« Menus grains » : différence entre les versions
mAucun résumé des modifications |
m (Liens internes) |
||
Ligne 13 : | Ligne 13 : | ||
|Annexe 3= | |Annexe 3= | ||
|Annexe 4= | |Annexe 4= | ||
|Article 1=Assolement | |Article 1=Assolement, rotation, succession, système de culture : fabrication d’un concept, 1750-1810 | ||
|Article 2=Blé | |Article 2=Blé | ||
|Article 3=Mars, trémois, carêmes | |Article 3=Mars, trémois, carêmes | ||
Ligne 30 : | Ligne 30 : | ||
Le premier critère de définition des menus grains est la place dans l’[[assolement]], jointe à la date de semis. Les menus grains occupent la troisième et dernière [[sole]] de l’assolement triennal (la première étant la [[jachère]] ou [[guéret]], la seconde les gros grains ou grains d’hiver). Il arrive qu’ils soient cultivés sur une courte durée, intercalés entre deux [[culture]]s principales. C’est ce que constate en 1843 un anonyme inspecteur du Bureau de l’Agriculture en Haute-Garonne : « Le millet (''Panicum milliaceum'') se cultive quelques fois en récolte principale dans les soles de jachères, mais le plus souvent on le sème en récolte dérobée ou pour utiliser la fourrière des pièces ». En 1760, [[A pour personne citée::Pons-Augustin Alletz|Alletz]] publie un dictionnaire destiné à ceux qu’il appelle « agronomes » : « Grains. On les distingue en gros & menus. Les gros grains sont les bleds & le seigle ; les menus grains sont l’orge, l’avoine, les pois, le millet, les vesces, le maïs. On sème les gros grains en automne, & les menus au mois de mars ». On remarque parmi les « menus » grains, l’introduction du [[maïs]], dont le grain est beaucoup plus gros que celui des « gros grains », froment et seigle. Le critère n’est donc pas la taille, mais bien l’usage et la date des semis. [[A pour personne citée::Louis Liger|Liger]], auteur d’un ouvrage plusieurs fois réédité au cours du XVIII<sup>e</sup> siècle, range deux [[céréale]]s, l’[[avoine]] et l’[[orge]], parmi les menus grains. Puis il ajoute toutes sortes de [[fourrage|plantes fourragères]] ou [[légume, légumineuse|légumineuses]] : « les laboureurs y comprennent la vesce, la dragée & autres fourrages qu’ils sèment pour l’usage de leurs bestiaux. On met aussi au nombre des mars, les légumes & racines qu’on cultive dans les terres labourables, tant pour l’homme que pour les bestiaux. » (édition de 1762, p. 557). À l’article « Grains » du ''Nouveau Cours complet d’agriculture'' [in Thouin ''et al''., dir, 1809], [[A pour personne citée::Antoine Parmentier|Parmentier]] conserve la classification traditionnelle entre les « hivernaux » et les « marsais », « les premières sont ainsi nommées parce qu’on les sème à la fin de l’automne, et les autres par la raison qu’on ne les sème qu’en mars ». Les menus grains présentent bien la caractéristique commune d’être semés au printemps. En fait, le millet, le panis et le maïs sont exclusivement semés au printemps. L’orge et l’avoine en revanche ont des variétés d’hiver et de printemps. | Le premier critère de définition des menus grains est la place dans l’[[assolement]], jointe à la date de semis. Les menus grains occupent la troisième et dernière [[sole]] de l’assolement triennal (la première étant la [[jachère]] ou [[guéret]], la seconde les gros grains ou grains d’hiver). Il arrive qu’ils soient cultivés sur une courte durée, intercalés entre deux [[culture]]s principales. C’est ce que constate en 1843 un anonyme inspecteur du Bureau de l’Agriculture en Haute-Garonne : « Le millet (''Panicum milliaceum'') se cultive quelques fois en récolte principale dans les soles de jachères, mais le plus souvent on le sème en récolte dérobée ou pour utiliser la fourrière des pièces ». En 1760, [[A pour personne citée::Pons-Augustin Alletz|Alletz]] publie un dictionnaire destiné à ceux qu’il appelle « agronomes » : « Grains. On les distingue en gros & menus. Les gros grains sont les bleds & le seigle ; les menus grains sont l’orge, l’avoine, les pois, le millet, les vesces, le maïs. On sème les gros grains en automne, & les menus au mois de mars ». On remarque parmi les « menus » grains, l’introduction du [[maïs]], dont le grain est beaucoup plus gros que celui des « gros grains », froment et seigle. Le critère n’est donc pas la taille, mais bien l’usage et la date des semis. [[A pour personne citée::Louis Liger|Liger]], auteur d’un ouvrage plusieurs fois réédité au cours du XVIII<sup>e</sup> siècle, range deux [[céréale]]s, l’[[avoine]] et l’[[orge]], parmi les menus grains. Puis il ajoute toutes sortes de [[fourrage|plantes fourragères]] ou [[légume, légumineuse|légumineuses]] : « les laboureurs y comprennent la vesce, la dragée & autres fourrages qu’ils sèment pour l’usage de leurs bestiaux. On met aussi au nombre des mars, les légumes & racines qu’on cultive dans les terres labourables, tant pour l’homme que pour les bestiaux. » (édition de 1762, p. 557). À l’article « Grains » du ''Nouveau Cours complet d’agriculture'' [in Thouin ''et al''., dir, 1809], [[A pour personne citée::Antoine Parmentier|Parmentier]] conserve la classification traditionnelle entre les « hivernaux » et les « marsais », « les premières sont ainsi nommées parce qu’on les sème à la fin de l’automne, et les autres par la raison qu’on ne les sème qu’en mars ». Les menus grains présentent bien la caractéristique commune d’être semés au printemps. En fait, le millet, le panis et le maïs sont exclusivement semés au printemps. L’orge et l’avoine en revanche ont des variétés d’hiver et de printemps. | ||
Enfin, les auteurs des dictionnaires anciens mentionnent les menus grains comme des aliments essentiellement | Enfin, les auteurs des dictionnaires anciens mentionnent les menus grains comme des aliments essentiellement [[fourrage]]rs. Mais il suffit d’une disette pour que l’avoine, l’orge ou le [[millet]] constituent un aliment pour les hommes. La consommation des menus grains évolue : les bouillies à base de menus grains deviennent au cours des XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles des consommations saisonnières, de type soudure, et de plus en plus occasionnelles. Au XVI<sup>e</sup> siècle (1549), [[A pour personne citée::Leonhart Fuchs|Fuchs]] avait évoqué l’habitude pour les paysans de consommer des bouillies composées de lait et de [[panis]] : « ''Quand les pauvres gens de villaige mangent de la bouillie faicte de la farine d’iceluy [le panis] avec du laict'' » (p. 187). Un siècle et demi plus tard, Liger (1762) ne connaît plus les menus grains qu’en tant que graines de secours contre les disettes : « Le millet a le mérite de croître aisément, de pulluler & de fournir beaucoup, & de se conserver sans peine, parce qu’il est froid & le plus sec de tous les grains ; en sorte qu’on a toujours, au moins, de quoi s’empêcher de mourir de faim quand les autres bleds manquent. ». C’est encore ce rôle qu’ils jouent au XIX<sup>e</sup> siècle dans des régions comme l’Ardèche : « Les deux tiers du déficit [sur les gros grains] seront remplis par les menus grains et par les châtaignes et les pommes de terre. » (Arch. Nat. F 11 454, Le préfet du département de l’Ardèche au Ministre de l’Intérieur, Privas, 17 vendémiaire an 13). | ||
Avec les débuts de la statistique sous le Consulat et l’Empire, les documents administratifs se standardisent. On adopte à travers tous les départements des dénominations communes supposées moins prêter à confusion. Les céréales sont divisées en trois classes : la première comprend les céréales panifiables (froment, seigle, [[méteil]]), la seconde comporte des céréales et des légumineuses (orge, [[sarrasin]], maïs, millet, avoine, légumes secs), et la troisième comprend les [[pomme de terre | pommes de terre]] et la châtaigne. Les menus grains ont disparu du langage administratif. Subsiste l’idée de hiérarchie entre les productions : les gros grains d’un côté, c'est-à-dire les céréales nobles panifiables, le reste de l’autre. La disparition progressive de l’expression s’accompagne du déclin dans les cultures. Le nombre des céréales cultivées se réduit. Les céréales secondaires les plus dévalorisées au XIX<sup>e</sup> siècle sont le millet, le panis et le sarrasin. | Avec les débuts de la statistique sous le Consulat et l’Empire, les documents administratifs se standardisent. On adopte à travers tous les départements des dénominations communes supposées moins prêter à confusion. Les céréales sont divisées en trois classes : la première comprend les céréales panifiables (froment, seigle, [[méteil]]), la seconde comporte des céréales et des légumineuses (orge, [[sarrasin]], maïs, millet, avoine, légumes secs), et la troisième comprend les [[pomme de terre | pommes de terre]] et la châtaigne. Les menus grains ont disparu du langage administratif. Subsiste l’idée de hiérarchie entre les productions : les gros grains d’un côté, c'est-à-dire les céréales nobles panifiables, le reste de l’autre. La disparition progressive de l’expression s’accompagne du déclin dans les cultures. Le nombre des céréales cultivées se réduit. Les céréales secondaires les plus dévalorisées au XIX<sup>e</sup> siècle sont le millet, le panis et le sarrasin. |
Version du 9 mars 2017 à 15:44
Des espèces cultivées furent longtemps regroupées sous les appellations de menus grains, menues graines, petits blés, ou encore, d’après leur date de semis ou durée de végétation mars, carêmes (carêmages, quarremel), bleds du printemps, trémois (trois mois), par opposition aux gros grains, gros blés ou hivernages (semés avant l’hiver) - voir blé. Provisoirement, l’article qui suit se centre sur menus grains, menues graines. |
Auteur : Isabelle Vouette
Le point de vue de... | |
---|---|
Pas de compléments pour cet article
| |
Annexes de l'article | |
Pas d'annexes pour cet article
| |
Voir aussi (articles complémentaires) | |
Autres langues | |
Informations complémentaires | |
Article accepté le 7 avril 2010
| |
Article mis en ligne le 5 novembre 2010 |
Définition
Du Moyen Âge jusqu’au milieu du XIXe siècle, époque à laquelle elle est devenue obsolète, l’expression, couramment utilisée, de « menus grains » ou « menues graines » a désigné un ensemble d’espèces semées au printemps, l’année suivant celle où le froment et le seigle (« gros grains ») furent semés en automne. Son contenu a évolué au cours des siècles ; de plus, les définitions diffèrent selon que l’on interroge des dictionnaires d’agriculture ou des documents comptables ou administratifs.
Histoire du terme
On trouve les premières tentatives de définition dans les dictionnaires de la fin du XVIIe siècle. Les critères retenus sont à la fois les dates de semis et les consommateurs. Les menus grains rassemblent un ensemble élastique à l’intérieur duquel on fait entrer des espèces très diverses. D’après le Dictionnaire universel de Furetière (1690), l’adjectif menu signifie : « qui a la taille déliée, qui a peu de largeur et de grosseur à proportion de sa hauteur. Exemple : taille menue. Se dit aussi de tout ce qui est plus petit en genre, estant comparé à un plus gros. Exemple : menuë poussière, menu gibier. Se dit aussi de la moindre valeur des choses. Exemple : menus frais, menus grains. Les menus grains sont les mars, orge, avoine, pois, vesces, etc. ». Un menu grain est un grain qui se sème au printemps. En 1743, le Dictionnaire de Trévoux[1] écrit à l’article « grain » : « Les menus grains, ceux qui servent à nourrir les animaux, comme l’orge, l’avoine, les pois, les vesces, qui se sèment en mars, & qu’on appelle autrement les Mars & les petits blés. ».
Le premier critère de définition des menus grains est la place dans l’assolement, jointe à la date de semis. Les menus grains occupent la troisième et dernière sole de l’assolement triennal (la première étant la jachère ou guéret, la seconde les gros grains ou grains d’hiver). Il arrive qu’ils soient cultivés sur une courte durée, intercalés entre deux cultures principales. C’est ce que constate en 1843 un anonyme inspecteur du Bureau de l’Agriculture en Haute-Garonne : « Le millet (Panicum milliaceum) se cultive quelques fois en récolte principale dans les soles de jachères, mais le plus souvent on le sème en récolte dérobée ou pour utiliser la fourrière des pièces ». En 1760, Alletz publie un dictionnaire destiné à ceux qu’il appelle « agronomes » : « Grains. On les distingue en gros & menus. Les gros grains sont les bleds & le seigle ; les menus grains sont l’orge, l’avoine, les pois, le millet, les vesces, le maïs. On sème les gros grains en automne, & les menus au mois de mars ». On remarque parmi les « menus » grains, l’introduction du maïs, dont le grain est beaucoup plus gros que celui des « gros grains », froment et seigle. Le critère n’est donc pas la taille, mais bien l’usage et la date des semis. Liger, auteur d’un ouvrage plusieurs fois réédité au cours du XVIIIe siècle, range deux céréales, l’avoine et l’orge, parmi les menus grains. Puis il ajoute toutes sortes de plantes fourragères ou légumineuses : « les laboureurs y comprennent la vesce, la dragée & autres fourrages qu’ils sèment pour l’usage de leurs bestiaux. On met aussi au nombre des mars, les légumes & racines qu’on cultive dans les terres labourables, tant pour l’homme que pour les bestiaux. » (édition de 1762, p. 557). À l’article « Grains » du Nouveau Cours complet d’agriculture [in Thouin et al., dir, 1809], Parmentier conserve la classification traditionnelle entre les « hivernaux » et les « marsais », « les premières sont ainsi nommées parce qu’on les sème à la fin de l’automne, et les autres par la raison qu’on ne les sème qu’en mars ». Les menus grains présentent bien la caractéristique commune d’être semés au printemps. En fait, le millet, le panis et le maïs sont exclusivement semés au printemps. L’orge et l’avoine en revanche ont des variétés d’hiver et de printemps.
Enfin, les auteurs des dictionnaires anciens mentionnent les menus grains comme des aliments essentiellement fourragers. Mais il suffit d’une disette pour que l’avoine, l’orge ou le millet constituent un aliment pour les hommes. La consommation des menus grains évolue : les bouillies à base de menus grains deviennent au cours des XVIIe et XVIIIe siècles des consommations saisonnières, de type soudure, et de plus en plus occasionnelles. Au XVIe siècle (1549), Fuchs avait évoqué l’habitude pour les paysans de consommer des bouillies composées de lait et de panis : « Quand les pauvres gens de villaige mangent de la bouillie faicte de la farine d’iceluy [le panis] avec du laict » (p. 187). Un siècle et demi plus tard, Liger (1762) ne connaît plus les menus grains qu’en tant que graines de secours contre les disettes : « Le millet a le mérite de croître aisément, de pulluler & de fournir beaucoup, & de se conserver sans peine, parce qu’il est froid & le plus sec de tous les grains ; en sorte qu’on a toujours, au moins, de quoi s’empêcher de mourir de faim quand les autres bleds manquent. ». C’est encore ce rôle qu’ils jouent au XIXe siècle dans des régions comme l’Ardèche : « Les deux tiers du déficit [sur les gros grains] seront remplis par les menus grains et par les châtaignes et les pommes de terre. » (Arch. Nat. F 11 454, Le préfet du département de l’Ardèche au Ministre de l’Intérieur, Privas, 17 vendémiaire an 13).
Avec les débuts de la statistique sous le Consulat et l’Empire, les documents administratifs se standardisent. On adopte à travers tous les départements des dénominations communes supposées moins prêter à confusion. Les céréales sont divisées en trois classes : la première comprend les céréales panifiables (froment, seigle, méteil), la seconde comporte des céréales et des légumineuses (orge, sarrasin, maïs, millet, avoine, légumes secs), et la troisième comprend les pommes de terre et la châtaigne. Les menus grains ont disparu du langage administratif. Subsiste l’idée de hiérarchie entre les productions : les gros grains d’un côté, c'est-à-dire les céréales nobles panifiables, le reste de l’autre. La disparition progressive de l’expression s’accompagne du déclin dans les cultures. Le nombre des céréales cultivées se réduit. Les céréales secondaires les plus dévalorisées au XIXe siècle sont le millet, le panis et le sarrasin.
Références citées
- anonyme, 1843. Article « millet », p. 153. In : Agriculture française, Statistiques agricoles. Département de la Haute-Garonne.
- Alletz P.A, 1760. L’agronome. Dictionnaire portatif du cultivateur contenant toutes les connaissances nécessaires pour gouverner les Biens de la Campagne, & les faire valoir utilement ; pour soutenir ses droits, conserver sa santé, & rendre gracieuse la vie champêtre, Paris, Veuve Didot et Veuve Damonneville, Savoye, Durand, 2 vol. Texte intégral sur le site de l'Université de Lille.
- Dictionnaire de Trévoux, Paris, Veuve Delaune, 1743, t. III article « Grain » et t. V article « Panis ». [ Texte intégral de l’édition 1771] sur Gallica ; l'édition de 1743 citée dans cet article n'a pas été trouvée sur internet.
- Fuchs ou Fousch L., 1549. Commentaires tres excellens de l’hystoire des plantes, composez premierement en latin par Leonarth Fousch, médecin tres renommé, et depuis, nouvellement traduietz en langue francoise, par un homme scavant & bien expert en la matiere, Paris, Iacques Gazeau, 577 p.
- Furetière, A., [1690, 1762] 1978. Dictionnaire universel, La Haye et Rotterdam, Arnout & Reinier Leers, Réimpression SNL et Le Robert, Paris, 3 vol. Texte intégral sur Gallica.
- Liger, L., 1762. Oeconomie générale de la campagne ou Nouvelle Maison rustique. 8ème éd., Paris, Saugrain.
- Parmentier A.A., 1809. Article « Grains ». In : Thouin, A., *Parmentier, A, Tessier, F., Huzard, J.B. et Bosc, L.A., Nouveau cours complet d’agriculture théorique, pratique et de médecine rurale et vétérinaire, suivi d’une méthode pour étudier l’agriculture par principes; ou Dictionnaire universel d’Agriculture, Paris, Deterville, 1809, t.VI. Texte intégral sur Gallica.
Pour en savoir plus
- ↑ Présentation du Dictionnaire de Trévoux sur Wikipédia.