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* Premier entretien : après le recueil des données générales sur l’exploitation (SAU, système de production, [[assolement]] et [[rotation]]s, [[types de sols]], matériel, main d’œuvre, destination des produits…), des questions ouvertes et neutres permettaient à l’agriculteur d’expliquer ses choix techniques de lutte contre les adventices et les raisons de ces choix. L’entretien a été enregistré, puis intégralement transcrit par écrit. | * Premier entretien : après le recueil des données générales sur l’exploitation (SAU, système de production, [[assolement]] et [[rotation]]s, [[types de sols]], matériel, main d’œuvre, destination des produits…), des questions ouvertes et neutres permettaient à l’agriculteur d’expliquer ses choix techniques de lutte contre les adventices et les raisons de ces choix. L’entretien a été enregistré, puis intégralement transcrit par écrit. | ||
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* Un deuxième entretien permet de compléter les données manquantes, de présenter à l’agriculteur le résultat de la première analyse, pour vérifier qu’il se reconnaît bien dans l’image que nous lui renvoyons et de discuter les schémas de raisonnement. | * Un deuxième entretien permet de compléter les données manquantes, de présenter à l’agriculteur le résultat de la première analyse, pour vérifier qu’il se reconnaît bien dans l’image que nous lui renvoyons et de discuter les schémas de raisonnement. | ||
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Dernière version du 23 août 2024 à 15:24
Cette annexe se rapporte à l'article Mauvaise herbe. |
Comment des agriculteurs raisonnent la maîtrise des mauvaises herbes
Auteurs : Pierre Morlon, Karen Macé, Nicolas Munier-Jolain et Lionel Quéré
Quelles informations les agriculteurs utilisent-ils et comment les organisent-ils pour prendre leurs décisions en matière de lutte contre les mauvaises herbes ? Comment raisonnent-ils cette lutte ? Quels facteurs prennent-ils en considération ? Quelles contraintes pèsent sur leurs choix techniques ? Comment intègrent-ils le temps ?
Pour répondre à ces questions, nous[1] avons enquêté, au début des années 2000, des agriculteurs dans plusieurs régions françaises (Bourgogne, Franche-Comté, Champagne, Ile de France, Normandie, Pays de Loire, Rhône-Alpes)).
Pour analyser ce que chaque agriculteur cherche à faire et pourquoi, nous avons choisi la méthode d’enquête dite « compréhensive », avec des questions ouvertes, formulées de manière à ne pas influencer les réponses.
- Premier entretien : après le recueil des données générales sur l’exploitation (SAU, système de production, assolement et rotations, types de sols, matériel, main d’œuvre, destination des produits…), des questions ouvertes et neutres permettaient à l’agriculteur d’expliquer ses choix techniques de lutte contre les adventices et les raisons de ces choix. L’entretien a été enregistré, puis intégralement transcrit par écrit.
- De retour au bureau, nous avons construit, pour chaque culture, des schémas temporels des itinéraires techniques (fig. 1) et de leurs déterminants.
- Un deuxième entretien permet de compléter les données manquantes, de présenter à l’agriculteur le résultat de la première analyse, pour vérifier qu’il se reconnaît bien dans l’image que nous lui renvoyons et de discuter les schémas de raisonnement.
Les résultats qui suivent sont donnés de façon anonyme, chaque agriculteur étant identifié par un numéro.
A l’échelle de la campagne, les itinéraires techniques
Nous avons commencé par des schémas d’itinéraires techniques à l’échelle de la campagne. Les exemples qui suivent illustrent chacun un point important – seul le premier sera présenté de façon un peu détaillée. Ces exemples sont datés, puisque ces itinéraires techniques évoluent au cours du temps.
Monsieur 13 (Figure 2), en Haute-Marne, est en Techniques Culturales Simplifiées. Il a un pulvérisateur automoteur très rapide et, tant que les conditions météo le permettent, il juge préférable de faire deux passages à faible dose plutôt qu’un seul à dose normale. Le brome, dont la présence est due à l’histoire de certaines parcelles et à sa rotation de cultures d’hiver sans labour, lui pose des problèmes. A l’interculture, il le fait lever en déchaumant puis il le détruit au glyphosate, une ou deux fois selon l’infestation des parcelles. En sols argileux difficiles à travailler et peu portants en conditions humides, il cherche à éliminer le maximum d‘adventices à l’automne pour avoir le moins possible de choses à faire au printemps, car il ne sait pas à quelle date il pourra rentrer dans ses parcelles après l’hiver. A l’automne, il désherbe tôt, à cause du risque de ne plus pouvoir rentrer dans les parcelles, et pour réduire les coûts en traitant à faible dose, donc sur des adventices jeunes. Il met alors deux herbicides : au stade 1 feuille du blé, une faible dose de DFF et d’isoproturon, dont l’efficacité est faible si le sol est encore sec. Au stade 3 feuilles, il prévoit du Célio, produit cher mais efficace en terres argileuses quelle qu’en soit l’humidité. Si l’humidité du sol est suffisante, il remplace le Célio par de l’isoproturon, moins cher. Au printemps, il prévoit de traiter contre le brome avec du Monitor, ce qui lui permet, par anticipation, de réduire la dose d’isoproturon à l’automne.
Ce premier exemple illustre la complexité du raisonnement et la diversité des facteurs pris en considération, dont certains sont propres à la parcelle – type de sol et jours disponibles, flore, système de culture - et d’autres se situent au niveau de l’exploitation – matériel disponible, organisation du travail, objectifs économiques.
Diversité des facteurs et complexité du raisonnement conduisent à une grande diversité d’itinéraires techniques, à la fois entre exploitations et dans une même exploitation, ce qu’illustre l’exemple suivant.
Monsieur 9 (Figure 3) est dans la plaine de Dijon. En 2003, avant blé, à l’interculture, après les déchaumages, il passe un décompacteur si le sol est en bonnes conditions, mais laboure s’il est humide (semis tardif ou période pluvieuse) ou dégradé. Après semis, il distingue les parcelles où il a des problèmes de ray-grass, en sols de limons qu’il sème tôt, des autres, où il distingue celles qu’il peut désherber à l’automne (bonnes conditions après semis précoce) de celles qui ne peuvent l’être qu’au printemps.
Les agriculteurs bio ont pour désherber une palette réduite de moyens techniques, qu’ils raffinent à l’extrême. Avant maïs, en terres de graviers, M. 21, dans la Drôme (Figure 4), passe d’abord un coup de vibroculteur, puis fait deux ou trois « faux-semis » au vibro ou à la herse rotative. Après semis, il bine trois ou quatre fois, en augmentant à chaque fois la vitesse et la profondeur, ainsi que l’écartement des disques protège-plantes, qu’il finit par relever. Sa stratégie de désherbage évoluera s’il peut acheter la houe rotative qu’il a essayée.
Revenons en conventionnel. Normalement, les programmes de M. 9 en colza (fig. 5) se terminent peu après le semis. Mais, par la suite, s’il y a des graminées, il les détruit en prévision du blé qui suit ; et, après la récolte, il détruit les repousses pour qu’il n’y en ait pas dans les autres cultures.
Les anticipations et le raisonnement sur la rotation
Ce type de schéma à l’échelle de la campagne ne représente pas tout le raisonnement (Macé et al., 2007). Nous avons vu, dans certains schémas, des anticipations que font les agriculteurs, et qu’ils expriment par : « telle adventice n’est pas nuisible pour la culture en place, mais je la détruis quand même en prévision de telle autre culture plus tard », ou au contraire : « je ne détruis pas telle adventice cette année car ce serait risqué ou coûteux, or je sais que je la détruirai facilement dans la culture suivante ». Il faut donc construire d’autres schémas, à l’échelle de la rotation.
M. 2 (Figure 6) élimine sur le blé les dicotylédones gênantes dans les autres cultures et, réciproquement, les graminées sur les précédents du blé où il met systématiquement un antigraminées même s’il n’y a rien de visible. Dans les pièces envahies de ray-grass ou de brome, il a modifié sa rotation, qui ne comporte qu’une paille et au contraire deux précédents à blé. Il a de gros problèmes de dicotylédones (renouée-liseron) en féverole, où il ne peut pas faire de rattrapage – mais ce n’est pas grave, il les laisse pousser, et les gère dans le blé qui suit. L’efficacité technique n’est pas seule à être pensée sur l’ensemble de la rotation, le coût l’est aussi : « pour moi le coût n’est pas simplement en blé. Il est géré avec le précédent, c’est un ensemble ».
M. 10 (Figure 7), dans la plaine de Dijon, faisait en 2003 des betteraves et oignons sur les parcelles irriguées proches, et c’est 2 ans à l’avance, sur blé, qu’il détruit les amarantes et chénopodes. Sur les terres où il est difficile de rentrer au printemps, c’est avec 3 ans d’anticipation qu’il détruit les ombellifères et chénopodes sur le tournesol, en prévision du soja. C’est sur les blés qu’il faudrait détruire les chardons mais, ses contrats lui interdisant certaines molécules, il les détruit donc sur les orges et les intercultures. Il coordonne le désherbage entre ses différentes rotations, afin d’étaler le calendrier de travail et celui d’utilisation du pulvérisateur.
A cette échelle de la rotation, les agriculteurs construisent ainsi leurs itinéraires techniques de désherbage en réponse à la question « quand et avec quels moyens puis-je détruire telle espèce, avec le meilleur rapport bénéfice/coût ? » (Figure 8). Dans les cas faciles, il y a des réponses à l’échelle de la campagne (ce sont les itinéraires techniques dont nous avons présenté des exemples). Mais, pour les adventices difficiles à détruire, lorsqu’il n’existe pas de solution satisfaisante dans une culture, les solutions ne se trouvent qu’à l’échelle de la rotation (Figure 9).
Le long terme
Il y a dans tous les schémas quelque chose qui n’a pas encore été commenté. Pendant les intercultures, les déchaumages et autres travaux mécaniques, complétés ou non par des désherbants totaux, ont un objectif de long terme : réduire le stock de graines de mauvaises herbes dans le sol - ce qui s’appelait autrefois jachère, avant que le sens de ce mot ne parte à la dérive, et que les agriculteurs appellent maintenant « faux-semis »..
- ↑ Des ingénieurs de l'INRA et d'Instituts techniques et des étudiants en écoles d'agronomie
Références citées
- Cerf M., 1996. Approche cognitive de pratiques agricoles : intérêts et limites pour les agronomes. Nature, Sciences, Sociétés, 4, 327-339. Texte intégral sur le site du journal.
- Cerf M., Sébillotte M., 1997. Approche cognitive des décisions de production dans l’exploitation agricole. Économie rurale, 239, 11-18. Texte intégral sur Persée.
- Compagnone C., Hellec F., Morlon P., Macé K., Munier-Jolain N., Quéré L., 2008. Raisonnement des pratiques et des changements de pratiques en matière de désherbage : regards agronomique et sociologique à partir d’enquêtes chez des agriculteurs. Innovations Agronomiques, 3 : 89-105. Texte intégral sur le site de la revue.
- Macé K., Morlon P., Munier-Jolain N., Quéré L., 2007. Time scales as a factor in decision making by French farmers on weed management in annual crops. Agricultural Systems, 93, 115-142. Texte intégral sur ScienceDirect.