Temps thermique (sommes de températures) - Annexe 5

De Les Mots de l'agronomie
Aller à la navigationAller à la recherche
Date de mise en ligne
27 novembre 2023
Retour à l'article
Cette annexe se rapporte à l'article Temps thermique (sommes de températures).

Quelques notes à partir de l’article de Raymond Bonhomme, Bases and limits to using ‘degree.day’ units (2000)

Résumé

Les sommes de degrés-jours, expression dont il existe plusieurs synonymes, sont souvent employées en agronomie, essentiellement pour estimer ou prédire les durées des différentes phases de développement. Mais les bases physiologiques et mathématiques sur lesquelles elles sont fondées sont parfois oubliées, conduisant à des interprétations discutables. C’est particulièrement le cas pour tout ce qui concerne les seuils de température qui entrent dans le calcul de ces sommes de degrés-jours. Sans chercher à faire une synthèse des innombrables travaux publiés dans ce domaine, la présente revue bibliographique se propose de présenter les principes de base de cette notion ainsi que les limites de son emploi. Sur ce dernier point, nous insisterons particulièrement sur les conséquences de la non linéarité de la réponse de température e la méthode employée pour déterminer la température de base, comme sur la pertinence de la température prise en compte pour étudier le phénomène. Nous en tirons plusieurs conséquences pratiques.

Mots-clés anglais : Base temperature; Day-degrees; Growing degree-days; Heat sums; Heat units; Thermal time; Thermal units; Threshold temperature.


Introduction

Au niveau moléculaire, l’action de la température en physiologie végétale est très complexe. Au-delà de la vitesse des réactions chimiques (loi d’Arrhenius), elle influe sur les vitesses de diffusion et sur la conformation des enzymes, en particulier celles impliquées dans la photosynthèse : en particulier, si la température est trop basse, la protéine de l’enzyme n’est pas assez flexible pour la déformation exigée pour la réaction ; si elle est trop haute, l’enzyme coagule et devient inactive. Les courbes d’action de la température sont d’abord croissantes à partir d’un minimum, atteignent un optimum (Bourdu, 1984) puis décroissent jusqu’à un maximum. Il y a sur ce point une grande différence (Fig. 1) entre plantes en C3, comme le blé (minimum 0°C, optimum 20-25°), et celles en C4, comme le maïs (minimum 10°, optimum 30-35°). Le maximum est difficile à déterminer à cause de l’interaction avec le stress hydrique ; dans tous les cas il y a très peu de phénomènes biologiques au-dessus de 45°C.

Fig. 1. Cercles vides et ligne brisée (échelle de gauche) : vitesse d’apparition des feuilles de blé en fonction de la température (Ritchie & NeSmith, 1991). Ligne continue (échelle de gauche) : vitesse d’apparition des feuilles de maïs en fonction de la température (Tollenaar et al., 1979). Cercles pleins (échelle de droite) : vitesse d’élongation de coléoptiles de maïs en fonction de la température (Lehenbauer, 1914).


La non linéarité de la relation entre vitesse de développement et température

La figure 1 montre clairement que la vitesse de développement ne peut être considérée comme linéairement proportionnelle à la température que sur une gamme réduite de températures. Diverses méthodes non linéaires ont donc été testées qui n’apportent que des améliorations mineures malgré la complication des calculs. D’où l’emploi habituel des sommes en degrés-jours, tout en faisant attention aux conséquences de la non linéarité :

  • - Dépendance de la gamme de températures sur laquelle on ajuste la linéarisation (cette dernière déterminant statistiquement la température de base, tableau 1). Le maïs étant en moyenne cultivé à des températures plus basses en France qu’aux USA, cela explique qu’on emploie une température de base plus basse en France, 6 à 7°C, qu’aux USA, 10°C…
Tableau 1
Variation apparente de la température de base Tt obtenue par linéarisation dans l’intervalle 10-20°C des lois obtenues pour différentes amplitudes thermiques journalières (Tollenaar et al., 1979)
Amplitude thermique journalière (°C) 0 5 10 15 20
Température de base Tt apparente 9,4 9,2 8,5 7,3 5,4
  • Dépendance de l’amplitude thermique diurne. La méthode donne un développement nul si la température moyenne du jour est égale (ou inférieure) à la température de base, alors que les heures où la température est supérieure à cette dernière permettent quand même un petit développement.


La méthode utilisée pour déterminer la loi d’action.

La température de base est ajustée statistiquement, en cherchant celle qui donne l’un des objectifs suivants :

  • Minimiser la déviation standard, en sommes de degrés-jours, pour une série d’essais (M1) ;
  • Minimiser la déviation standard, en jours, correspondant à ces sommes (M2)
  • Minimiser le coefficient de variation des différences entre dates prévues et observées (M3)
  • Dans la régression entre les sommes de degrés-jours et les températures moyennes der différents essais, aboutir à l’indépendance entre les sommes de températures et les températures des essais (M4).
  • Une autre estimation (M5) est basée sur l’abscisse à l’origine et la pente de la courbe reliant vitesse de développement et température.

Cet ajustement statistique donne des valeurs parfois bien différentes de la température physiologique pour laquelle le développement est nul, chacune de ces méthodes donnant une température estimée différente (Tableau 2). D’où un grand nombre de publications contradictoires…

Tableau 2
Estimations de la température de base Tt (°C) pour la période semis-floraison du génotype de maïs LG11, obtenues avec différentes méthodes (Bonhomme et al., 1994)
M1 M2 M3 M4 M5
5,66 4,62 4,55 4,53 4,52

Les différences auxquelles cela conduit dans les estimations de dates de développement restent limitées quand la température estimée est légèrement inférieure à la réelle, mais « explosent » quand elle est trop haute (Durand et al., 1982).


La représentativité de la température de référence employée

Il s’agit de la température de l’organe en cours de développement, qui sert à établir la loi et calculer les sommes de degrés-jours. Très difficile à mesurer effectivement, elle est le plus souvent approchée par un dispositif matériel situé à quelque distance, et pas forcément dans la même situation (distance au sol, en particulier). Même faibles, les biais que cela entraîne peuvent avoir un grand effet cumulatif.

Et la température moyenne réelle du jour n’est pas toujours donnée exactement par la formule (Tmax + Tmin) / 2 habituellement utilisée (Hallaire, 1950). Des mesures horaires donnent un résultat plus sûr.


Autres facteurs modifiant la vitesse de développement

  • A l’effet de la température sur la vitesse de développement s’ajoute celui de la photopériode, dans le cas où on cultive sous des jours longs (en été en latitude moyenne ou élevée) un génotype de jours courts (originaire de région tropicale). Si l’on n’en tient pas compte, cela donne des températures de base apparentes à la fois plus hautes et plus dispersées.
  • Le stress hydrique peut accélérer ou au contraire réduire la vitesse de développement (Brisson & Delécolle, 1991).
  • Le statut nutritionnel de la plante peut aussi avoir un effet (Gastal et al., 1992).


Références citées

  • Bonhomme R., 2000. Review. Bases and limits to using ‘degree.day’ units. Eur. J. Agronomy, 13 (1): 1-10. Texte intégral.
  • Bonhomme R., Derieux M., Edmeades G.O., 1994. Flowering of diverse maize cultivars in relation to temperature and photoperiod in multilocation field trials. Crop Sci., 34, 156-164.
  • Bourdu R., 1984. Bases physiologiques de l’action des températures. In : Gallais A., ed., Physiologie du maïs. INRA, Paris : 389-424.
  • Brisson N., Delécolle R., 1991. Développement et modèles de simulation de culture. Agronomie, 12 : 253-263.
  • Durand R., Bonhomme R., Derieux M., 1982. Seuil optimal des sommes de température : application au maïs (Zea mays L.). Agronomie, 7 : 589-597.
  • Gastal F., Belanger G., Lemaire G., 1992. A model of the leaf extension rate of tall fescue in response to nitrogen and temperature. Ann. Bot., 70 (5): 437-442.
  • Hallaire M., 1950. Les températures moyennes nocturnes, diurnes et nycthémérales exprimées en fonction du minimum et du maximum journaliers de température. C.R. Acad. Sci., 231 : 1533-1535. Texte intégral sur Gallica.
  • Lehenbauer P.A., 1914. Growth of maize seedlings in relation to temperature. Physiol. Res., 5: 247-288.
  • Ritchie J.T., NeSmith D.S., 1991. Temperature and crop development. In: Hanks J., Ritchie J.T., eds., Modeling plant and soil systems. ASA, USA: 5-29.
  • Tollenaar M., Daynard T.B., Hunter R.B., 1979. Effect of temperature on rate of leaf appearance and flowering date in maize. Crop Sci., 19 : 363-366.
Bandeau bas MotsAgro.jpg