« Parcelle cadastrale » : différence entre les versions

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La parcelle cadastrale apparaît avec une définition à peu près stable à partir du moment où on commence à se préoccuper de cadastres généraux et où on envisage de passer du cadastre par masses de culture au cadastre parcellaire. Cette évolution occupe tout le XVIII<sup>e</sup> siècle et le début du XIX<sup>e</sup>. Avant cette époque, la notion de parcelle existe, quelquefois avec ce nom, mais il n’est pas toujours évident de dire la réalité qui se cache sous les termes variés que l’on rencontre.
La parcelle cadastrale apparaît avec une définition à peu près stable à partir du moment où on commence à se préoccuper de cadastres généraux et où on envisage de passer du cadastre par masses de culture au cadastre parcellaire. Cette évolution occupe tout le XVIII<sup>e</sup> siècle et le début du XIX<sup>e</sup>. Avant cette époque, la notion de [[Champ, pièce, parcelle|parcelle]] existe, quelquefois avec ce nom, mais il n’est pas toujours évident de dire la réalité qui se cache sous les termes variés que l’on rencontre.




==La parcelle cadastrale aujourd’hui==
==La parcelle cadastrale aujourd’hui==
Aujourd’hui, '''la parcelle cadastrale est une portion de terrain d'un seul tenant, située dans un même lieu-dit (lui-même situé dans une section cadastrale, elle-même située dans le territoire communal), appartenant à un même propriétaire ou à une même indivision et constituant une unité foncière indépendante'''. Mais l’expression d’unité foncière est un peu différente : l’unité foncière n’est pas toujours l’équivalent de la parcelle puisqu’elle peut être l’ensemble des parcelles contigües appartenant à un même propriétaire. Par exemple, le fait, pour une même personne ou une même indivision, de posséder, dans un village, une maison se prolongeant sans solution de continuité par un verger, conduit à deux parcelles cadastrales : une parcelle bâtie, une autre non bâtie. La réunion des deux parcelles fait l’unité foncière et le propriétaire parlera de sa “propriété” en réunissant, dans l’usage qu’il fait du mot, deux parcelles en fait distinctes. La raison de l’existence de deux parcelles tient à la nature distincte de l’occupation qui conduit à des évaluations fiscales différentes.  
Aujourd’hui, '''la parcelle cadastrale est une portion de [[terrain]] d'un seul tenant, située dans un même lieu-dit (lui-même situé dans une section cadastrale, elle-même située dans le [[territoire]] communal), appartenant à un même propriétaire ou à une même indivision et constituant une unité foncière indépendante'''. Mais l’expression d’unité foncière est un peu différente : l’unité foncière n’est pas toujours l’équivalent de la parcelle puisqu’elle peut être l’ensemble des parcelles contigües appartenant à un même propriétaire. Par exemple, le fait, pour une même personne ou une même indivision, de posséder, dans un village, une maison se prolongeant sans solution de continuité par un [[verger]], conduit à deux parcelles cadastrales : l'une bâtie, l'autre non bâtie. La réunion des deux parcelles fait l’unité foncière et le propriétaire parlera de sa “propriété” en réunissant, dans l’usage qu’il fait du mot, deux parcelles en fait distinctes. La raison de l’existence de deux parcelles tient à la nature distincte de l’[[occupation du sol|occupation]] qui conduit à des évaluations fiscales différentes.  


Le numérotage parcellaire est effectué, à l'origine, sans interruption et par sections cadastrales. Toute parcelle nouvelle ou modifiée reçoit un nouveau numéro pris à la suite du dernier attribué dans la section cadastrale ; le numéro de la parcelle primitive n'est jamais réutilisé mais il permet de localiser la nouvelle parcelle créée qui fait référence à la parcelle primitive.
Le numérotage parcellaire est effectué, à l'origine, sans interruption et par sections cadastrales. Toute parcelle nouvelle ou modifiée reçoit un nouveau numéro pris à la suite du dernier attribué dans la section cadastrale ; le numéro de la parcelle primitive n'est jamais réutilisé mais il permet de localiser la nouvelle parcelle créée qui fait référence à la parcelle primitive.


La parcelle cadastrale peut être subdivisée. On nomme subdivision fiscale, la partie d'une parcelle ayant une même nature de culture ou une même affectation. Les subdivisions fiscales sont délimitées sur le plan cadastral par des tirets et désignés par des lettres minuscules distinctes (a, b, …). Les natures de cultures sont divisées en classes qui figurent dans les relevés de propriété de la matrice cadastrale. Les bâtiments sont hachurés sur le plan cadastral et identifiés par des lettres majuscules (A, B, ..) à l'intérieur d'une même parcelle. Le local est une fraction d'immeuble normalement destinée, en raison de son agencement, à être utilisée par un même occupant.
La parcelle cadastrale peut être subdivisée. On nomme subdivision fiscale, la partie d'une parcelle ayant une même nature de [[culture]] ou une même affectation. Les subdivisions fiscales sont délimitées sur le plan cadastral par des tirets et désignés par des lettres minuscules distinctes (a, b, …). Les natures de cultures sont divisées en classes qui figurent dans les relevés de propriété de la matrice cadastrale. Les bâtiments sont hachurés sur le plan cadastral et identifiés par des lettres majuscules (A, B, ..) à l'intérieur d'une même parcelle. Le local est une fraction d'immeuble normalement destinée, en raison de son agencement, à être utilisée par un même occupant.


Le cadastre est un inventaire descriptif et évaluatif des parcelles de terrain et des immeubles bâtis, accompagné d’une représentation cartographique ou plan parcellaire. Il s'agit d'un document à caractère fiscal qui a vocation à définir l'assiette des impôts fonciers et qui ne peut valoir titre de propriété, contrairement à la réputation qu’on lui fait souvent. En droit civil français, ce qui fait la preuve de la propriété c’est 1°° l’acte notarié, parce que la possession d’une parcelle provient inévitablement soit d’un héritage, soit d’un partage, soit d’une acquisition qui donnent lieu à la rédaction d’un tel acte ; 2°) le procès-verbal de bornage d’un géomètre-expert ayant délégation de service public (mais pas du géomètre employé par les services du cadastre) qui intervient pour borner un terrain, soit à la demande d’une ou des parties, soit sur décision judiciaire en cas de litige. Le cadastre peut éclairer le juge, mais s’il est un moyen nécessaire, il n’est pas suffisant pour établir la preuve de la propriété. De façon générale, mieux vaut séparer la notion de parcelle cadastrale de la définition juridique de la propriété. Par exemple, la définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (« la parcelle est dite cadastrale lorsqu’elle est considérée sous l’angle juridique de la propriété ») est totalement fausse.
Le cadastre est un inventaire descriptif et évaluatif des parcelles de terrain et des immeubles bâtis, accompagné d’une représentation cartographique ou [[plan parcellaire]]. Il s'agit d'un document à caractère fiscal qui a vocation à définir l'assiette des impôts fonciers et qui ne peut valoir titre de propriété, contrairement à la réputation qu’on lui fait souvent. En droit civil français, ce qui fait la preuve de la propriété c’est 1°) l’acte notarié, parce que la possession d’une parcelle provient inévitablement soit d’un héritage, soit d’un partage, soit d’une acquisition qui donnent lieu à la rédaction d’un tel acte ; 2°) le procès-verbal de bornage d’un géomètre-expert ayant délégation de service public (mais pas du géomètre employé par les services du cadastre) qui intervient pour borner un terrain, soit à la demande d’une ou des parties, soit sur décision judiciaire en cas de litige. Le cadastre peut éclairer le juge, mais s’il est un moyen nécessaire, il n’est pas suffisant pour établir la preuve de la propriété. De façon générale, mieux vaut séparer la notion de parcelle cadastrale de la définition juridique de la propriété. Par exemple, la définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (« la parcelle est dite cadastrale lorsqu’elle est considérée sous l’angle juridique de la propriété ») est totalement fausse.


Aujourd’hui, l’inscription des dossiers d’information foncière (c’est-à-dire des actes de bornage effectués par les géomètres-experts) sur la base de données du portail ''Géofoncier'', consultable par le public, est devenue une obligation ordinale pour tout professionnel, depuis 2010 (voir Bibollet et Bezard-Falgas, 2011). Elle fait que, progressivement, on dispose d’une base de référence de la propriété parcellaire.  
Aujourd’hui, l’inscription des dossiers d’information foncière (c’est-à-dire des actes de bornage effectués par les géomètres-experts) sur la base de données du portail ''Géofoncier'', consultable par le public, est devenue une obligation ordinale pour tout professionnel, depuis 2010 (voir Bibollet et Bezard-Falgas, 2011). Elle fait que, progressivement, on dispose d’une base de référence de la propriété parcellaire.  
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==Repères pour une histoire de la parcelle cadastrale==
==Repères pour une histoire de la parcelle cadastrale==
De la même manière que le terme de “cadastre” n’existe pas à toutes les époques (on l’ignore par exemple à l’époque romaine, alors que la pratique du recensement des terres existe, et se nomme ''census'') et n’est pas une notion invariable de l’Antiquité à nos jours, de même il n’est pas possible de faire une histoire de la parcelle cadastrale dans la durée comme si le mot “parcelle” avait toujours existé et signifié la même chose. La raison est que la réalité de la parcelle n’est pas, comme elle l’est de nos jours, une réalité constatée et enregistrée par l’écrit et le plan. La part de l’oralité et la prégnance de la solidarité au sein du lignage et de la communauté peuvent expliquer qu’on ait moins besoin d’une description neutre et indépendante de la parcelle. Celle-ci n’est pas encore un bien marchand et ne circule pas comme elle le fait aujourd’hui.  
De la même manière que le terme de “cadastre” n’existe pas à toutes les époques (on l’ignore par exemple à l’époque romaine, alors que la pratique du recensement des terres, nommé ''census'', existe) et n’est pas une notion invariable de l’Antiquité à nos jours, de même il n’est pas possible de faire une histoire de la parcelle cadastrale dans la durée comme si le mot “parcelle” avait toujours existé et signifié la même chose. La raison est que la réalité de la parcelle n’est pas, comme elle l’est de nos jours, une réalité constatée et enregistrée par l’écrit et le plan. La part de l’oralité et la prégnance de la solidarité au sein du lignage et de la communauté peuvent expliquer qu’on ait moins besoin d’une description neutre et indépendante de la parcelle. Celle-ci n’est pas encore un bien marchand et ne circule pas comme elle le fait aujourd’hui.  


Dans l’Antiquité romaine (Chouquer, 2010), le terme ''particula'' et l’expression ''particula agrorum'' peuvent être traduits de façon approchée par “parcelle” ou “portion d’une terre”. Le terme est employé par l’arpenteur Siculus Flaccus (mais dans un texte qui concerne l’Italie) à diverses reprises :
Dans l’Antiquité romaine (Chouquer, 2010), le terme ''particula'' et l’expression ''particula agrorum'' peuvent être traduits de façon approchée par “parcelle” ou “portion d’une terre”. Le terme est employé par l’arpenteur Siculus Flaccus (mais dans un texte qui concerne l’Italie) à diverses reprises :
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Pour le Moyen Âge on ne dispose pas encore d’un recensement des termes employés et ce travail serait intéressant mais fastidieux, étant donné la dispersion des documents. Quelques exemples peuvent être donnés, sans qu’il y ait possibilité de généraliser.  
Pour le Moyen Âge on ne dispose pas encore d’un recensement des termes employés et ce travail serait intéressant mais fastidieux, étant donné la dispersion des documents. Quelques exemples peuvent être donnés, sans qu’il y ait possibilité de généraliser.  
*- ''Partes terrarum'' ou parts de terres. Dans les lois barbares, notamment la loi des Burgondes, l’expression désigne les parties d’une ''terra'', d’un ''ager'' ou d’un ''fundus'' (ces termes étant eux-mêmes difficiles à traduire de façon sûre ; pour ''ager'', on donne couramment terre ou territoire ; pour ''fundus'', on traduit généralement par domaine) que se répartissent le ''dominus'' romain et l’hôte barbare, nouveau venu et installé au titre de l’''hospitalitas''. On ne se situe donc pas ici au niveau des parcelles cadastrales mais plutôt de portions du domaine.
*- ''Partes terrarum'' ou parts de terres. Dans les lois barbares, notamment la loi des Burgondes, l’expression désigne les parties d’une ''terra'', d’un ''ager'' ou d’un ''fundus'' (ces termes étant eux-mêmes difficiles à traduire de façon sûre ; pour ''ager'', on donne couramment terre ou [[territoire]] ; pour ''fundus'', on traduit généralement par domaine) que se répartissent le ''dominus'' romain et l’hôte barbare, nouveau venu et installé au titre de l’''hospitalitas''. On ne se situe donc pas ici au niveau des parcelles cadastrales mais plutôt de portions du domaine.
*- ''Particella'' petite parcelle ou petite partie, et ''parcella'' parcelle sont des termes qui viennent du latin ''pars'', signifiant partie. Un texte de 754 relevé dans le dictionnaire du latin médiéval de Niermeyer (1954-58), parle d’une parcelle située en un lieu (''particela mea... in loco...''). Notons que ''particella'' est passé à l’italien moderne où il désigne la parcelle.
*- ''Particella'' petite parcelle ou petite partie, et ''parcella'' parcelle sont des termes qui viennent du latin ''pars'', signifiant partie. Un texte de 754 relevé dans le dictionnaire du latin médiéval de Niermeyer (1954-58), parle d’une parcelle située en un lieu (''particela mea... in loco...''). Notons que ''particella'' est passé à l’italien moderne où il désigne la parcelle.
*- Dans les registres d’estime du Lauragais, au XV<sup>e</sup> siècle, on n’emploie pas le mot parcelle, parce qu’on se réfère toujours aux natures de cultures qu’elles portent. Par exemple, on parle de ''tera'', ''terra'', ''camp'', ''quamp'', pour les terres labourables ; ''vinha'' ou ''malhol'' pour les vignes ; ''prat'', ''payssieu'' pour les prés ; ''brogas'', ''anols ginebres'', ''bartas'' pour les broussailles ; ''bosc'' pour les bois ; ''ort'' et ''vergie'' pour le jardin et le verger ; ''cassieu'' pour la garenne...
*- Dans les registres d’estime du Lauragais, au XV<sup>e</sup> siècle, on n’emploie pas le mot parcelle, parce qu’on se réfère toujours aux natures de cultures qu’elles portent. Par exemple, on parle de ''tera'', ''terra'', ''camp'', ''quamp'', pour les [[terres labourables]] ; ''vinha'' ou ''malhol'' pour les [[vignes]] ; ''prat'', ''payssieu'' pour les [[prés]] ; ''brogas'', ''anols ginebres'', ''bartas'' pour les broussailles ; ''bosc'' pour les bois ; ''ort'' et ''vergie'' pour le [[jardin]] et le verger ; ''cassieu'' pour la garenne...


La parcelle est, en revanche, un concept qui apparaît vraiment dans la documentation à l’époque moderne.  
La parcelle est, en revanche, un concept qui apparaît vraiment dans la documentation à l’époque moderne.  
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* une masse de terres labourables qui se partage entre dix propriétaires forme dix parcelles ;
* une masse de terres labourables qui se partage entre dix propriétaires forme dix parcelles ;
* une masse de terre appartenant à un seul propriétaire mais partagée en dix champs, chacun d’une nature absolument distincte de ceux auxquels il est attenant et devant recevoir une estimation différente, forme dix parcelles ;  
* une masse de terre appartenant à un seul propriétaire mais partagée en dix champs, chacun d’une nature absolument distincte de ceux auxquels il est attenant et devant recevoir une estimation différente, forme dix parcelles ;  
* ne sont pas regardées comme de nature distincte les terres qui ne diffèrent que par leur assolement ;  
* ne sont pas regardées comme de nature distincte les terres qui ne diffèrent que par leur [[Assolement, rotation, succession, système de culture : fabrication d'un concept, 1750-1810|assolement]] ;  
* un champ de même nature de culture appartenant au même propriétaire mais divisé en deux par une haie, un fossé large et profond, un chemin public, une rivière, un ruisseau ou autre limite fixe, forme deux parcelles ;  
* un champ de même nature de culture appartenant au même propriétaire mais divisé en deux par une [[haie]], un [[fossé]] large et profond, un chemin public, une rivière, un ruisseau ou autre limite fixe, forme deux parcelles ;  
* les terres contiguës appartenant au même propriétaire qui ne diffèrent que par leur [[assolement]] forment deux parcelles si elles dépendent de deux triages différents ;  
* les terres contiguës appartenant au même propriétaire qui ne diffèrent que par leur assolement forment deux parcelles si elles dépendent de deux triages différents ;  
* etc.  
* etc.  



Version du 9 mars 2017 à 12:04

Auteur : Gérard Chouquer

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Article accepté le 12 octobre 2012
Article mis en ligne le 12 octobre 2012


La parcelle cadastrale apparaît avec une définition à peu près stable à partir du moment où on commence à se préoccuper de cadastres généraux et où on envisage de passer du cadastre par masses de culture au cadastre parcellaire. Cette évolution occupe tout le XVIIIe siècle et le début du XIXe. Avant cette époque, la notion de parcelle existe, quelquefois avec ce nom, mais il n’est pas toujours évident de dire la réalité qui se cache sous les termes variés que l’on rencontre.


La parcelle cadastrale aujourd’hui

Aujourd’hui, la parcelle cadastrale est une portion de terrain d'un seul tenant, située dans un même lieu-dit (lui-même situé dans une section cadastrale, elle-même située dans le territoire communal), appartenant à un même propriétaire ou à une même indivision et constituant une unité foncière indépendante. Mais l’expression d’unité foncière est un peu différente : l’unité foncière n’est pas toujours l’équivalent de la parcelle puisqu’elle peut être l’ensemble des parcelles contigües appartenant à un même propriétaire. Par exemple, le fait, pour une même personne ou une même indivision, de posséder, dans un village, une maison se prolongeant sans solution de continuité par un verger, conduit à deux parcelles cadastrales : l'une bâtie, l'autre non bâtie. La réunion des deux parcelles fait l’unité foncière et le propriétaire parlera de sa “propriété” en réunissant, dans l’usage qu’il fait du mot, deux parcelles en fait distinctes. La raison de l’existence de deux parcelles tient à la nature distincte de l’occupation qui conduit à des évaluations fiscales différentes.

Le numérotage parcellaire est effectué, à l'origine, sans interruption et par sections cadastrales. Toute parcelle nouvelle ou modifiée reçoit un nouveau numéro pris à la suite du dernier attribué dans la section cadastrale ; le numéro de la parcelle primitive n'est jamais réutilisé mais il permet de localiser la nouvelle parcelle créée qui fait référence à la parcelle primitive.

La parcelle cadastrale peut être subdivisée. On nomme subdivision fiscale, la partie d'une parcelle ayant une même nature de culture ou une même affectation. Les subdivisions fiscales sont délimitées sur le plan cadastral par des tirets et désignés par des lettres minuscules distinctes (a, b, …). Les natures de cultures sont divisées en classes qui figurent dans les relevés de propriété de la matrice cadastrale. Les bâtiments sont hachurés sur le plan cadastral et identifiés par des lettres majuscules (A, B, ..) à l'intérieur d'une même parcelle. Le local est une fraction d'immeuble normalement destinée, en raison de son agencement, à être utilisée par un même occupant.

Le cadastre est un inventaire descriptif et évaluatif des parcelles de terrain et des immeubles bâtis, accompagné d’une représentation cartographique ou plan parcellaire. Il s'agit d'un document à caractère fiscal qui a vocation à définir l'assiette des impôts fonciers et qui ne peut valoir titre de propriété, contrairement à la réputation qu’on lui fait souvent. En droit civil français, ce qui fait la preuve de la propriété c’est 1°) l’acte notarié, parce que la possession d’une parcelle provient inévitablement soit d’un héritage, soit d’un partage, soit d’une acquisition qui donnent lieu à la rédaction d’un tel acte ; 2°) le procès-verbal de bornage d’un géomètre-expert ayant délégation de service public (mais pas du géomètre employé par les services du cadastre) qui intervient pour borner un terrain, soit à la demande d’une ou des parties, soit sur décision judiciaire en cas de litige. Le cadastre peut éclairer le juge, mais s’il est un moyen nécessaire, il n’est pas suffisant pour établir la preuve de la propriété. De façon générale, mieux vaut séparer la notion de parcelle cadastrale de la définition juridique de la propriété. Par exemple, la définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (« la parcelle est dite cadastrale lorsqu’elle est considérée sous l’angle juridique de la propriété ») est totalement fausse.

Aujourd’hui, l’inscription des dossiers d’information foncière (c’est-à-dire des actes de bornage effectués par les géomètres-experts) sur la base de données du portail Géofoncier, consultable par le public, est devenue une obligation ordinale pour tout professionnel, depuis 2010 (voir Bibollet et Bezard-Falgas, 2011). Elle fait que, progressivement, on dispose d’une base de référence de la propriété parcellaire.

On retiendra donc qu’il existe un écart entre l’information cadastrale et l’information foncière, en raison des différences entre les missions des professionnels.


Repères pour une histoire de la parcelle cadastrale

De la même manière que le terme de “cadastre” n’existe pas à toutes les époques (on l’ignore par exemple à l’époque romaine, alors que la pratique du recensement des terres, nommé census, existe) et n’est pas une notion invariable de l’Antiquité à nos jours, de même il n’est pas possible de faire une histoire de la parcelle cadastrale dans la durée comme si le mot “parcelle” avait toujours existé et signifié la même chose. La raison est que la réalité de la parcelle n’est pas, comme elle l’est de nos jours, une réalité constatée et enregistrée par l’écrit et le plan. La part de l’oralité et la prégnance de la solidarité au sein du lignage et de la communauté peuvent expliquer qu’on ait moins besoin d’une description neutre et indépendante de la parcelle. Celle-ci n’est pas encore un bien marchand et ne circule pas comme elle le fait aujourd’hui.

Dans l’Antiquité romaine (Chouquer, 2010), le terme particula et l’expression particula agrorum peuvent être traduits de façon approchée par “parcelle” ou “portion d’une terre”. Le terme est employé par l’arpenteur Siculus Flaccus (mais dans un texte qui concerne l’Italie) à diverses reprises :

  • lorsqu’il traite de la continuité de la possession et qu’il indique qu’une partie d’une possession peut se trouver de l’autre côté d’une voie, ce qui sous-entend que la voie doit en principe faire limite (109, 21 Th, in Thulin, 1913 = 145, 21 La, in Blume et al., 1848-1852) ;
  • lorsqu’il indique qu’on peut acheter des parcelles ou portion de terres de l’autre côté d’un ruisseau alors que celui-ci fait limite (114,18 Th = 150, 17-18 La) ;
  • lorsqu’il évoque l’échange des parcelles ou portions entre possesseurs pour reconstituer la continuité de la possession, c’est-à-dire les mêmes natures de culture (119, 20-27 Th = 155, 15-22 La) ;
  • enfin lorsqu’il explique que les mutations par achat ou vente de portions ou parcelles ne correspondent plus à ce qui est mentionné dans les archives (126, 14-18 Th = 161, 25 - 162, 2 La).

Dans tous ces exemples, le mot renvoie à une notion proche de ce que nous appelons parcelle, mais aussi sans doute à quelque chose qui peut être plus vaste, une portion d’un domaine, de taille indéterminée. La traduction par parcelle, qui peut être juste si on reste dans la définition cadastrale de la parcelle, peut néanmoins s’avérer imparfaite.

Toujours dans l’Antiquité romaine, on note l’emploi de termes approchants de la notion de parcelle :

  • portio ou part est employé comme synonyme de lot dans les listes du “Livre des colonies” (Lib. Col. 216, 13 La).
  • portiuncula ou petite part est le nom donné aux parcelles obtenues par subdivision d'une possession ou d'un lot de vétéran lors d'un héritage (Commentateur Anonyme, 71, 14-16 La).

Pour le Moyen Âge on ne dispose pas encore d’un recensement des termes employés et ce travail serait intéressant mais fastidieux, étant donné la dispersion des documents. Quelques exemples peuvent être donnés, sans qu’il y ait possibilité de généraliser.

  • - Partes terrarum ou parts de terres. Dans les lois barbares, notamment la loi des Burgondes, l’expression désigne les parties d’une terra, d’un ager ou d’un fundus (ces termes étant eux-mêmes difficiles à traduire de façon sûre ; pour ager, on donne couramment terre ou territoire ; pour fundus, on traduit généralement par domaine) que se répartissent le dominus romain et l’hôte barbare, nouveau venu et installé au titre de l’hospitalitas. On ne se situe donc pas ici au niveau des parcelles cadastrales mais plutôt de portions du domaine.
  • - Particella petite parcelle ou petite partie, et parcella parcelle sont des termes qui viennent du latin pars, signifiant partie. Un texte de 754 relevé dans le dictionnaire du latin médiéval de Niermeyer (1954-58), parle d’une parcelle située en un lieu (particela mea... in loco...). Notons que particella est passé à l’italien moderne où il désigne la parcelle.
  • - Dans les registres d’estime du Lauragais, au XVe siècle, on n’emploie pas le mot parcelle, parce qu’on se réfère toujours aux natures de cultures qu’elles portent. Par exemple, on parle de tera, terra, camp, quamp, pour les terres labourables ; vinha ou malhol pour les vignes ; prat, payssieu pour les prés ; brogas, anols ginebres, bartas pour les broussailles ; bosc pour les bois ; ort et vergie pour le jardin et le verger ; cassieu pour la garenne...

La parcelle est, en revanche, un concept qui apparaît vraiment dans la documentation à l’époque moderne.

Dans le cadastre “sarde” qui concerne la Savoie et qui est réalisé à partir de 1728, la "parcelle", ou encore la "parcelle de particulier" est l’unité de base de l’enregistrement et de la mesure cadastrale ; les parcelles sont enregistrées mas par mas, dans l’ordre de l’arpentage, affectées d’un numéro définitif, et définies par leur caractère bâti ou non bâti, par la nature de leurs cultures et par le nom du ou des propriétaires (Cadastre sarde, [1730] 1980). Les parcelles sont affectées d’un “degré de bonté” (bon, médiocre, mauvais) afin de permettre leur estime ou estimation. Les textes emploient très souvent le terme général de “fonds” dans le sens de parcelle, ainsi que les mots “pièce” et “portion”. Au terme de la mensuration générale du Duché de Savoie, 1 442 096 parcelles ont été mesurées sur 640 paroisses. C’est, sans doute, l’un des plus anciens inventaires parcellaires au monde, avec le cadastre thérésien du Milanais, antérieur de quelques années.

C’est à l’époque napoléonienne que la parcelle acquiert la définition qui est désormais la sienne : portion de terrain plus ou moins grande située dans un même canton, triage ou lieu-dit, présentant une même nature de culture et appartenant au même propriétaire. La réalisation du cadastre conduit ses concepteurs à préciser ce qu’on doit entendre par parcelle (Recueil méthodique, 1811). Ainsi :

  • une masse de terres labourables qui se partage entre dix propriétaires forme dix parcelles ;
  • une masse de terre appartenant à un seul propriétaire mais partagée en dix champs, chacun d’une nature absolument distincte de ceux auxquels il est attenant et devant recevoir une estimation différente, forme dix parcelles ;
  • ne sont pas regardées comme de nature distincte les terres qui ne diffèrent que par leur assolement ;
  • un champ de même nature de culture appartenant au même propriétaire mais divisé en deux par une haie, un fossé large et profond, un chemin public, une rivière, un ruisseau ou autre limite fixe, forme deux parcelles ;
  • les terres contiguës appartenant au même propriétaire qui ne diffèrent que par leur assolement forment deux parcelles si elles dépendent de deux triages différents ;
  • etc.


Références citées

  • Bibollet P., Bezard-Falgas P. 2011. Le portail Géofoncier : une Infrastructure de Données Spatiales singulière pour une profession extraordinaire. Communication, FIG Working Week 2011, Marrakech. Présentation sur le site de la Fédération Internationale des Géomètres (F.I.G.)
  • Blume F., Lachmann K., Rudorff A., 1848-1852. Die Schriften des römischen Feldmesser. Berlin, 2 vol. ; réimpression chez Georg Olms, Hildesheim 1967. (Les textes sont dans le volume 1 de 1848). Indiqué ci-dessus par La, avec la page et la ligne.
  • Cadastre sarde, [1730] 1980. Le cadastre sarde de 1730 en Savoie. Musée Savoisien, Chambéry, 244 p.
  • Chouquer G., 2010. La terre dans le monde romain. Anthropologie, droit, géographie. Errance, Paris, 358 p.
  • Niermeyer J.F. 1954-1958. Mediae Latinitatis Lexicon Minus. 12 fascicules.
  • Recueil... 1811. Recueil méthodique des lois, décrets, réglemens, instructions et décisions sur le cadastre de la France ; approuvé par le ministre des Finances. Paris. Réédition fac simil : Publitopex, Paris 2012, 208 p.
  • Thulin C. 1913. Corpus agrimensorum romanorum, Opuscula agrimensorum veterum. Coll. Teubner, Stuttgart, réimpr. 1971. Indiqué ci-dessus par Th avec la page et la ligne.


Pour en savoir plus :

Publications papier

  • Clergeot P., 2003. Aux origines du cadastre général parcellaire français. XYZ, n° 95.
  • Clergeot P., 2007. Cent millions de parcelles en France, 1807 – Un cadastre pour l’empire. Publitopex, Paris, 124 p.

Sites internet


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