Mesures de surface agraires - Annexe 5

De Les Mots de l'agronomie
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Cette annexe se rapporte à l'article Mesures de surface agraires.

La manière de mesurer les terres

Par Olivier de Serres (1605).



Premier lieu, Chapitre III. La Manière de mesurer les Terres.
Après la connaissance des terres, ensuit leur mesure : de laquelle il ne faut pas que notre ménager soit ignorant. Car combien que ce soit un métier de publique police, duquel nous ne voulons pas qu'il s'entremêle, si est-il pourtant nécessaire, qu'il entende ce qu'il achète, & sache ce qu'il a, pour semer tous les ans ses terres avec jugement : leur donnant plus ou moins de semence, selon qu'elles sont fortes ou faibles, afin de n'être contraint de s'en rapporter à la foi de ses serviteurs. Laissant donc aux arpenteurs la plus exquise intelligence de bien mesurer, nous en traiterons comme en passant, autant qu'il suffira pour l'usage du bon ménager.
On mesure la terre par portions : les portions ont divers noms selon les lieux, s'étant diversifiées par le temps, dont les plus communes sont aujourd'hui entre nous, arpents, saumées, ânées, journaux, sesterées, acres, couples-de-bœufs, qui néanmoins ont diverses mesures selon les divers pays. Desquelles n'est besoin parler plus subtilement, ni des diverses façons de procéder à l'arpentage, représentant les coutumes des provinces. Seulement pour notre dessein, servant d'exemple, emploierons-nous en cet endroit, l'arpent de l'Isle-de-France, & la saumée de certains endroits du Languedoc, pour sur icelles mesures prendre avis : afin de se servir de toutes autres, en quel pays qu'on soit, chose aisée à tout homme d'esprit. Or comme il y a de la différence es mesures des terres, différentes de province à province, sont aussi celles des grains. Le muid de bled mesure de Paris, contient douze sestiers : le sestier, deux mines : la mine, deux minots : le minot, trois boisseaux : le boisseau, quatre quarts : le quart, quatre literons : le literon, deux demis literons : le demi-literon, dix huit poulceons. La saumée de certains endroits du Languedoc, qui est celle dont nous entendons nous servir en cet endroit, commune & pour le bled, & pour la terre qui le produit, est de quatre sestiers : le sestier, de deux émines : l'émine, de deux quarterons : le quarteron, de quatre civadiers, dits aussi boisseaux, divisés par demis. Laquelle saumée est la droite charge d'un mulet, se rapportant au sestier de Paris, lequel étant de bon froment, pèse trois cens soixante livres, poids de ladite ville. Ailleurs en Languedoc la saumée n'est que de trois sestiers & un quarteron ; en d'autres, deux sestiers y suffisent : mais par toute icelle province, le sestier se divise en deux émines ; l'émine, en deux quarterons, comme dessus. En autres quartiers de ce royaume l'on parle par ânées, bichets, sacs, raz, & autrement ; la recherche desquelles appellations, je laisse, par être plus curieuse & pénible, qu'utile & profitable : seulement pour montrer comme le monde se gouverne, ai-je voulu toucher ce mot sur telle matière. Diverses portions pour le mesurage des terres.






Le muid de bled, mesure de Paris.

La saumée du Languedoc, pour le bled.

Non plus de même mesure est généralement l'arpent par toute la France, pour l'inégalité des perches dont il est composé, non pour leur nombre, car tous-jours les cent quarrées, font l'arpent. Plus ou moins de pieds sont employés en la perche, selon les lieux, coutumes & ouvrages qu'on mesure, comme dix-huit, dix-neuf, vingt, & vingt-deux. Du pied n'est ainsi, par demeurer tous-jours de douze pouces, & le pouce de douze lignes, ce qui le fait par tout reconnaître. Mais pour régler ces choses, nous ferons la perche selon la plus générale coutume & plus reçue, savoir, de dix-huit pieds ou de trois toises, à six pieds de roi chacune. Quant à la saumée de terre, elle est de seize cents canes quarrées, mesure de Montpellier ; chacune cane, de huit pams, qu'on divise par demis, tiers, & quarts : ainsi, ayant à la saumée quatre sestérées, chacune contiendra quatre cents canes quarrées. Cette curiosité servira en cet endroit, bien-que non-nécessaire, que rapportant la toise à la cane, par exacte vérification, se trouve la toise contenir huit pams, neuf vingt-sixièmes, reste à diviser quatre vingt-sixièmes : & le pam, huit pouces, neuf lignes. Par laquelle supputation, appert, l'arpent faire la troisième partie de la saumée, peu plus ou moins, sur quoi l'on pourra faire son compte. L’arpent de France.





La saumée pour la terre.

Supputation, touchant la toise & la cane.

Selon le naturel de tous corps, l'arpent & la saumée se divisent en tant de portions qu'on veut, la moitié duquel arpent contient cinquante perches quarrées : le quart, vingt-cinq : l'octave, douze & demie, etc. La saumée de même, dont la moitié, est de huit cents canes quarrées : le quart, c'est à savoir la sestérée, de quatre cents : l'octave, de deux cents, etc. Par semblable méthode, prenant de l'autre côté : le tiers de cent perches & de seize cens canes, pour faire des tiers d'arpent & de saumée, & en suite, des sixièmes, douzièmes, vingt-quatrièmes & autres particules.
Par ceci se voit l'arpent & la saumée être certaine espace de terre mesurée, laquelle ne se peut justement limiter, ni par le labourage, ni par la semence, comme j'ai dit : sous lesquelles mesures, & autres, selon les pays & coutumes indifféremment, toutes places & aires sont mesurées, soient terres-à-grains, vignobles, prairies, bois, pâturages & autres propriétés, de quelque assiette qu'elles soient, plate, enfoncée, relevée : comme l'on fait es [dans les] boutiques des marchands, par l'aune, la cane, le bras, & semblables, généralement toutes sortes de marchandises de divers prix, sans distinction de leurs valeurs. L’arpent, la saumée & autres mesures, inventées pour mesurer la contenue des terres.
Les antiques Romains ont usé du mot, arpent (dont ils représentaient les mesures des terroirs), qui estoit la terre que deux bœufs accouplés labouraient en un jour. Il estoit large de cent vingt pieds ; & long, de deux cent quarante : lesquels multipliés les uns par les autres, font vingt-huit mil huit cents pieds quarrés, que contenoit la superficie de leur arpent. L’arpent romain.
L'arpent français, est composé de cent perches quarrées, comme a été dit, chacune de dix-huit pieds : rendant par la multiplication, trente deux mil quatre cens pieds quarrés : donc, il excède le romain, de trois mil six cens pieds, ce qui est la neuvième partie de l'arpent français. Par lesquelles diversités, se remarque clairement ce qui a été dit, que fondement assuré ne peut être mis pour le labourage des terres & leur ensemencement, ne sur l'arpent, ne sur la saumée ; ainsi que ce sont inventions politiques, pour, à-peu-près, prendre avis sur tel ménage, ainsi l'ayant voulu nos ancêtres. En Languedoc & voisinage, le nom de saumée est retenu, pour mesurer & le bled & la terre, comme j'ai dit : de même n'étant de l'arpent, & du muid : celui-ci servant pour le bled, & celui-là pour la terre. Le François.

Référence

Serres O. de, 1605. Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs. 3e édition revue et augmentée par l’Auteur. Réimpression fac-simil, Slatkine, Genève, 1991, 1023 + 22p. Également : Actes Sud, Paris, 1996, 1463 p. (basée sur l’édition de 1804).


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