Profil cultural - Annexe 1

De Les Mots de l'agronomie
Version datée du 16 mars 2024 à 15:14 par Motsagro (discussion | contributions) (Mise en ligne annexe)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)
Aller à la navigationAller à la recherche
Date de mise en ligne
16 mars 2024
Retour à l'article
Cette annexe se rapporte à l'article Profil cultural.

Des Usages du Profil Cultural dans le Développement Agricole

Les agronomes ont valorisé le concept et l’outil que constitue le profil cultural avec plusieurs finalités :

  • outil de dialogue avec l’agriculteur et de diagnostic-aide à la décision dans la mise en pratique de la démarche clinique, en individuel ou en groupe, mais aussi outil d’évaluation des potentialités ;
  • outil de base intégré dans les diagnostics et travaux de recherche de références régionaux.

Le profil cultural, outil central de la démarche clinique en agronomie

Au cours de la décennie 1970-80, l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture (APCA) organise une formation, « le cycle de perfectionnement à l’agronomie » (Dürr et al, 1979) conçue et enseignée par la chaire d’agronomie de l’INA-PG à l’attention de conseillers spécialisés qui valorisent alors le profil cultural (méthode de Hénin et al., 1960) lors des visites d’essais sur le terrain et à l’occasion des démonstrations relatives aux outils de travail du sol en synergie avec les conseillers en machinisme. Le profil cultural constitue un outil de dialogue au champ, particulièrement pédagogique pour sensibiliser les agriculteurs à la dimension systémique de l’agronomie.

Avec la création du concept d’itinéraire technique et des schémas d’analyse du rendement des cultures, les conseillers disposent progressivement de ressources pour mettre en pratique la démarche clinique en interaction avec les agriculteurs afin de mieux faire face à la diversité des situations culturales et à leur singularité : le profil cultural devient un outil de diagnostic et d’aide à la décision. Toutefois dans les structures du développement, en lieu et place de la démarche clinique en agronomie, ce sont les prescriptions phytotechniques qui prédominent largement et orientent la conduite des cultures vers une standardisation des itinéraires techniques (Kockmann & Pouzet, 2022).

En contre-point de ce constat, plusieurs Chambres d’Agriculture adhèrent au Comité « Potentialités » initié en 1988 par l’État et l’APCA avec l’appui de l’INRA et créent des dispositifs régionaux d’accompagnement du pilotage des cultures sur des bases renouvelées, intégrant la diversité des potentialités des milieux et des fonctionnements des exploitations : la pratique du profil cultural (méthode Gautronneau & Manichon, 1987) devient alors centrale pour raisonner les itinéraires techniques mais aussi pour évaluer les potentialités (Chambres d’agriculture, 1996). Les agronomes impliqués investissent dans la caractérisation de la diversité régionale des terrains : le profil cultural est alors l’outil choisi pour évaluer le potentiel agronomique d’une parcelle en focalisant les observations sur les critères intrinsèques du milieu, au niveau des différents horizons pédologiques (texture, hydromorphie, traces d’activité de la faune en particulier des vers de terre, profondeur et densité d’enracinement des plantes). En Lorraine, une stratification régionale des sols a été réalisée avec l’identification de profils-types : des sondages à la tarière associés à des observations de surface permettent ensuite aux praticiens de situer rapidement leurs parcelles (Limaux, 1996).

En adoptant une posture d’accompagnement, l’agronome cherche à éclairer les choix de l’agriculteur, qui détermine lui-même l’orientation des systèmes de culture qu’il entend explorer. Au demeurant, durant la période récente, ce sont les agriculteurs qui sont à l’origine d’innovations avec les techniques culturales simplifiées, les semis sous-couvert permanent ou encore la pratique du strip-till avec l’agriculture dite de conservation des sols : là encore, le profil cultural, en intégrant ses évolutions méthodologiques (Boizard et al., 2017) reste un outil irremplaçable de diagnostic et de discussion entre praticiens. Par ailleurs, avec la recherche de pratiques agroécologiques, un autre sujet préoccupant les agriculteurs est aujourd’hui l’observation du sol sous l’angle des indicateurs de sa biodiversité.

Le profil cultural, outil de base intégré dans les diagnostics et travaux de recherche de références régionaux

La Relance agronomique (1983-2001) (Sebillotte, 1982) constitue un fait marquant dans le Développement Agricole :

  • le cycle de formation offre aux agronomes l’opportunité d’acquérir les outils de la démarche clinique, en particulier la méthode du profil cultural, profondément renouvelée par les travaux de Manichon (1982) et de découvrir la diversité des modalités d’acquisition des références, avec notamment l’enquête agronomique ;
  • un second axe concerne la mission confiée alors aux Chambres Régionales d’Agriculture : construire des programmes régionaux cohérents et élaborer des références agronomiques au niveau régional. La dynamique ainsi impulsée est à l’origine de différents travaux où le profil cultural, objet d’un réel investissement pédagogique avec le Guide Méthodique (Gautronneau & Manichon, 1987), a joué un rôle central en prenant deux orientations majeures :

La formalisation de diagnostics régionaux et/ou territoriaux

Indispensable pour identifier les problèmes agronomiques et les hiérarchiser, le diagnostic régional ou territorial constitue un préalable à la recherche de références.

C’est ainsi qu’un diagnostic finalisé sur le travail du sol pour le maïs en élevages laitiers a reposé sur l’observation de profils culturaux des différentes parcelles de la sole en maïs, recouvrant ainsi la diversité des terrains sur un échantillon d’exploitations représentatif de leur diversité de fonctionnement (Capillon et al., 1988).

C’est aussi le cas des enjeux de préservation des ressources en eau qui ont conduit à la mise en place du dispositif FERTI-Mieux (1991-2002), concrétisé par 51 opérations locales. Pour chacune, un prérequis : poser un diagnostic agronomique finalisé sur l’identification et la hiérarchisation des situations à risque par rapport à l’estimation des flux de perte en azote alimentant les nappes phréatiques. A l’échelle des bassins versants, la connaissance des sols est primordiale : là encore le profil cultural est essentiel pour raisonner la nutrition azotée mais aussi les travaux du sol et, plus récemment, la gestion des intercultures.

La recherche de références au niveau régional

Une valorisation historique du profil cultural a été la construction de référentiels sur le travail du sol, résultant de l’expertise croisée entre agronomes et spécialistes du machinisme ; ils caractérisent à l’échelle nationale, pour les grandes catégories de situations pédoclimatiques, les modalités de préparation des sols pour la culture du maïs en fonction des précédents culturaux et des types de sols : accidents, risques à éviter, profils à rechercher (Dalleine et al., 1971).

L’enrichissement de la méthode par Manichon a conforté cet usage du profil cultural pour bâtir des référentiels régionaux sur le travail du sol (Vinatier et al., 1988) mais aussi, plus largement, dans l’acquisition de références dans le cadre de dispositifs d’enquête et d’expérimentation en grande culture pour évaluer les répercussions du chaulage en terrains limoneux hydromorphes, drainés ou non (Fournet & Ortscheit, 1985) ou estimer les gains en jours disponibles permis par le drainage (Guillot et al., 1995) ; de même, des travaux aussi en viticulture (Coulouma et al., 2006). Dès lors que le profil cultural est mobilisé pour acquérir des références, il requiert une observation systématique et codifiée, afin de stocker et comparer les informations : c’est tout l’intérêt de la fiche d’observations (annexe 7).

En relation avec la problématique de protection des ressources en eau, mentionnons une opération locale FERTI-Mieux couplant expérimentation et modélisation sur un champ captant :

  • l’expérimentation repose sur un dispositif de 15 sites représentatifs des sols et des histoires culturales, équipés de bougies poreuses permettant de prélever l’eau sous les racines pour en mesurer les teneurs en nitrates, durant 5 campagnes ; chaque site fait l’objet d’un profil cultural avec, par horizon, outre l’évaluation de la texture, des mesures de densité apparente et des humidités caractéristiques ;
  • les observations et les mesures ont permis de calibrer le modèle agri-environnemental « Agri-flux », simulant l’écoulement de l’azote dans les sols. Ainsi validé dans le contexte climatique local, la modélisation donne les capacités d’extrapolation des résultats de l’expérimentation, de tester différentes stratégies de gestion des systèmes de culture pour chacun des types de sol et de bâtir ainsi une grille de risques indiquant les potentiels de perte en nitrate pour les différentes combinaisons « Systèmes de culture - sols » (Novak et al., 2006).

Plus récemment, le test de systèmes de culture innovants, visant à mieux répondre aux exigences de durabilité, mobilise également l’observation du profil cultural. L’objet est d’identifier les pratiques culturales et les itinéraires techniques les plus pertinents pour atteindre les objectifs assignés au système de culture, fixés en réponse aux enjeux identifiés dans le contexte pédoclimatique local. L’évaluation de l’état du profil cultural est ici intégrée à la compréhension des résultats concernant la composante biophysique du système de culture testé, en interaction avec l’ensemble des choix techniques faits : travail du sol bien sûr, mais aussi couverts végétaux en interculture, règles de gestion des chantiers,… Des observations sont alors faites en complément pour évaluer certains résultats attendus, par exemple l’activité biologique et ses conséquences sur la minéralisation de l’azote ou le volume exploitable par les racines. Cette approche est déclinée en grande culture (Bockstaller et al., soumis) et aussi pour l’évaluation des systèmes de conduite de vigne (Thiollet-Scholtus et al., 2019 ; Nassr et al., 2019).

En forêt, des outils de travail du sol sont parfois utilisés à l’occasion de travaux de replantation en conditions difficiles empêchant une régénération naturelle. Dans ces situations, une coopération entre agronomes et forestiers autour de la méthode du profil cultural a permis l’évaluation des bénéfices attendus ou des accidents de structure selon les outils et le contexte pédoclimatique (Collet et al., 2020 ; Vast et al., 2020).

Références citées

  • Bockstaller C., Blatz A., Koller R., Slezack S., Schaub A., 2023. Sustainable alternative to irrigated maize monoculture in a maize-dominated cropped area : lessons learned from a system experiment. Soumis pour publication.
  • Boizard H., Peigné J., Sasal M. C., de Fátima Guimarães M., Piron D., Tomis, V, Vian J.-F., Cadoux S., Ralisch R., Tavares Filho J., Heddadj D., De Battista J., Duparque A., Franchini J.C., Roger-Estrade J., 2017. Developments in the “profil cultural” method for an improved assessment of soil structure under no-till. Soil & Tillage Research, 173: 92-103.
  • Capillon A., Kockmann F., Fournet M.J., 1988. Diagnostic sur le travail du sol en Bresse Louhannaise, conditions d’extrapolation des références. Perspectives Agricoles, 126 : 55-69.
  • Chambres d’agriculture, 1996. Les potentialités agricoles : méthodes d’études et domaines d’application. Chambres d’agriculture, Supplément au N° 843, 48 p..
  • Collet C., Vast F., Richter C., Koller R., 2020. Cultivation profile: a visual evaluation method of soil structure adapted to the analysis of the impacts of mechanical site preparation in forest plantations. Eur. J. Forest. Res., 140 : 65-76. Texte intégral sur le site de la revue.
  • Coulouma G., Boizard H., Trotoux G., Lagacherie P., Richard G., 2006. Effect of deep tillage for vineyard establishment on soil structure: A case study in Southern France. Soil & Tillage Research, 88 : 132–143. Texte intégral sur le site de la revue.
  • Dalleine E., Récamier A., Sebillotte M., 1971. Travail du sol et culture de maïs. Bull. Tech. Inf., 264-265 : 889-920.
  • Dürr C., Manichon H., Sebillotte M., 1979. Cycle Pratique du conseil en agronomie, session travail du sol, fiche n° 1, APCA, Paris, 11 p. + annexes.
  • Fournet M.J., Ortscheit D., 1985. Répercussions des amendements calcaires sur les limons battants en Bresse Chalonnaise. Mémoire de fin d’études ISARA Lyon. 95 p.
  • Gautronneau Y., Manichon H. 1987. Guide méthodique du profil cultural. CEREF-ISARA/GEARA-INAPG. Texte intégral sur le site de l’ISARA.
  • Guillot C., Moretty P., Bouillot JF., Lalanne E., Kockmann F., Papy F., 1995. Faut-il continuer à drainer ? Hydromorphie, jours disponibles et Organisation du travail en Bourgogne. Chambres d’agriculture de Bourgogne et de Saône et Loire, 28 p.
  • Hénin S., Féodoroff A., Gras R., Monnier G., 1960. Le profil cultural. Principes de physique du sol. Société d’Édition des Ingénieurs Agricoles, Paris, 320 p.
  • Kockmann F., Pouzet A., 2022. Contribution du système de développement agricole à la dynamique de l’agronomie. In : J. Boiffin, T. Doré, F. Kockmann, F. Papy, P. Prévost P., coord., La Fabrique de l’agronomie. De 1945 à nos jours. Quæ, Versailles : 363-408.
  • Limaux F., 1996. Du profil à la tarière. In : Les potentialités agricoles : méthodes d’études et domaines d’application. Chambres d’agriculture, suppl. au N° 843 : 12-14.
  • Manichon H., 1982. Influence des systèmes de culture sur le profil cultural : élaboration d’une méthode de diagnostic basée sur l’observation morphologique. Thèse INA-PG, Paris,
  • Nassr N., Langenfeld A., Benbrahim M., Delière L., Goutouly J.-P., Lafond D., Ley L., Koller R., Desmonts M.-H., Werner D., Thiollet-Scholtus M., 2019. SysVitSolVin - Impact de systèmes viticoles à faibles intrants sur la qualité des sols et la qualité sensorielle des productions. Innovations Agronomiques,  : 135-150.
  • Novak S., Villard A., Kockmann F., Banton O., 2006. Élaboration d’un outil d’aide à la décision pour limiter les pertes en nitrates. L’exemple des principaux sols et systèmes de culture du Val de Saône. Ingénieries E.A.T., 45 : 29-47.
  • Sebillotte M., 1982. La relance de l’agronomie : point de vue d’un agronome. In : Quelle relance pour l’agronomie ? Chambres d’agriculture, supplément au n°688, APCA, 12-19.
  • Thiollet-Scholtus M., Muller A., Abidon C., Audema P., Bailly C., Chaumonno, S., Grignon J., Keichinger O., Klein C., Koller R., Langenfeld A., Ley L., Lemarquis G., Nassr N., Nibaudeau R., Rabolin-Meinrad C., Ribeiro S., Schneider C., Weissbart J., 2019. Performances multicritères de systèmes viticoles à réduction drastique d’intrants dans le vignoble alsacien (PEPSVI). Innovations Agronomiques, 76 (1) : 219–236. Texte intégral.
  • Vast F., Collet C., Koller R., Pousse N., Richte, C., 2020. Le profil cultural : une méthode d’observation pour analyser les impacts de la préparation mécanisée du site sur la structure du sol. RDT ONF 57–64.
  • Vinatier J.-M., Kockmann F., Fabre B., Gautronneau Y., Michaux F., 1988. Fertilité physique et travail du sol. Classeur à usage des techniciens. Chambre régionale d’Agriculture Rhône-Alpes, 118 p..
Bandeau bas MotsAgro.jpg