Routine - Annexe 1

De Les Mots de l'agronomie
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Coutumes, accoutumance et nouvelleté chez Olivier de Serres (1600)

Présentation

Olivier de Serres n’est systématiquement opposé, ni aux nouveautés, ni aux coutumes anciennes ou locales : il les évalue chacune en son contexte, en les confrontant à son expérience et à ses observations. En voici quelques exemples, issus d’une recherche du mot coutume et ses dérivés. Quand il leur accole le mot invétéré, il donne à ce dernier la signification de « enraciné dans le temps », sans connotation négative. (Texte modernisé pour une compréhension plus sûre. Les numéros de page sont ceux de l’édition de 1804.)

Citations choisies

« Cet avis ne s'accorde avec celui de plusieurs personnes, lesquelles conduites plus par coutume invétérée que par raison, posent la cuisine au plan de la basse-cour : ne se prenant garde que c'est la pire assiette de la maison, pour contrarier à la santé, à la sûreté, et à l'épargne. » (p. 21)

(Le père-de-famille) « Payera bien et gaiement les serviteurs, (…) étant ce une bonne coutume, que de ne les payer qu'après le service et non avant, par là les tenant bridés » (31-32). « Du salaire des serviteurs, ne se peut dire autre chose, que de tâcher à le rendre le plus petit qu'on pourra, pour la conséquence du haussement toujours préjudiciable au ménager. En ceci aussi ne changerez l’usage, payant vos gens selon la coutume du pays, en argent, habits, et autrement. « (38)

« Ainsi, en somme, est-il de toutes autres affaires du ménage, auxquelles le prudent agricole pourvoira par son bon sens, selon les circonstances. Car à quoi aussi tourmenter son esprit, pour se précipiter en l’abîme de curiosité, puisque seulement en se laissant aller au courant des accoutumances, il fait ses affaires ? » (46)

« Mais digne de louange est l’homme, qui se voyant possesseur légitime d’un beau domaine ; passant plus outre, s’évertue, non-seulement à lui faire produire des fruits à l’accoutumée, mais par ingénieuse dextérité, contraint, par manière de dire, sa terre, d’elle-même obéissante au labeur et soin des hommes, à lui rapporter plus que de l'ordinaire. A quoi (il) y va de l’honneur : car aussi quelle honte nous est-ce, comme dit Caton, d’être contraints d'acheter, par fainéantise, ce que notre terre pourrait porter, laissant en arrière, par mépris, les libéralités de Dieu, ne voulant recueillir les biens qu’il nous offre, à faute d’y vouloir penser, et d’employer, non les bras et jambes avec sueur et peine, mais plutôt seulement, comme par récréation, notre esprit et entendement ? A telle occasion cette réprimande a été faite,

Pourquoi achètes-tu du vin

Ta terre t’en pouvant produire,
Vu que tu apprêtes à rire

A celui qui est ton voisin ! » (52)

« Ne souffrant au reste, en votre domaine, affermé ou non, aucune introduction de nouvelleté qui vous préjudicie, soit de chemins, soit de pâturages, abreuvoirs, coupes de bois, et autres servitudes. Non plus, laisserez perdre aucune partie des autorités, prééminences, franchises, libertés, privilèges, bonnes coutumes, que vous avez sur vos sujets, et sur vos voisins » (58)

« au labourage des terres-à-grains, et à la récolte des blés y a de grandes diversités ; non seulement de région à région, ains [mais] de climat à climat : voire même ne s'accordent entièrement en ce ménage, les habitants de deux terroirs contigus : où l'on ne s'aperçoive de quelque diversité, soit au bétail du labourage, soit aux outils, soit aux semences, soit au serrer des blés. (…) Pour telles diversités donc, n’est nullement possible, non plus que nécessaire, prescrire certaines ordonnances et lois sur le labourage et conduite des blés, pour s’y assujettir : de quelle espèce de bétail, de quelle façon de charrue, soc et coutre, l’on s’y doit exactement servir ; mais est besoin laisser aux usages, leurs accoutumances, même en ce dont dès tout temps de père à fils, l’on s'est bien trouvé : pour le danger de perte que toute mutation porte avec elle. Ce qui raisonnablement a fait proférer cet oracle à Caton, NE CHANGE POINT DE SOC, ayant pour suspecte toute nouvelleté. » (110-111).

« En plusieurs endroits de l’Auvergne, du Poitou, de la Gascogne, du Languedoc, et voisinage, l’on se sert au labourage indifféremment de toutes bêtes de labour, selon les affections, moyens, et coutumes des lieux, dont chacun fait ses affaires le mieux qu’il peut. Par quoi sans s’affectionner plus sur une espèce de bétail que sur l’autre, non plus qu’ès façons des charrues, socs et coutres, nous nous servirons de celles que l’usage commun recommande le plus, et la raison n’y contrarie, parce principalement, qu’avec plus de facilité trouvons-nous des laboureurs propres à conduire la sorte de bêtes qu’ils ont pratiquées, que ne ferions pour en gouverner d’autres contre leur coutume pour la grossesse de l’esprit de telles gens, qui difficilement se ploient à faire chose nouvelle, quoique facile et de grande utilité. » (112)

« C'est de l’ordonnance des Nations, fondée sur la raison, que l’usage de ces deux divers moyens à recueillir les blés ; dont par toute la terre habitable l’on se sert, diversement toutefois, selon les situations, comme a été dit. A quoi nous tenant, tâcherons de travailler en cet endroit si dextrement et diligemment, sans altérer nos accoutumances, que puissions atteindre au but de bon ménage. Et comme ès choses de ce monde n’y a commodité, qui ne soit suivie de son contraire : ainsi remarque-t-on en chacune de ces deux façons de ménage, du bien et du mal : plus pour savoir comme le monde se gouverne, que pour espérer d’y apporter réformation. » (158)

Sur la plantation et l’entretien des vignes

« En Piedmont et en plusieurs endroits de l'Italie, aussi les vignes fructifient richement sur les arbres : ce qui toutefois n'est par contrainte du ciel, qui est là chaud assez pour les plus exquises vignes : mais pour une invétérée coutume tirée de l'antiquité. (…) Même considération avaient les Antiques sur le gouvernement des vins, que sur celui des blés, touchant la propriété des climats, à laquelle ils s’étaient entièrement ployés. Sous telle ordonnance disposerons notre vignoble : c’est à savoir, en n’altérant rien des accoutumances, continuerons à planter nos vignes, selon le pays où serons, basses, moyennes, ou hautes : à cause du danger auquel nous nous exposerions, d'encourir perte, par la mutation ; comme aussi toujours trop de curiosité est suspecte : tâchant par industrieuse et diligente culture, à les rendre parfaites en bonté, autant que notre air et notre terre le permettront. (…) « Non tant pour les diverses sortes de vignes les plante-t-on diversement, que pour les différentes humeurs des hommes, qui, comme a été dit, discordent plus au gouvernement de la vigne, qu’en autre passage de la ménagerie. (…) Toutefois, plus par coutume que par nécessité, divers en sont et le planter et la conduite ès provinces où ces deux ordres de vigne ont le plus de cours, comme en l’Ile-de-France, ès pays d’Orléans, de Bourgogne, Berry, Guyenne, Gascogne, Provence, Languedoc. » (220-223) « Ne craignez que la mesure susdite de planter la vigne ne soit de suffisante profondeur, observant toutefois les distinctions des terres sablonneuses, argileuses, plates et pendantes, pour profonder plus en un endroit qu’en autre, comme a été dit : sans vous arrêter aux coutumes invétérées de plusieurs, qui font leurs plantements trop profonds, avec dépense, autant superflue que nuisible, pour l’amertume de la terre que le complant, à sa perte, rencontre, plus grande, que plus on le profonde avant. » (229) « Cet avis de tailler la nouvelle vigne ((que je viens de donner)), n’est indifféremment reçu par tout, y ayant plusieurs, comme j’ai montré, qui n’emploient en cet endroit, que la montée de la lune, fondés sur leurs coutumes, auxquelles je les renvoie. » (233) « C’est le propre de cette sorte de vignes, que d’être souvent provignée, toutefois plus ou moins fréquemment, en un endroit qu’en autre, cela est pratiqué, tant par la coutume que pour la nécessité. » (244) « Ce n’est le défaut du climat qui contraint au pays de Vivarais, à façonner les vignes de telle sorte, mais, comme j’ai dit de l’Italie et du Piedmont, l’accoutumance invétérée en est la cause. » (249)

« Le changement d'air et de pâturage profite merveilleusement à ce bétail ((les moutons et brebis)), pourvu qu’il soit employé à propos, ne pouvant sans grande tare lui faire passer l’été au lieu de sa naissance, si elle se rencontre en pays qui requiert ce ménage. C’est pourquoi de l’ordonnance des Anciens, et coutumes invétérées, les ménagers d’aujourd’hui habitant en pays importuné des chaleurs de l’été, en telle saison, envoient aux prochaines montagnes leur bétail à laine, pour y séjourner environ trois mois : ce que gaiement ils font pour la fraîcheur de l’air, de l’eau et bonté des herbages, d’où il revient joyeux et gaillard. » (566).

Référence

de Serres O., [1600] 1804. Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs… Nouvelle édition, publiée par la Société d’Agriculture du Département de la Seine, Paris, t. 1, CXCII + 672 p., fig. HT. Texte intégral

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