Gelées de printemps : éclairages historiques - Annexe 2

De Les Mots de l'agronomie
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Date de mise en ligne
19 juin 2021
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Cette annexe se rapporte à l'article Gelées de printemps : éclairages historiques.

L’équilibre de la chaleur rayonnante ; les nuages comme vêtement de la terre (Prévost, 1792, extraits)

SECTION PREMIERE. De la chaleur en général

Introduction

Le feu, selon M. DE LUC, est une vapeur composée d’une base unie à la lumière, comme les vapeurs aqueuses sont composées de l’eau unie au feu. L’une & l’autre de ces vapeurs (je dis le feu & les vapeurs aqueuses) se condensent par le rapprochement forcé de leurs molécules, ou par la suppression de leur déférent. L’une & l’autre se forment par l’introduction de ce déférent dans leur base ou matière grave. ((Dans le cas des vapeurs aqueuses, le « déférent » semble être la chaleur latente)).

(…) Le rayonnement du feu étant un fait démontré par l’expérience, je n’aurais pas à me justifier d’avoir employé cette connaissance acquise & d’en voir pressé les conséquences, si je m’étais borné aux phénomènes sublunaires. Mais m’étant hasardé au-delà, j’ai contredit quelques conséquences que M. DE LUC tirait de ses propres principes, ainsi que d’expériences antérieures ; & ceci demande quelque éclaircissement.

M. DE LUC pense que le feu gravite vers la terre, & que par conséquent il ne peut pas plus la quitter pour rayonner dans les espaces célestes que l’air ou toute autre substance agitée d’un mouvement intestin & cependant fixée par sa pesanteur à la surface ou dans l’intérieur de notre globe. (…) Lorsqu’un corps se refroidit, cela vient aussi de ce que le feu en sort ou de ce qu’il perd son déférent. Mais en hiver la surface terrestre se refroidit, donc elle perd son feu ou son déférent. Or l’intérieur de la terre ne s’enrichit pas de cette perte ; donc ce feu ou ce déférent se dissipe. Et si c’est le déférent, il ne peut se dissiper sans rayonner, car c’est de la lumière ; donc il se perd dans l’espace ambiant.

Comme l’hiver la terre se dépouille de sa lumière, l’été elle en acquiert une quantité surabondante ; & il arrive de là que quoique les rayons solaires ne soient point du feu, leur infusion & soutirement périodiques produisent le même effet que s’ils étaient du feu. (…)

CHAPITRE PREMIER. De l’équilibre du feu

§ 1. Des expériences sûres prouvent que la chaleur obscure rayonne comme la lumière. Elle partage avec celle-ci toutes ses propriétés catoptriques. Un miroir plan la réfléchit sous la loi connue ; un miroir concave la fait converger au même foyer. Ces émissions & réflexions s’exécutent dans un instant sensiblement indivisible à toutes les distances que les physiciens ont observées[1].

§ 2. Non seulement la chaleur se réfléchit, mais le froid a paru se réfléchir dans une expérience curieuse tentée par M. PictetErreur de référence : Balise fermante </ref> manquante pour la balise <ref>.

Ainsi la chaleur rayonnante de la terre traverse avec facilité l’atmosphère pure, mais elle est interceptée par les nuages. Ceux-ci font donc pour la terre une espèce de vêtement. Ils empêchent l’écoulement de sa chaleur rayonnante ; & en la recevant par leur partie inférieure, ils s’échauffent de ce côté-là comme un habit s’échauffe du côté du corps, & par conséquent ils renvoient à la terre un peu plus de chaleur rayonnante que ne peut faire l’air transparent.

La surface supérieure du nuage se refroidit au contraire par l’émission facile de sa chaleur dans un air raréfié. Mais le passage lent de la chaleur gênée qui serpente de l’un à l’autre surface, ne peut rétablir l’équilibre incessamment rompu par la source inépuisable de chaleur du côté de la terre, & par le gouffre toujours ouvert où elle se précipite de l’autre.

Tout nuage la nuit est donc exactement comparable à un vêtement très épais qui recouvre un corps maintenu chaud par une cause interne & perpétuelle (tel qu’est, par exemple, le corps humain). (…)

On n’a pas lieu d’être surpris de la promptitude de l’effet, parce que tout le jeu de la chaleur rayonnante, allant & revenant de la terre au nuage & du nuage à la terre, s’exécute en un instant indivisible. D’ailleurs à l’instant où le nuage arrive au zénith, il arrive en quelque sorte tout préparé. Sa partie inférieure a déjà acquis une chaleur excédante. Déjà elle émet plus de chaleur rayonnante que pareille étendue d’air de la même région. C’est un lambeau de vêtement qui passe d’une partie du corps à l’autre. (…)

§. 27. Les nuages arrêtent la chaleur rayonnante, comme la neige arrête la chaleur prête à rayonner. Ainsi la neige est aussi & plus exactement un vêtement pour la terre.

Lorsque le froid est très rigoureux & que la surface de la terre est nue, elle gèle ; mais si la neige la recouvre, à moins que le froid ne dure très longtemps & jusqu’au point d’épuiser la source de chaleur interne, la gelée ne pénètre pas jusqu’à la terre. A peine la chaleur rayonnante en sort-elle, qu’elle est interceptée par las molécules de glace qui composent la neige, qu’elle entretient ainsi à un degré de chaleur plus tempéré & dont elle occasionne même la fusion[2].

§. 28. L’explication que je viens de donner confirme & détermine, si je ne me trompe, celle que M. PICTET a proposée sous le titre modeste de conjecture.

Notes

  1. Pyrométrie de LAMBERT, § 378 ; citée par M. DE SAUSSURE, Voyages dans les Alpes, T. II, § 926. Essai sur le feu, par M. A. PICTET, § 49 & suivants.
  2. Voyages dans les Alpes par M. DE SAUSSURE, T. 1, § 532.

Référence

  • Prévost P., 1792. Recherches physico-mécaniques sur la chaleur, pp. 2-15 et 31-34.
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