lorraines. Actes du séminaire Conditions et effets des excès d'eau en agriculture, INRA Commission d'Agrométéorologie : 459-469. Repris dans : Travaux et Innovations, 87/01 : 47-55.
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