Grison

De Les Mots de l'agronomie
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Auteur : Denis Baize

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Article accepté le 3 septembre 2018
Article mis en ligne le 3 septembre 2018

Qu’est-ce ? - Formation

Le grison n’est pas une roche (contrairement à ce qui est souvent écrit) mais un horizon pédologique ferrugineux discontinu, dont la formation est liée à des conditions hydrologiques et pédologiques particulières très localisées. On l’observe en position de bas de versants en bordure de vallons.

Situé le plus souvent à faible profondeur (Lebret et al., 1996 ; Michot, 1997 ; Durand & Poulain, 2014), cet horizon plus ou moins dur peut faire obstacle aux labours et à l’installation de tuyaux de drainage et de collecteurs. Le grison étant facile à extraire, sans ouverture d’une carrière, il a été exploité dans le passé comme minerai de fer ou comme pierre dure à bâtir.

La meilleure description du grison et de sa formation a été donnée par Michot (1997) : « Initialement, le grison, fort mal connu, était défini comme un horizon (...) constitué de silex brisés, reliés par un ciment noir probablement ferro-manganique…. L’étude pédologique… propose un schéma simplifié de la dynamique fonctionnelle du fer et du manganèse le long des versants, pouvant alimenter le « grison ». « Les horizons éluviés de sol des versants se caractérisent par une perte en fer et en manganèse. Ces deux éléments, solubles sous forme réduite, sont transportés par les flux d’eau libre vers le vallon où sont réunis des conditions géochimiques (pH 6) et un milieu plus oxygéné fait de cailloux anguleux offrant une grande macroporosité lacunaire. Ces conditions sont favorables à l’oxydation et à la précipitation des oxydes de fer et de manganèse susceptibles d’alimenter le « grison »… L’étude minéralogique a montré que le grison est en effet formé de silex liés par un ciment ferro-manganique noir, majoritairement formé de quartz, d’hématite et de goethite… Le grison est donc un horizon en partie hérité, l’hématite ne pouvant se former sous les conditions climatiques actuelles… Toutefois une question demeure : le « grison » est-il toujours en formation ou au contraire en démantèlement ? »

Pour Lebret et al., 1996 : « On peut penser que, s'il existe des grisons d'âge pléistocène, la plupart de ces concrétionnements sont plus récents (holocènes) et continuent à se former actuellement ». Des nappes perchées se forment en amont, s’installent alors des conditions réductrices, le fer est alors sous forme de fer ferreux, soluble et mobile. Puis ce fer (et le manganèse qui l’accompagne) circulent en solution dans les écoulements hypodermiques et reprécipitent par réoxydation aux endroits où ces eaux se préparent à sortir de terre (bas de versants, colluvions de vallons), venant cimenter les particules préexistantes (limons, éclats de silex)…

Composition

« L’analyse minéralogique montre que le ciment du « grison dur » est constitué majoritairement de quartz, d’hématite et de goethite, les teneurs en hématite étant supérieures à celles de la goethite. Par ailleurs une analyse chimique a mis en évidence une quantité importante de manganèse (8939 mg/kg [soit 0,8 %]). Il s’agit donc bien d’un ciment ferro-manganique. …. Dans le « grison tendre » ces minéraux sont également observés. Les teneurs en goethite sont plus élevées que celles en hématite et le manganèse y est plus abondant (11 082 mg/kg [soit 1,1 %]) » (Michot, 1997).

Où en a-t-il été décrit ?

C’est principalement dans le Perche et le Faux-Perche que le grison a le plus été décrit et étudié à la fois d’un point de vue géologique et pédologique et comme matériau de construction (Isambert, 1984 ; Lebret et al., 1996 ; Michot, 1997 ; Michot et al., 1998 ; Montenat et al., 2012 ; Durand & Poulain, 2014).

Mais aussi, en Puisaye : « Complexe des sols alluvio-colluviaux. Situés dans les talwegs et en bas de pente, ces sols sont hétérogènes de par leur origine même. De texture limoneuse au-delà, ils sont plus ou moins riches en silex, mais ceux-ci sont toujours présents. En profondeur, ils reposent sur les "argiles à silex" avec parfois de gros blocs de grès ou silex. On notera la présence fréquente de niveaux très riches en concrétions ferrugineuses indurés partiellement ("grison") » (Voilliot et al., 1981).

En Poitou, en bordure de la partie orientale du massif ancien de Vendée : « La terre de brandes … est le plus souvent imperméable… Manquant de chaux, d'azote, d'acide phosphorique et de potasse, on la considère comme une des plus mauvaises terres de pays … Ce qui contribue à la rendre médiocre, c'est la présence, à une vingtaine de centimètres de sa surface, d'une couche imperméable, dure, sorte d'alios, appelée dans le pays bétain quand elle est formée de sables agglomérés et grison quand elle est pierreuse » (Robert , 1960).


Impact agricole

Le grison est un horizon discontinu et très localisé à certaines situations de bas de versants, en bord de vallons. Il a donc peu d’impact sur l’enracinement des plantes cultivées et des arbres, sinon ponctuellement. En revanche, comme il est dur et situé à faibles profondeurs, il constitue un obstacle à l’installation de réseaux de drainage, particulièrement à la pose des collecteurs.


Le point de vue des architectes

« Présent à faible profondeur dans le sol, il peut être facilement ramassé dans les champs, ce qui explique sa forte présence dans le bâti rural. Contrairement au roussard [grès ferrugineux local formé dans les Sables du Perche], sa zone d’extraction est très étendue… Son hétérogénéité en fait un matériau impropre à la sculpture. En revanche, il peut être taillé pour réaliser des blocs importants » [1]

« Le grison est une roche que l’on trouve très fréquemment dans la construction des églises, bâtiments civils ou militaires sur le territoire d’une grande partie du département de l'Eure. Ce territoire s’étend néanmoins au-delà, de Lisieux à Vendôme et sa présence se remarque spécialement dans les départements limitrophes de l’Orne et de l’Eure et Loir. C’est un poudingue de silex et d’argile ferrugineuse. On le trouve par nappes à une profondeur ne dépassant pas 50 cm. Au moment de son extraction, le grison peut être facilement taillé car il est relativement « tendre ». Après exposition à l’air et séchage, il devient très dur et peut plus difficilement être retaillé. L’oxydation du fer qu’il contient lui donne alors une couleur rouge brun… Ce n'est pas une roche qui a besoin d'être extraite dans des carrières car elle est mise à nue lors des travaux de défrichement réalisés dans les parties boisées. Il est alors facile à extraire, point n’était besoin d’outillage compliqué, et on le trouve sur place tout comme les silex, ce qui explique que dans certains endroits des quantités de bâtiments en sont constitués…. Les couches de grison ne dépassent pas 40 cm d’épaisseur » (Durand & Poulain, 2014).

Ne pas confondre avec

En Brenne est nommé « grison » (diminutif de grès) une formation géologique de grès éocènes. Sur les affleurements de la carte géologique Buzançais (Rasplus et al., 1989), on distingue : « eB. Grès, sables, argiles sableuses et argiles. C'est le grès de Brenne, le grison, qui constitue le faciès prédominant. C'est un grès quartzeux, à matrice argileuse, blanc, gris, gris rosé ou jaune, plus ou moins induré ».

« La formation de Brenne résultante, grès à ciment argileux, est épaisse en moyenne de 30 à 40 m. A la fin de l’Eocène surtout (vers 35 Ma), ce « grison » est cimenté en une cuirasse ferrugineuse… » (Dorléans, 2015).


Références citées

  • Dorléans P., 2015. Le Parc naturel régional de Brenne (département de l’Indre) : faune, flore et paysages en juillet. Sortie réalisée pour le congrès national APBG en juillet 2015. Texte intégral
  • Durand P., Poulain F., 2014. Le grison dans l’Eure. Service Territorial de l'Architecture et du Patrimoine de l'Eure (DRAC Haute-Normandie). Connaissance n°118. Texte intégral sur le site du Département de l'Eure.
  • Isambert M., 1984. Carte des sols de France à 1/100.000. Feuille Châteaudun. INRA, Versailles.
  • Lebret P. (Coord.), Ménillet F., Béguin P., Charnet F., Fauconnier D., Gardin S., Koeniguer J.C., Monciardini C., 1996. Carte géologique de la France à 1/50.000, notice explicative de la feuille Verneuil (n°215). BRGM. Texte intégral sur le site du BRGM.
  • Michot D., 1997. Essai de cartographie géophysique d’un horizon pétroferrique de fluviosols-peyrosols en Forêt de Fréteval. DEA national de science du sol. 51 p. + annexes. Texte similaire sur le site de l'IRD.
  • Michot D., Panissod C., Dorigny A., Bourennane H., Renaux B., Couturier A., Isambert M., King D., Tabbagh A., 1998. Cartographie des sols et des formations superficielles par géophysique, cas du "grison" dans le faux-Perche. In : Congrès Mondial de Science du Sol. 20-26 août 1998, Montpellier, France,
  • Montenat C., Lemoine-Descourtieux A. Wasylyszyn N., 2012. Une pierre étrange… le grison dans l’histoire du bâti, entre val de Seine et bords du Loir. Mémoire hors-série n° 8 de l’Association des Géologues du Bassin de Paris (AGBP). 128 p.
  • Rasplus L. et al., 1989. Notice de la carte géologique Buzançais (n° 543). BRGM. Texte intégral sur le site du BRGM.
  • Robert J., 1960. Une excursion géographique dans l'Entre-plaine et Gâtine du Poitou septentrional. Norois, n°25, Janvier-Mars 1960. pp. 50-56. Texte intégral sur Persée.
  • Voilliot J.P., De Cuyper A. et Darras G., 1981. Étude pédologique du bassin du ru de Saint-Fiacre (Puisaye - Yonne). Station agronomique de l’Yonne. Rapport ronéoté, 25 p. Texte intégral sur le site du Ministère du Développement durable.
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