Profil cultural - Annexe 8

De Les Mots de l'agronomie
Date de mise en ligne
16 mars 2024
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Cette annexe se rapporte à l'article Profil cultural.

Extrait de la préface de Michel Sebillotte dans L'agronomie aujourd'hui (2006)

L’observation

Sous différentes formes, l’observation est commune aux trois métiers de l’agronomie. Il faut donc apprendre aux étudiants à voir et à exploiter ce qu’ils voient. La pratique du terrain est à privilégier dans ce domaine. Aussi, je regrette que le temps qui lui est consacré dans les instituts de formation de nombreux pays diminue sous la pression de différentes contraintes (emploi du temps, spécialisation de plus en plus précoce, ambiance dominée par la modélisation quantitative, étude de cas sur documents…).

Les étudiants doivent « parcourir » des parcelles, les voir évoluer au fil du temps, comparer les cultures de la même espèce végétale en différents lieux. Comment comprendre autrement les rôles respectifs du temps et du climat sur une culture, par exemple ? C’est sur le terrain que l’on mesure la difficulté du test des théories des modèles en agronomie, parce que l’on y perçoit physiquement, et c’est irremplaçable, la complexité des objets étudiés ! Bien conduite, l’étude des hétérogénéités des surfaces dans une parcelle permet d’illustrer auprès des étudiants les étapes du raisonnement, pour aboutir à la formulation d’hypothèses ou à un diagnostic… C’est aussi le moyen de les préparer à l’action, en leur faisant toucher du doigt ce qui relève des certitudes et ce qui procède de l’hypothèse. Il leur est ainsi loisible de comprendre ce qu’est un raisonnement plausible (Polya, 1965), et que toute décision comporte un risque – qu’il s’agisse de décider d’une intervention culturale ou de bâtir un protocole expérimental. Les enseignants, qui forment surtout de futurs non-chercheurs, doivent en effet apprendre à ces derniers comment utiliser les expériences, par exemple celles des agriculteurs qui adoptent des innovations. Cela exige des dispositifs spécifiques d’enquête-action (Sebillotte, 1975 ).

Ainsi l’observation de terrain s’associe automatiquement à un travail mental de confrontation de ce qui est observé à un savoir préexistant (la théorie), et de préparation d’une action à venir. C’est donc l’un des moyens pour l’agronome de forger les référentiels qui forment et structurent son expérience et de tester par l’action le bien-fondé de ses explications. Ce dernier point est capital pour la formation : ce que l’on dit n’est pas gratuit, l’agronome engage son savoir dans l’action. L’observation du terrain a ainsi une valeur formatrice plus générale : elle apprend à détecter ce qui ne va pas dans une culture, les symptômes d’une anomalie dans un tableau de chiffres, sur un diagramme… L’agronome se forme ainsi à pourchasser les hypothèses ad hoc, si couramment employées pour étayer des affirmations lorsque le réel semble ne pas se conformer à l’explication !

Références citées

  • POLYA : Comment poser et résoudre un problème, 2e éd., 1965, Paris, DUNOD.
  • SEBILLOTTE M. 1975. "Les systèmes de cultures". Notes pour le premier cours de l'unité de valeur. "Les grands systèmes de cultures". I.N.A. PARIS. 16 p

Référence

Sebillotte M., 2006. préface. In : T. Doré, M. Le Bail, P. Martin, B. Ney, J. Roger-Estrade, coord., L’agronomie aujourd’hui. Quae, Versailles : 1-21.

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