Gautier de Henley : Différence entre versions

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'''[[A pour personnalité::H|Gautier de Henley]]''' (ou ''Walter of Henley''), né vers 1240, mort vers 1290-1300, est essentiellement connu comme auteur du ''Dit de Hosebonderie'' (date estimée de rédaction : vers 1286).
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==Listes des articles dans lesquels Gautier de Henley est cité==
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|<center>'''Quelques éléments sur Gautier de Henley et sur ''Le dit de Hosebonderie'''''</center>
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'''''Auteur'' : [[A pour auteur::Pierre Morlon]]'''
 
'''''Auteur'' : [[A pour auteur::Pierre Morlon]]'''
  
Les plus anciens traités de gestion d’un domaine agricole rédigés en français l’ont été... en Angleterre, au XIII<sup>e</sup> siècle - quand les Normands, descendants des Vikings, y parlaient français.
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Les plus anciens traités de gestion d’un domaine agricole rédigés en français l’ont été... en Angleterre, au XIII<sup>e</sup> siècle - quand les seigneurs Normands, descendants des Vikings, y parlaient français.
  
''Le dit de hosebondrie'', écrit vers 1280, en est le plus célèbre, au point que Walter of Henley, nom anglicisé de son auteur Gautier de Henlé, est parfois pris pour désigner collectivement l’ensemble de ces traités, écrits pour la plupart en dialecte français anglo-normand <ref>Voir [http://www.anglo-norman.net/ dictionnaire anglo-normand]</ref>, pour les les nobles descendants des compagnons de Guillaume le Conquérant. Outre ''Le dit...'', on mentionnera les ''Règles'' écrites vers 1240-42 par Robert Grosseteste, évêque de Lincoln <ref>Lire : [http://www3.interscience.wiley.com/journal/118993193/abstract - fn1 The date and authorship of Robert Grosseteste's Rules for Household and Estate Management] sur le site de Wiley Interscience.</ref>, et des ouvrages anonymes : la ''Seneschaucie'' (vers 1276), la ''Hosebonderie'', dont les plus anciens manuscrits conservés datent des environs de 1300, et la ''Fleta'', écrite en latin. Les manuscrits originaux ont disparu, ne subsistent que des copies <ref>Voir : [http://www.arlima.net/uz/walter_de_henley.html Liste des manuscrits] sur le site de Arlima</ref> différant plus ou moins entre elles – que le copiste ait jugé bon d’ajouter des choses de son cru, ou qu’il ait modifié des raisonnements numériques qu’il ne comprenait pas – ce qui exige un énorme travail de comparaison pour essayer de se rapprocher le plus possible de l’original (Lamond, 1890 ; Oschinsky, 1971).
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''Le dit de hosebondrie'', écrit vers 1280, en est le plus célèbre, au point que Walter of Henley, nom anglicisé de son auteur Gautier de Henley, est parfois pris pour désigner collectivement l’ensemble de ces traités, écrits pour la plupart en dialecte français anglo-normand <ref>Voir [http://www.anglo-norman.net/ dictionnaire anglo-normand]</ref>, pour les les nobles descendants des compagnons de Guillaume le Conquérant. Outre ''Le dit...'', on mentionnera les ''Règles'' écrites vers 1240-42 par Robert Grosseteste, évêque de Lincoln <ref>Lire : [http://www3.interscience.wiley.com/journal/118993193/abstract ''The date and authorship of Robert Grosseteste's Rules for Household and Estate Management''] (Michael Burger) sur le site de Wiley Interscience.</ref>, et des ouvrages anonymes : la ''Seneschaucie'' (vers 1276), la ''Hosebonderie'', dont les plus anciens manuscrits conservés datent des environs de 1300, et la ''Fleta'', écrite en latin. Les manuscrits originaux ont disparu, ne subsistent que des copies <ref>Voir : [http://www.arlima.net/uz/walter_de_henley.html Liste des manuscrits] sur le site de Arlima</ref> différant plus ou moins entre elles – que le copiste ait jugé bon d’ajouter des choses de son cru, ou qu’il ait modifié des raisonnements numériques qu’il ne comprenait pas – ce qui exige un énorme travail de comparaison pour essayer de se rapprocher le plus possible de l’original (Lamond, 1890 ; Oschinsky, 1971).
  
En Angleterre et dans le monde anglophone en général, où ils sont considérés comme fondateurs en comptabilité, gestion d'un domaine agricole et même en économie politique, ces textes sont très connus, par des traductions en anglais dès la Renaissance. Ils n’ont par contre apparemment eu aucune influence en France, où un seul semble avoir été reproduit, et cela au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle (Lacour, 1856) : nous ne les avons jamais vus cités par les agronomes ou écrivains en agriculture français anciens.
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De Gautier de Henley lui-même, on sait très peu de choses. Il aurait été bailli d'un domaine, et aurait fini sa vie comme frère dominicain.
  
Ils nous sont cependant précieux car, à une époque où en France on se contentait de recopier ou compiler les écrits agricoles de l’Antiquité, ils nous donnent un aperçu des façons de penser et dire les choses en agriculture – du moins celles des classes dominantes, quand les grandes abbayes françaises avaient des terres en Angleterre et le roi d'Angleterre des possessions en France, et quand les érudits voyageaient dans une Europe sans frontières.
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En Angleterre et dans le monde anglophone en général, où ils sont considérés comme fondateurs en comptabilité, gestion d'un domaine agricole et même en économie politique, ces textes sont très connus, par des traductions en anglais dès la Renaissance. Ils n’ont par contre apparemment eu aucune influence en France, où un seul - en fait, un mélange de trois d’entre eux - a été reproduit, et cela au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle (Lacour, 1856) : nous ne les avons jamais vus cités par les [[agronome, agronomie : étymologie|agronomes]] ou écrivains en agriculture français anciens.
  
Le but de ces ouvrages est de donner aux seigneurs normands des méthodes et [[référentiel]]s leur permettant d’augmenter leur revenu et de savoir si leurs gérants et autres serviteurs n’ont rien détourné, dans un contexte de défiance généralisée et de relations sociales manifestement exécrables : tout le monde est soupçonné de voler le seigneur qui, de son côté, est impitoyablement âpre au gain, comme en témoigne ce passage de la ''Hosebonderie'' : « Mais parce que les terres ne rendent pas aussi bien une année comme une autre, ni les mauvaises terres ne rendent pas aussi bien que les bonnes (...) si la terre ne rend plus qu’elle n’a reçu de semence, le seigneur y perd, et si elle rend moins, il convient que celui qui rend le compte qu’il paye du sien » ! En les lisant, on se demande comment Lacour en 1856 a pu écrire : « Rien ne fonctionnait plus aisément que ce système ((de fonctions hiérarchisées)), au premier abord si compliqué ; et la raison en est simple : entre toutes les parties intéressées régnait une union sincère »…
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Ils nous sont cependant précieux car, à une époque où en France on se contentait de recopier ou compiler les écrits agricoles de l’Antiquité, ils nous donnent un aperçu des façons de penser et dire les choses en agriculture – du moins celles des classes dominantes -, alors que les grandes abbayes françaises avaient des terres en Angleterre et le roi d'Angleterre des possessions en France, et que les érudits voyageaient dans une Europe sans frontières.
  
« Le seigneur devait, en outre, ordonner l’audit annuel des comptes de ses manoirs, non dans un lieu central, mais sur place dans chacun de ses manoirs, afin de connaître rapidement le bilan véritable, et évaluer profits et pertes. Il devait s’assurer qu’aucun de ses agents ne vive du manoir pour son ordinaire (...). Le seigneur devait faire des tournées d’inspection avec des enquêteurs de sa propre maison, chargés d’enquêter sur ses sénéchaux, baillis et prévôts, et ensuite obtenir de ses agents comptables les rôles des comptes afin d’en prendre lui-même connaissance. Il devait voir et enquêter sur ceux de ses agents qui avaient fait profiter et croître le manoir, et sur ceux qui avaient causé pertes et dommages. Ces derniers devaient répondre de ces pertes et quitter leur office.
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Le but de ces ouvrages est de donner aux seigneurs normands des méthodes et [[référentiel]]s leur permettant d’augmenter leur revenu et de savoir si leurs gérants et autres serviteurs n’ont rien détourné, ceci dans un contexte de défiance généralisée et de relations sociales manifestement exécrables : tout le monde est soupçonné de voler le seigneur qui, de son côté est impitoyablement âpre au gain, comme en témoigne ce passage de la ''Hosebonderie'' : « Mais parce que les terres ne rendent pas aussi bien une année comme une autre, ni les mauvaises terres ne rendent pas aussi bien que les bonnes (...) si la terre ne rend plus qu’elle n’a reçu de semence, le seigneur y perd, et si elle rend moins, il convient que celui qui rend le compte qu’il paye du sien » ! En les lisant, on se demande comment Lacour en 1856 a pu écrire : « Rien ne fonctionnait plus aisément que ce système ((de fonctions hiérarchisées)), au premier abord si compliqué ; et la raison en est simple : entre toutes les parties intéressées régnait une union sincère »…
(...)
 
L’économie politique de la seigneurie est fondée sur la visée du profit, de l’enrichissement des terres arables et de l’expansion des labours, comme de l’accroissement de l’élevage et du cheptel et de l’accumulation des stocks. Son principal instrument, c’est le savoir technique et la pratique de l’''estente''.
 
L’''estente'' faisait connaître la valeur du revenu annuel de la seigneurie et la proportion du profit et du bénéfice obtenus par la réduction des coûts de production, par l’amélioration des pratiques culturales (labourage, élevage, fumure, marnage) et par l’investissement. Elle déterminait aussi la marge de sécurité et la prévision de croissance. L’estente démontrait aux administrateurs seigneuriaux les limites des dépenses que les “''prodomes''” ne devaient pas dépasser. C’est bien de productivité agricole et de croissance du produit agricole, ici exprimées par le mot même de “surplus”, dont parle le père à son fils attentif. Le profit ou le bénéfice, résultat d’un croît de [[productivité]] mesuré par l’estente, c’est le résultat de “l’''appruement''”. Il peut être obtenu par “''saver''”, par “''gaignage''” ou par “''estor''”. Savoir technique, augmentation des [[labour]]s, augmentation de l’élevage bovin, ovin et porcin, accumulation des stocks en sont les facteurs (...). » (Beauroy, 1996).
 
  
==Listes des articles dans lesquels Gautier de Henlé est cité==
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« Le seigneur devait, en outre, ordonner l’audit annuel des comptes de ses manoirs, non dans un lieu central, mais sur place dans chacun de ses manoirs, afin de connaître rapidement le bilan véritable, et évaluer profits et pertes. Il devait s’assurer qu’aucun de ses agents ne vive du manoir pour son ordinaire (...). Le seigneur devait faire des tournées d’inspection avec des enquêteurs de sa propre maison, chargés d’enquêter sur ses sénéchaux, baillis et prévôts, et ensuite obtenir de ses agents comptables les rôles des comptes afin d’en prendre lui-même connaissance. Il devait voir et enquêter sur ceux de ses agents qui avaient fait profiter et croître le manoir, et sur ceux qui avaient causé pertes et dommages. Ces derniers devaient répondre de ces pertes et quitter leur office.<br/>
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L’économie politique de la seigneurie est fondée sur la visée du profit, de l’enrichissement des [[terres arables]] et de l’expansion des [[labours]], comme de l’accroissement de l’élevage et du cheptel et de l’accumulation des stocks. Son principal instrument, c’est le savoir technique et la pratique de l'''estente''.
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L'''estente'' faisait connaître la valeur du revenu annuel de la seigneurie et la proportion du profit et du bénéfice obtenus par la réduction des coûts de production, par l’amélioration des [[pratiques culturales]] ([[des labours|labourage]], élevage, [[fumure]], [[marnage]]) et par l’investissement. Elle déterminait aussi la marge de sécurité et la prévision de croissance. L’estente démontrait aux administrateurs seigneuriaux les limites des dépenses que les “''prodomes''” ne devaient pas dépasser. C’est bien de [[productivité]] agricole et de croissance du produit agricole, ici exprimées par le mot même de “surplus”, dont parle le père à son fils attentif. Le profit ou le bénéfice, résultat d’un croît de productivité mesuré par l’estente, c’est le résultat de “l’''appruement''”. Il peut être obtenu par “''saver''”, par “''gaignage''” ou par “''estor''”. Savoir technique, augmentation des labours, augmentation de l’élevage bovin, ovin et porcin, accumulation des stocks en sont les facteurs (...). » (Beauroy, 1996).
  
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C’est ainsi que de nombreux domaine seigneuriaux en Angleterre conservent depuis le XIII<sup>e</sup> siècle un ensemble d’archives dont l’Europe continentale, ravagée pendant des siècles par les guerres, n’a pas l’équivalent. Des archives agricoles très précises qui permettent de faire remonter à ce XIII<sup>e</sup> siècle les progrès (le fameux « assolement de Norfolk ») dont on fit tant de bruit en France au XVIII<sup>e</sup> (Campbell, 1983, Beauroy, 1998)...
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==Références citées==
 
==Références citées==
 
*Beauroy J., 1996. Sur la culture seigneuriale en Angleterre : un poème anglo-normand inédit dans le Cartulaire des Barons de Mohun. In : C. Duhamel-Amado et G. Lobrichon (dir.), ''Georges Duby, l’écriture de l’Histoire''. De Boeck, Bruxelles, 1996, p. 341-36. [http://www.jacques-beauroy.com/pdf/CultureSeign.pdf Texte intégral] sur le site de Jacques Beauroy.
 
*Beauroy J., 1996. Sur la culture seigneuriale en Angleterre : un poème anglo-normand inédit dans le Cartulaire des Barons de Mohun. In : C. Duhamel-Amado et G. Lobrichon (dir.), ''Georges Duby, l’écriture de l’Histoire''. De Boeck, Bruxelles, 1996, p. 341-36. [http://www.jacques-beauroy.com/pdf/CultureSeign.pdf Texte intégral] sur le site de Jacques Beauroy.
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*Beauroy J., 1998. Les Coke de Holkham Hall et l’essor du Norfolk System of Husbandry. ''Histoire et Sociétés rurales'', 10 : 9-45.
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*Campbell B.M.S., 1983. Agricultural Progress in Medieval England : Some Evidence from Eastern Norfolk. ''The Economic History Review'', New Series, 36 (1) : 26-46.
 
*Lacour L., 1856. ''Traité inédit d’économie rurale composé en Angleterre au XIII<sup>e</sup> siècle''. Bouchard-Huzard, Paris, 40 p. Idem : Bibliothèque de l'École des chartes, 4e série, 2, 1856, p. 123-141 et 367-381. [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1856_num_17_1_445388 Première partie] et [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1856_num_17_1_461862 seconde partie] sur le site de Persée.
 
*Lacour L., 1856. ''Traité inédit d’économie rurale composé en Angleterre au XIII<sup>e</sup> siècle''. Bouchard-Huzard, Paris, 40 p. Idem : Bibliothèque de l'École des chartes, 4e série, 2, 1856, p. 123-141 et 367-381. [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1856_num_17_1_445388 Première partie] et [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1856_num_17_1_461862 seconde partie] sur le site de Persée.
 
*Lamond E., 1890. ''Walter of Henley's Husbandry, together with an anonymous husbandry, Seneschaucie and Robert Grosseteste's Rules''. Longman, Green & Co, London. [http://www.archive.org/stream/walterhenleyshu01cunngoog#page/n5/mode/1up Texte intégral] sur le site de archive.org (édition en grande partie basée sur des copies maintenant jugées mauvaises par les spécialistes).
 
*Lamond E., 1890. ''Walter of Henley's Husbandry, together with an anonymous husbandry, Seneschaucie and Robert Grosseteste's Rules''. Longman, Green & Co, London. [http://www.archive.org/stream/walterhenleyshu01cunngoog#page/n5/mode/1up Texte intégral] sur le site de archive.org (édition en grande partie basée sur des copies maintenant jugées mauvaises par les spécialistes).
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*Comet G., 1992. ''Le paysan et son outil. Essai d’histoire technique des céréales (France, VII<sup>e</sup>-XV<sup>e</sup> siècles)''. École française de Rome, Rome, p. 12-13. (Le texte sur lequel Comet a travaillé est celui édité et traduit en anglais par Elizabeth Lamond en 1890).
 
*Comet G., 1992. ''Le paysan et son outil. Essai d’histoire technique des céréales (France, VII<sup>e</sup>-XV<sup>e</sup> siècles)''. École française de Rome, Rome, p. 12-13. (Le texte sur lequel Comet a travaillé est celui édité et traduit en anglais par Elizabeth Lamond en 1890).
*Oschinsky D., 1947. Medieval Treatises on Estate Accounting. ''The Economic History Review'', 17 (1) : 52-61. [http://www.jstor.org/stable/2590692 texte intégral] sur le site de jstor.
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*Oschinsky D., 1947. Medieval Treatises on Estate Accounting. ''The Economic History Review'', 17 (1) : 52-61. [http://www.jstor.org/stable/2590692 Texte intégral] sur le site de jstor.
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*McDonald D., 1908. ''Agricultural writers from Sir Walter of Henley to Arthur Young, 1200 - 1800'', 7-8. [http://www.archive.org/stream/agriculturalwrit00mcdorich#page/8/mode/2up Texte intégral] sur le site Internet Archive.
  
 
==Pour en savoir plus==
 
==Pour en savoir plus==
 
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[[Catégorie:Hommes célèbres]]
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Version actuelle datée du 20 avril 2023 à 10:25

Gautier de Henley (ou Walter of Henley), né vers 1240, mort vers 1290-1300, est essentiellement connu comme auteur du Dit de Hosebonderie (date estimée de rédaction : vers 1286).

Listes des articles dans lesquels Gautier de Henley est cité

Liste des annexes dans lesquelles Gautier de Henley est cité


Quelques éléments sur Gautier de Henley et sur Le dit de Hosebonderie

Auteur : Pierre Morlon

Les plus anciens traités de gestion d’un domaine agricole rédigés en français l’ont été... en Angleterre, au XIIIe siècle - quand les seigneurs Normands, descendants des Vikings, y parlaient français.

Le dit de hosebondrie, écrit vers 1280, en est le plus célèbre, au point que Walter of Henley, nom anglicisé de son auteur Gautier de Henley, est parfois pris pour désigner collectivement l’ensemble de ces traités, écrits pour la plupart en dialecte français anglo-normand [1], pour les les nobles descendants des compagnons de Guillaume le Conquérant. Outre Le dit..., on mentionnera les Règles écrites vers 1240-42 par Robert Grosseteste, évêque de Lincoln [2], et des ouvrages anonymes : la Seneschaucie (vers 1276), la Hosebonderie, dont les plus anciens manuscrits conservés datent des environs de 1300, et la Fleta, écrite en latin. Les manuscrits originaux ont disparu, ne subsistent que des copies [3] différant plus ou moins entre elles – que le copiste ait jugé bon d’ajouter des choses de son cru, ou qu’il ait modifié des raisonnements numériques qu’il ne comprenait pas – ce qui exige un énorme travail de comparaison pour essayer de se rapprocher le plus possible de l’original (Lamond, 1890 ; Oschinsky, 1971).

De Gautier de Henley lui-même, on sait très peu de choses. Il aurait été bailli d'un domaine, et aurait fini sa vie comme frère dominicain.

En Angleterre et dans le monde anglophone en général, où ils sont considérés comme fondateurs en comptabilité, gestion d'un domaine agricole et même en économie politique, ces textes sont très connus, par des traductions en anglais dès la Renaissance. Ils n’ont par contre apparemment eu aucune influence en France, où un seul - en fait, un mélange de trois d’entre eux - a été reproduit, et cela au milieu du XIXe siècle (Lacour, 1856) : nous ne les avons jamais vus cités par les agronomes ou écrivains en agriculture français anciens.

Ils nous sont cependant précieux car, à une époque où en France on se contentait de recopier ou compiler les écrits agricoles de l’Antiquité, ils nous donnent un aperçu des façons de penser et dire les choses en agriculture – du moins celles des classes dominantes -, alors que les grandes abbayes françaises avaient des terres en Angleterre et le roi d'Angleterre des possessions en France, et que les érudits voyageaient dans une Europe sans frontières.

Le but de ces ouvrages est de donner aux seigneurs normands des méthodes et référentiels leur permettant d’augmenter leur revenu et de savoir si leurs gérants et autres serviteurs n’ont rien détourné, ceci dans un contexte de défiance généralisée et de relations sociales manifestement exécrables : tout le monde est soupçonné de voler le seigneur qui, de son côté est impitoyablement âpre au gain, comme en témoigne ce passage de la Hosebonderie : « Mais parce que les terres ne rendent pas aussi bien une année comme une autre, ni les mauvaises terres ne rendent pas aussi bien que les bonnes (...) si la terre ne rend plus qu’elle n’a reçu de semence, le seigneur y perd, et si elle rend moins, il convient que celui qui rend le compte qu’il paye du sien » ! En les lisant, on se demande comment Lacour en 1856 a pu écrire : « Rien ne fonctionnait plus aisément que ce système ((de fonctions hiérarchisées)), au premier abord si compliqué ; et la raison en est simple : entre toutes les parties intéressées régnait une union sincère »…

« Le seigneur devait, en outre, ordonner l’audit annuel des comptes de ses manoirs, non dans un lieu central, mais sur place dans chacun de ses manoirs, afin de connaître rapidement le bilan véritable, et évaluer profits et pertes. Il devait s’assurer qu’aucun de ses agents ne vive du manoir pour son ordinaire (...). Le seigneur devait faire des tournées d’inspection avec des enquêteurs de sa propre maison, chargés d’enquêter sur ses sénéchaux, baillis et prévôts, et ensuite obtenir de ses agents comptables les rôles des comptes afin d’en prendre lui-même connaissance. Il devait voir et enquêter sur ceux de ses agents qui avaient fait profiter et croître le manoir, et sur ceux qui avaient causé pertes et dommages. Ces derniers devaient répondre de ces pertes et quitter leur office.
(...)
L’économie politique de la seigneurie est fondée sur la visée du profit, de l’enrichissement des terres arables et de l’expansion des labours, comme de l’accroissement de l’élevage et du cheptel et de l’accumulation des stocks. Son principal instrument, c’est le savoir technique et la pratique de l'estente. L'estente faisait connaître la valeur du revenu annuel de la seigneurie et la proportion du profit et du bénéfice obtenus par la réduction des coûts de production, par l’amélioration des pratiques culturales (labourage, élevage, fumure, marnage) et par l’investissement. Elle déterminait aussi la marge de sécurité et la prévision de croissance. L’estente démontrait aux administrateurs seigneuriaux les limites des dépenses que les “prodomes” ne devaient pas dépasser. C’est bien de productivité agricole et de croissance du produit agricole, ici exprimées par le mot même de “surplus”, dont parle le père à son fils attentif. Le profit ou le bénéfice, résultat d’un croît de productivité mesuré par l’estente, c’est le résultat de “l’appruement”. Il peut être obtenu par “saver”, par “gaignage” ou par “estor”. Savoir technique, augmentation des labours, augmentation de l’élevage bovin, ovin et porcin, accumulation des stocks en sont les facteurs (...). » (Beauroy, 1996).

C’est ainsi que de nombreux domaine seigneuriaux en Angleterre conservent depuis le XIIIe siècle un ensemble d’archives dont l’Europe continentale, ravagée pendant des siècles par les guerres, n’a pas l’équivalent. Des archives agricoles très précises qui permettent de faire remonter à ce XIIIe siècle les progrès (le fameux « assolement de Norfolk ») dont on fit tant de bruit en France au XVIIIe (Campbell, 1983, Beauroy, 1998)...

Références citées

  • Beauroy J., 1996. Sur la culture seigneuriale en Angleterre : un poème anglo-normand inédit dans le Cartulaire des Barons de Mohun. In : C. Duhamel-Amado et G. Lobrichon (dir.), Georges Duby, l’écriture de l’Histoire. De Boeck, Bruxelles, 1996, p. 341-36. Texte intégral sur le site de Jacques Beauroy.
  • Beauroy J., 1998. Les Coke de Holkham Hall et l’essor du Norfolk System of Husbandry. Histoire et Sociétés rurales, 10 : 9-45.
  • Campbell B.M.S., 1983. Agricultural Progress in Medieval England : Some Evidence from Eastern Norfolk. The Economic History Review, New Series, 36 (1) : 26-46.
  • Lacour L., 1856. Traité inédit d’économie rurale composé en Angleterre au XIIIe siècle. Bouchard-Huzard, Paris, 40 p. Idem : Bibliothèque de l'École des chartes, 4e série, 2, 1856, p. 123-141 et 367-381. Première partie et seconde partie sur le site de Persée.
  • Lamond E., 1890. Walter of Henley's Husbandry, together with an anonymous husbandry, Seneschaucie and Robert Grosseteste's Rules. Longman, Green & Co, London. Texte intégral sur le site de archive.org (édition en grande partie basée sur des copies maintenant jugées mauvaises par les spécialistes).
  • Oschinsky D., 1971. Walter of Henley and Other Treatises on Estate Management and Accounting. Clarendon Press, Oxford, xxiv + 504p.

Voir également :

  • Comet G., 1992. Le paysan et son outil. Essai d’histoire technique des céréales (France, VIIe-XVe siècles). École française de Rome, Rome, p. 12-13. (Le texte sur lequel Comet a travaillé est celui édité et traduit en anglais par Elizabeth Lamond en 1890).
  • Oschinsky D., 1947. Medieval Treatises on Estate Accounting. The Economic History Review, 17 (1) : 52-61. Texte intégral sur le site de jstor.
  • McDonald D., 1908. Agricultural writers from Sir Walter of Henley to Arthur Young, 1200 - 1800, 7-8. Texte intégral sur le site Internet Archive.

Pour en savoir plus

  1. Voir dictionnaire anglo-normand
  2. Lire : The date and authorship of Robert Grosseteste's Rules for Household and Estate Management (Michael Burger) sur le site de Wiley Interscience.
  3. Voir : Liste des manuscrits sur le site de Arlima


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