Profil cultural - Annexe 2

De Les Mots de l'agronomie
Date de mise en ligne
16 mars 2024
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Cette annexe se rapporte à l'article Profil cultural.

Aperçu sur les origines du concept de profil cultural

D’un point de vue historique, Hénin et al. dans Le profil cultural citent trois auteurs comme ayant une démarche globale analogue. Johannes Goerbing (1947), allemand, pharmacien d’origine, s’est ensuite consacré au conseil agricole et à la recherche pédologique. Il est l’initiateur d’une méthode qualitative et multifactorielle (physique et biologique) pour évaluer la couche labourée sur des blocs extraits du sol avec une bêche. Franz Sekera (1951), pédologue autrichien, qui a eu des projets scientifiques en commun avec Goerbing, diffuse la méthode avec ses compétences sur les états biologiques. Enfin P.K. Peerlkamp (1959), pédologue néerlandais, propose environ dix ans plus tard et dans le même esprit une méthode bêche en quantifiant les diverses appréciations structurales (il s’agit de notes qui se combinent). Il y a bien dans ces travaux des convergences d’objectifs avec le Profil cultural dont la première parution date de 1960. En revanche, la stratégie d’échantillonnage pour réaliser les observations n’est pas la même.

La parenté conceptuelle la plus proche est le concept plus ancien de profil pédologique (créé vers 1875 par Dokouchaev, cité par Boulaine 1980), qui partage avec le profil cultural le souci de s’intéresser à la genèse des états du sol sur des horizons certes différents, mais qui offrent des analyses complémentaires. Pour extrapoler leurs résultats, les pédologues font des sondages à la tarière pour évaluer la succession des matériaux, ce qui détruit la structure, ce qui n’est pas envisageable dans une méthode comme le profil cultural (sauf pour des prélèvements pour analyses ultérieures).

On peut trouver bien sûr des liens avec des travaux plus anciens consacrés à l’étude des sols. Des auteurs grecs, romains et andalous se sont préoccupés de la description des sols, mais le plus souvent par leurs effets plutôt que leurs caractéristiques propres. La notion d’horizon n’est pas formulée, les travaux des sols sont à l’époque très superficiels et les zones tassées sont très circonscrites. Il faut noter cependant la formulation d’un test pour classer les terres chez les auteurs latins (cités par Olivier de Serres). Il s’agit de creuser une fosse dont la taille n’est pas précisée et remettre ensuite la terre extraite dans cette fosse. En fonction du niveau obtenu par rapport à la surface, les terres sont qualifiées de bonnes ou mauvaises. Il faut sans doute invoquer un effet textural, le foisonnement de la terre extraite est plus important dans les terres argileuses qui sont alors qualifiées de meilleures.

Feller et Blanchard (2004) s’intéressent aux travaux de quatre auteurs du 16e au 18e siècles, précurseurs de techniques de prospection pédologique : Palissy (1563) est le premier à utiliser la tarière pour sonder les sols, Buffon (1819) décrit de manière détaillée les sols avec notamment l’analyse des concrétions. Thaer (1811) inventorie les différents types de sol au sein des parcelles et les cartographie, Darwin (1881) propose des schémas détaillés de profils pédologiques et pédo-archéologiques. Pendant cette période, deux autres auteurs méritent d’être cités avec des approches plus agronomiques : Olivier de Serres avec l’émergence d’une caractérisation objective, mais avec des moyens limités (Caneill, 2020). Mathieu de Dombasle (fondateur du premier établissement agricole, l’Institut de Roville, en Lorraine) propose et enseigne sur le terrain une démarche de « clinique agricole » (Mathieu de Dombasle, 1828) qui invite par son caractère méthodique à faire une analogie avec le profil cultural (Knittel, 2009). Notons que les observations qu’il mobilise concernent pour l’essentiel les états structuraux de surface, sauf pour l’évaluation d’un labour récent où les objets caractérisés sont les bandes retournées. En définitive le sol a toujours donné lieu à des approches sur ses caractéristiques permanentes et sur leur évolution. Dans les zones travaillées, les premières observations ont concerné surtout la fragmentation, celle engendrée par les outils mais aussi par le climat. Il faut attendre l’essor de la mécanisation après la deuxième guerre mondiale pour que l’on s’intéresse au tassement. Le profil cultural et les autres méthodes d’appréciation structurales ont été formulées à cette époque avec outre l’objectif de caractérisation des états physiques, celui d’approcher les états biologiques.


Références citées

  • Boulaine J. ,1980. Pédologie appliquée. Masson, Paris, 220 p.
  • Buffon G-L.L. de, 1819. Œuvres complètes de Buffon, mises en ordre par M. le Comte de Lacépède, 2de éd., 30 vol, Paris.
  • Caneill J., 2020. L’œuvre d’Olivier de Serres : les prémices d’une agronomie qui n’a pas encore de nom. Agronomie, Environnement et Sociétés, 10-2 : 1-12. Texte intégral sur le site de la revue.
  • Darwin C., 1881. The formation of vegetable mould through the action of worms with some observations on their habits. Murray, London, 298 p.
  • Mathieu de Dombasle C. J. A., 1824-1837. Annales Agricoles de Roville, 9 tomes. '
  • Feller C., Blanchart E., 2004. Quatre grands savants ont observé des profils et/ou décrit des techniques de prospection pédologiques avant 1850 : Palissy, Buffon, Thaer et Darwin. Étude et Gestion des Sols, 11 (2) : 165-173.
  • Goerbing, J., 1947. Die Grundlagen der Gare im praktischen Ackerbau. Landbuch Verlag, Hanovre, 1 vol.
  • Knittel F., 2009. Agronomie et innovation. Le cas Mathieu de Dombasle (1777-1843). Nancy, Presses Universitaires de Nancy.'
  • Palissy B., 1880. Œuvres complètes. Avec une notice historique et bibliographique et une table analytique par Anatole France. Paris, P. Charavay Fres., 499 p.
  • Peerlkamp, P.K., 1959. A visual method of soil structure evaluation. Meded. v.d.Landbouwhogeschool en Opzoekingsstations van de Staat te Gent, 24: 216–221.
  • Sekera, F., 1951. Gesunder und kranker Boden. Parey, Berlin, 90 p.
  • de Serres O, 1600. Le Théâtre d'agriculture et Mesnage des champs, dans lequel est représenté tout ce qui est requis et nécessaire pour bien dresser, gouverner, enrichir et embellir, la Maison Rustique. Thesaurus, Actes Sud, 1996, 1545 p.
  • Thaer A., 1811. Principes raisonnés d'agriculture. Traduit de l'Allemand par E.V.B. Crud. JJ. Prechoud, Paris.


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