Sous-sol

De Les Mots de l'agronomie
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Auteur : Denis Baize

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Article accepté le 11 septembre 2012
Article mis en ligne le 11 septembre 2012


Le terme "sous-sol" est abondamment utilisé en agronomie et en géologie mais dans deux sens très différents. Les pédologues, au contraire l'ont banni depuis longtemps, nous allons voir pourquoi.

Plaisance et Cailleux ont excellemment résumé le problème dans leur Dictionnaire des sols (1958) :
« SOUS-SOL (usité depuis 1869) Ce qui est sous le sol.

  1. AGRONOMIE. La partie profonde [du sol] que n'atteint pas le labour ordinaire (environ 30 cm en dessous de la surface).
  2. GÉOLOGIE. La roche en place par opposition au sol ».

Le sous-sol des agronomes

Cette définition agronomique de Plaisance et Cailleux est reprise par le Dictionnaire d'Agriculture du CILF (1999) : « Sous-sol : Couche de terre non atteinte habituellement par les instruments de travail du sol. » Elle correspond à un usage ancien (annexe 1). On pourrait multiplier les citations...

À l'évidence, le "sous-solage" concerne le "sous-sol" des agronomes ; le Dictionnaire d'Agriculture du CILF en donne cette définition : « Travail du sol en profondeur dans une couche de terre habituellement non atteinte par les instruments, avec une charrue spéciale dite sous-soleuse ».

Le sous-sol des géologues et des pédologues

Le BRGM, service géologique national, se définit lui-même ainsi :
« Le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) est l'établissement public de référence dans les applications des sciences de la Terre pour gérer les ressources et les risques du sol et du sous-sol[1]. »

Et ailleurs : « Le régolithe, ou proche sous-sol, correspond aux formations géologiques de surface (jusqu'à 100 à 200 m d'épaisseur), situées entre le sol et le sous-sol profond[2]. »

Il est bien clair que le sous-sol s'oppose au sol et qu'il s'agit du domaine de l'étude des roches par toutes les approches géologiques. On notera que cette entrée est absente du Dictionnaire de Géologie de Foucault et Raoult (2001).

En pédologie, le terme sous-sol est à éviter car très ambigu : on ne sait pas s'il désigne la partie inférieure du sol ou quelque chose située sous le sol donc qui n'est plus du sol : une altérite, la roche sous-jacente ? Pour désigner des couches de sol (dites aussi horizons) non affectées par les labours et, plus généralement, par les outils agricoles, il est recommandé d'employer des formules comme "horizons non situés en surface", "horizons non labourés" ou plus simplement "horizons profonds".

Remarque sur les termes "topsoil" et "subsoil"

Ces deux termes très utilisés par les anglo-saxons peuvent paraître pratiques car plus courts que des périphrases comme "horizon labouré", "épisolum humifère" ou "horizons non situés en surface". Malheureusement ils véhiculent une totale ambiguïté. Certes, on sait que le topsoil débute à la surface du sol mais on ignore ensuite quelle est son épaisseur : 2 cm ? 10 cm ? 30 cm ? 50 cm ? Quant au subsoil on ne sait pas s’il s’agit de l’horizon situé juste sous le topsoil, des horizons profonds (ni lesquels) ou de la roche sous-jacente intacte (matériau parental) !


Historique

Le terme sous-sol, inconnu au XVIIIe siècle, apparaît au cours de la première moitié du XIXe siècle, plus tôt que ne l'indiquent Plaisance et Cailleux (ci-dessus).

Voici quelques repères.

Piérard, dans son Mémoire sur la culture des arbres à cidre... (1820 : 482), écrit : « ... Les trous contribuent d'autant mieux au succès d'une plantation, qu'ils présentent une plus grande superficie sur une profondeur relative à la forme des racines de l'arbre et à l'épaisseur de la couche de terre végétale ». Et, un peu plus loin (p. 485) : « ... En général, les trous doivent être creusés plus profond dans les terrains secs ou sablonneux, et moins profonds dans ceux où les couches inférieures du sol sont compactes ou argileuses ». L'auteur semble bien distinguer la terre végétale (i.e. les horizons supérieurs humifères) et les "couches inférieures du sol", le tout constituant le sol. Il n'a pas besoin de la notion de sous-sol. C'est là une vision très moderne !

De Piperey (1838) : « ...Plusieurs agronomes pensent que le cultivateur ne peut supprimer les jachères sans préalablement défoncer le sous-sol, afin d'augmenter l'épaisseur du sol supérieur. Dans l'arrondissement de Lisieux, la terre du sous sol est infertile de sa nature : on ne gagnerait donc rien à rendre les labours plus profonds par sa culture immédiate. L'expérience apprend, au contraire, que cette terre, ramenée à la surface, affaiblit considérablement les récoltes pendant plusieurs années ; néanmoins, comme cette terre infertile peut devenir productive, en la soumettant à l'influence de l'air et de la lumière, et en la mélangeant avec des engrais, peut-être serait-il convenable d'effleurer successivement le sous-sol, et, par ce moyen, d'obtenir, en un certain nombre d'années, une plus grande épaisseur de terre en rapport ».

Hitier (1894) a écrit ceci à propos des "Nouvelles cartes agronomiques" : « La terre végétale, objectif du cultivateur, est, la plupart du temps, formée aux dépens des couches géologiques constituant le sous-sol, ameublies, décomposées par les influences atmosphériques et la culture. Cette relation étroite entre la terre végétale et la couche géologique du sous-sol, (...) ne souffre d'exceptions que pour les terrains de transport, mais ceux-ci même peuvent être considérés comme une formation géologique distincte. (...) Une même formation géologique donne naissance, en général, à des terres agricoles de qualités analogues, parce qu'elles contiennent les mêmes éléments dans des proportions à peu près uniformes. » Dans ce texte, sous-sol désigne bien la formation géologique sous-jacente, la roche au sens large.

Rigotard (1935), notamment lorsqu'il explique la « prise d'échantillons de terre pour l'analyse », oppose clairement le « sol, couche arable » et le « sous-sol agricole » qui est au-delà de 30 cm de profondeur et que l'on doit observer après avoir creusé jusqu'à 70 cm. Il ajoute même, quelques lignes plus bas : « Il est des cas où l'on peut juger utile de prendre des échantillons du sol profond jusqu'à 1m. 50 ou même 2 m. 50 ». À noter l'adjectif "agricole" intelligemment accolé à sous-sol pour éviter toute ambiguïté. Ce « sous-sol agricole » est bien du sol puisqu'il existe parfois du « sol profond » situé à des profondeurs encore plus grandes.

En 1952, dès la première page de leur Guide pour l'étude expérimentale du sol, Demolon et Leroux définissent ainsi leur objet d'étude :
« Définition générale. - Le sol est la formation naturelle de surface à structure meuble et d'épaisseur variable, résultant de la transformation de la roche-mère sous-jacente sous l'influence de divers processus physiques, chimiques et biologiques.
Le sol au point de vue agricole. – Le praticien distingue deux couches : le sol et le sous-sol.
Le sol proprement dit ou terre arable, dont l'étude fait l'objet de cet ouvrage, occupe une portion relativement petite de la masse du sol tel que nous le définissons ci-dessus puisqu'il va de la surface jusqu'à seulement une profondeur se maintenant le plus fréquemment entre 0,20 m et 0,30 m. (...).
Le sous-sol est la couche sous-jacente. Il peut être de la même nature que le sol, mais de couleur plus claire...Son rôle est important dans le cas de végétaux à enracinement profond, notamment en arboriculture... »

Ici, c'est clair : le sol (de l'agriculteur) c'est l'horizon de surface labouré. Or, nous savons depuis longtemps que le sol, même d'un pur point de vue agricole, ne se limite pas aux 30 premiers cm ! Demolon se contredit lui-même volontairement et introduit et assume l'ambiguïté !

Depuis lors, l'ambiguïté demeure.

Le Petit Robert (2002) tente une synthèse étonnante puisqu'il propose cette définition : « 1. Partie de l'écorce terrestre qui se trouve au-dessous de la couche arable. ». Ici les horizons profonds des sols et les roches sont rassemblés en un concept unique !


Conclusion

Sous-sol est donc un terme à éviter sauf si l'on veut parler de l'entassement des formations géologiques présentes dans un lieu ou une région sur de grandes profondeurs.

Employer plutôt :

  • s'il s'agit de désigner des horizons de sol situés sous l'horizon labouré : "horizons non situés en surface", "horizon non labourés" ou "horizons profonds".
  • s'il s'agit de désigner le matériau géologique peu ou non altéré situé sous le sol : "roche sous-jacente", "matériau parental".


Autres langues

Anglais :

  1. Sens agronomique : subsoil, bottom soil
  2. Sens géologique : underground, basement, subsurface

Allemand :

  1. Sens agronomique : Unterboden
  2. Sens géologique : Untergrund

Espagnol : subsuelo « 1. m. Terreno que está debajo de la capa labrantía o laborable o en general debajo de una capa de tierra. 2. m. Parte profunda del terreno a la cual no llegan los aprovechamientos superficiales de los predios y en donde las leyes consideran estatuido el dominio público, facultando a la autoridad gubernativa para otorgar concesiones mineras. » (Real Academia Española, http://lema.rae.es/drae/?val=subsuelo)

Italien :

  1. Sens agronomique : sottosuolo, subsuolo
  2. Sens géologique : sottosuolo


Références citées

  • Demolon A., Leroux D., 1952. Guide pour l'étude expérimentale du sol. 2de édition. Gauthier-Villars, Paris, 252 p.
  • Foucault A., Raoult J.F., 2001. Dictionnaire de Géologie. 5e édition. Dunod, 380 p.
  • Hitier H., 1894. Les nouvelles cartes agronomiques. Annales de géographie, 4 (14) : 101-106. Texte intégral sur le site de Persée.
  • CILF, 1999. Dictionnaire d'Agriculture. CILF – PUF, Paris, 1009 p. Présentation sur le site du CILF.
  • Le nouveau Petit Robert, éd. 2002. 2952 p.
  • Piérard M, 1820. Mémoire sur la culture des arbres à cidre dans un pays où elle n'est pas encore connue. pp. 441-525, in : Mémoires d'Agriculture, d'économie rurale et domestique, publiés par la Société Royale et centrale d'Agriculture. Année 1820 – partie 1. Texte intégral sur GoogleBooks.
  • Piperey A. de, 1838. Rapport fait à la société d'émulation de Lisieux, le 11 février 1838, au nom de la commission d'agriculture. J.-J. Pigeon, imprimeur. 15 p. http://www.bmlisieux.com/normandie/jachere.htm
  • Plaisance G., Cailleux A., 1958. Dictionnaire des sols. La maison rustique. Paris. 604 p.
  • Rigotard L., 1935. Manuel pratique d'agronomie sur le terrain. Guide sommaire pour l'étude agricole d'un domaine ou d'une région. Berger-Levrault, Paris, 96 p.


Pour en savoir plus

  1. Présentation du BRGM sur son site.
  2. La notion de régolithe sur le site du BRGM.
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