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Le mot <u>mâchefer</u> est un [[terme vernaculaire]] qui désigne un horizon pédologique [[argile|argilo]]-[[limon]]eux où s’accumulent et s’agglomèrent de très nombreuses grosses concrétions ferromanganiques noires ou brunes. Ces dernières résultent d’engorgements intenses et prolongés, anciens ou toujours actuels, dans un milieu riche en fer. Il se forme alors un horizon plus ou moins durci et peu perméable quoique généralement non continu. | |||
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« Horizons de "mâchefer » : « Ce sont des niveaux de concentration de nodules noirs sphériques (5 à 20 mm), en général assez durs, et de petites lentilles noires, plus ou moins cimentés entre eux, l'ensemble du niveau étant plus ou moins induré, sur une épaisseur de 5 à 20 cm. Ils ne sont pas toujours présents. Parfois plusieurs niveaux s'individualisent dans un même solum très épais. Ils sont toujours situés en profondeur au sein des horizons argileux ferrugineux mais à des cotes variées par rapport au calcaire sous-jacent. Leur formation est sans doute liée à l'existence (ancienne ou actuelle) d'une nappe ou de plusieurs nappes perchées, superposées ou successives, redistribuant le fer, avec peut-être deux sous-cas : i) sommet d'un battement de nappe ou ii) émergence de circulations latérales. On les observe souvent en zone bordière de plateau sur pente faible avec des caractéristiques de plus en plus affirmées vers l'aval. Les horizons de mâchefer les plus typiques ont été décrits dans l'Auxois nord, sur la commune de Montberthault (Mériaux et Perrey, 1964). Leur présence semble liée à l'abondance particulière du fer redistribué dans cette zone par les eaux superficielles et dont l'origine pourrait être la lumachelle ferrugineuse hettangienne, très proche. Les auteurs précédents considèrent de tels horizons comme susceptibles de gêner fortement l'enracinement des plantes cultivées. Au plan chimique, leur composition indique que ce sont des niveaux d'accumulation de fer mais surtout de manganèse et secondairement d'autres métaux (Pb, Zn) ». (Baize & Chrétien, 1994). | « Horizons de "mâchefer » : « Ce sont des niveaux de concentration de nodules noirs sphériques (5 à 20 mm), en général assez durs, et de petites lentilles noires, plus ou moins cimentés entre eux, l'ensemble du niveau étant plus ou moins induré, sur une épaisseur de 5 à 20 cm. Ils ne sont pas toujours présents. Parfois plusieurs niveaux s'individualisent dans un même solum très épais. Ils sont toujours situés en profondeur au sein des horizons argileux ferrugineux mais à des cotes variées par rapport au calcaire sous-jacent. Leur formation est sans doute liée à l'existence (ancienne ou actuelle) d'une nappe ou de plusieurs nappes perchées, superposées ou successives, redistribuant le fer, avec peut-être deux sous-cas : i) sommet d'un battement de nappe ou ii) émergence de circulations latérales. On les observe souvent en zone bordière de plateau sur pente faible avec des caractéristiques de plus en plus affirmées vers l'aval. Les horizons de mâchefer les plus typiques ont été décrits dans l'Auxois nord, sur la commune de Montberthault (Mériaux et Perrey, 1964). Leur présence semble liée à l'abondance particulière du fer redistribué dans cette zone par les eaux superficielles et dont l'origine pourrait être la lumachelle ferrugineuse hettangienne, très proche. Les auteurs précédents considèrent de tels horizons comme susceptibles de gêner fortement l'enracinement des plantes cultivées. Au plan chimique, leur composition indique que ce sont des niveaux d'accumulation de fer mais surtout de manganèse et secondairement d'autres métaux (Pb, Zn) ». (Baize & Chrétien, 1994). | ||
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* Principalement sur la plate-forme sinémurienne en Terre-Plaine (Yonne) et en Auxois (Côte d’Or), dans la formation argileuse souvent dite « limons de l’Auxois » (Collenot, 1873 ; Plaisance & Cailleux, 1958 ; Mériaux & Perrey, 1964 ; Baize & Chrétien, 1994) ; | * Principalement sur la plate-forme sinémurienne en Terre-Plaine (Yonne) et en Auxois (Côte d’Or), dans la formation argileuse souvent dite « limons de l’Auxois » (Collenot, 1873 ; Plaisance & Cailleux, 1958 ; Mériaux & Perrey, 1964 ; Baize & Chrétien, 1994) ; | ||
* Mais aussi en Forêt de Chaux (Plaisance, 1965) et en Bresse. | * Mais aussi en Forêt de Chaux (Plaisance, 1965) et en Bresse. | ||
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« On observe quelques infiltrations [d’eau] à des profondeurs variables réparties en général sur la tranche de sol dégagée par la tranchée. Ces infiltrations se font toujours par des cheminements préférentiels le long des racines mortes, dans des trous d’animaux et quelquefois dans les interstices du « mâchefer » (Mériaux et Perrey, 1964) ; « … [la concrétion] la plus riche provenait d’un bloc de mâchefer. Elle contenait 0,825 % de Mn » (Plaisance, 1965). | « On observe quelques infiltrations [d’eau] à des profondeurs variables réparties en général sur la tranche de sol dégagée par la tranchée. Ces infiltrations se font toujours par des cheminements préférentiels le long des racines mortes, dans des trous d’animaux et quelquefois dans les interstices du « mâchefer » (Mériaux et Perrey, 1964) ; « … [la concrétion] la plus riche provenait d’un bloc de mâchefer. Elle contenait 0,825 % de Mn » (Plaisance, 1965). | ||
'''Analyse d’un horizon de mâchefer''' (Bois Dieu, commune d’Avallon, Yonne – horizon situé entre 100 | '''Analyse d’un horizon de mâchefer''' (Bois Dieu, commune d’Avallon, Yonne – horizon situé entre 100 et 128 cm de profondeur). (Baize & Chrétien, 1994) : | ||
Carbone : 0,2 % | |||
Fer total : 7,3 % | Carbone : 0,2 %<br/> | ||
Fer libre (méthode Deb) : 6,48 % | Fer total : 7,3 %<br/> | ||
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Plomb total : 348 mg/kg | Manganèse total : 1,72 %<br/> | ||
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Zinc total : 310 mg/kg | Zinc total : 310 mg/kg | ||
On constate donc une accumulation de fer et de manganèse mais aussi, sur la bordure du Morvan caractérisée par de nombreuses failles, d’éléments en traces (plomb, zinc) en conséquence des minéralisations locales des roches et des sols qui en sont issus. | On constate donc une accumulation de fer et de manganèse mais aussi, sur la bordure du Morvan caractérisée par de nombreuses failles, d’éléments en traces (plomb, zinc) en conséquence des minéralisations locales des roches et des sols qui en sont issus. | ||
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*Plaisance G., Cailleux A., 1958. ''Dictionnaire des sols''. La maison rustique. | *Plaisance G., Cailleux A., 1958. ''Dictionnaire des sols''. La maison rustique. | ||
*Plaisance G., 1965. Les sols à marbrures de la forêt de Chaux (Jura). ''Ann. Sciences Forestières'', 22 (4) : 437-679. [https://hal.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/881960/filename/hal-00881960.pdf Texte intégral] sur archives-ouvertes. | *Plaisance G., 1965. Les sols à marbrures de la forêt de Chaux (Jura). ''Ann. Sciences Forestières'', 22 (4) : 437-679. [https://hal.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/881960/filename/hal-00881960.pdf Texte intégral] sur archives-ouvertes. | ||
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Dernière version du 13 septembre 2024 à 09:19
Auteur : Denis Baize
Le point de vue de... | |
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Voir aussi (articles complémentaires) | |
Autres langues | |
Anglais : | clay iron pan |
Informations complémentaires | |
Article accepté le 31 août 2018
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Article mis en ligne le 31 août 2018 |
Qu’est-ce ?
Le mot mâchefer est un terme vernaculaire qui désigne un horizon pédologique argilo-limoneux où s’accumulent et s’agglomèrent de très nombreuses grosses concrétions ferromanganiques noires ou brunes. Ces dernières résultent d’engorgements intenses et prolongés, anciens ou toujours actuels, dans un milieu riche en fer. Il se forme alors un horizon plus ou moins durci et peu perméable quoique généralement non continu. En voici quelques définitions et descriptions :
« la surface cultivée se décolore … tandis que le sous-sol, épargné par la charrue, généralement très-dur et comme imperméable, est plus foncé avec veinules noires et concrétions de fer hydroxydé. Les ouvriers, dans ces conditions, l'appellent mâchefer » (Collenot, 1873, rubrique « Alluvions ferrugineuses ou mâchefer »).
« Mâchefer. 1. (Auxois, plateau de Langres, Bresse, etc.). Couche argilo-ferrugineuse et manganésifère, tenace, compacte, sorte d’horizon d’accumulation dans les sols de limons jaunes ». (Plaisance & Cailleux, 1958).
« Profondeur utilisable des sols : … Le principal critère retenu pour déterminer cette profondeur utilisable a été l’apparition du « mâchefer » défini selon l’acception locale comme une couche contenant une forte densité de concrétions ferro-manganiques… Le caractère dominant de l’ensemble des sols [de la commune] est constitué par l’hydromorphie ». (Mériaux & Perrey, 1964).
« Concrétions : … On peut distinguer en particulier… des blocs de mâchefer qui semblent bien n’être que des agglomérations de concrétions pisiformes ». (Plaisance, 1965).
« Horizons de "mâchefer » : « Ce sont des niveaux de concentration de nodules noirs sphériques (5 à 20 mm), en général assez durs, et de petites lentilles noires, plus ou moins cimentés entre eux, l'ensemble du niveau étant plus ou moins induré, sur une épaisseur de 5 à 20 cm. Ils ne sont pas toujours présents. Parfois plusieurs niveaux s'individualisent dans un même solum très épais. Ils sont toujours situés en profondeur au sein des horizons argileux ferrugineux mais à des cotes variées par rapport au calcaire sous-jacent. Leur formation est sans doute liée à l'existence (ancienne ou actuelle) d'une nappe ou de plusieurs nappes perchées, superposées ou successives, redistribuant le fer, avec peut-être deux sous-cas : i) sommet d'un battement de nappe ou ii) émergence de circulations latérales. On les observe souvent en zone bordière de plateau sur pente faible avec des caractéristiques de plus en plus affirmées vers l'aval. Les horizons de mâchefer les plus typiques ont été décrits dans l'Auxois nord, sur la commune de Montberthault (Mériaux et Perrey, 1964). Leur présence semble liée à l'abondance particulière du fer redistribué dans cette zone par les eaux superficielles et dont l'origine pourrait être la lumachelle ferrugineuse hettangienne, très proche. Les auteurs précédents considèrent de tels horizons comme susceptibles de gêner fortement l'enracinement des plantes cultivées. Au plan chimique, leur composition indique que ce sont des niveaux d'accumulation de fer mais surtout de manganèse et secondairement d'autres métaux (Pb, Zn) ». (Baize & Chrétien, 1994).
Ne pas confondre avec :
- L’acception industrielle habituelle. « Le mâchefer est le résidu solide de la combustion du charbon ou du coke dans les fours industriels ou bien encore de celle des déchets urbains dans les usines d’incinération » (Wikipédia ; consulté le 9 avril 2018).
- Ni avec l’« alios » (voir ce mot) dont la formation, l’aspect et la localisation géographique sont tout autres.
Où en a-t-il été décrit ?
Dans le centre-est de la France (Région Bourgogne-Franche-Comté) :
- Principalement sur la plate-forme sinémurienne en Terre-Plaine (Yonne) et en Auxois (Côte d’Or), dans la formation argileuse souvent dite « limons de l’Auxois » (Collenot, 1873 ; Plaisance & Cailleux, 1958 ; Mériaux & Perrey, 1964 ; Baize & Chrétien, 1994) ;
- Mais aussi en Forêt de Chaux (Plaisance, 1965) et en Bresse.
Propriétés agronomiques - Composition
Cet horizon présente une plus ou moins grande induration et constitue un niveau peu perméable à l’eau et difficile à percer, par exemple pour installer des drains. « On observe quelques infiltrations [d’eau] à des profondeurs variables réparties en général sur la tranche de sol dégagée par la tranchée. Ces infiltrations se font toujours par des cheminements préférentiels le long des racines mortes, dans des trous d’animaux et quelquefois dans les interstices du « mâchefer » (Mériaux et Perrey, 1964) ; « … [la concrétion] la plus riche provenait d’un bloc de mâchefer. Elle contenait 0,825 % de Mn » (Plaisance, 1965).
Analyse d’un horizon de mâchefer (Bois Dieu, commune d’Avallon, Yonne – horizon situé entre 100 et 128 cm de profondeur). (Baize & Chrétien, 1994) :
Carbone : 0,2 %
Fer total : 7,3 %
Fer libre (méthode Deb) : 6,48 %
Manganèse total : 1,72 %
Plomb total : 348 mg/kg
Zinc total : 310 mg/kg
On constate donc une accumulation de fer et de manganèse mais aussi, sur la bordure du Morvan caractérisée par de nombreuses failles, d’éléments en traces (plomb, zinc) en conséquence des minéralisations locales des roches et des sols qui en sont issus.
Références citées
- Baize D., Chrétien J., 1994. Les couvertures pédologiques de la plate-forme sinémurienne en Bourgogne. Particularités morphologiques et pédo-géochimiques. Étude et Gestion des Sols, 1 (2) : 7-27. ; http://doczz.fr/doc/31597/les-couvertures-pédologiques-de-la-plate-forme texte intégral sur le site de l'AFES.
- Collenot J.-J., 1873. Description géologique de l’Auxois. Verdot, Semur-en-Auxois, 673 p.
- Mériaux S., Perrey C., 1964. Caractères généraux et possibilités d'assainissement des sols hydromorphes de Montberthault (Côte-d'Or). Bull. AFES, 10 : 397-430.
- Plaisance G., Cailleux A., 1958. Dictionnaire des sols. La maison rustique.
- Plaisance G., 1965. Les sols à marbrures de la forêt de Chaux (Jura). Ann. Sciences Forestières, 22 (4) : 437-679. Texte intégral sur archives-ouvertes.