Remembrement, la genèse - Annexe 4

De Les Mots de l'agronomie
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Date de mise en ligne
16 mai 2022
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Cette annexe se rapporte à l'article Remembrement, la genèse.

Des opérations qui ont été exécutées, à l’instar de celle de Rouvres. (François de Neufchâteau, 1806)


M. de Cœur-de-Roy, jeune conseiller de Dijon, fut tiré de ce Parlement pour venir présider celui de Lorraine à Nancy. […]. Il fit part à M. de la Galaizière de ce qu’il avait vu à Rouvres, et celui-ci conçut l’idée de faire exécuter et de faire approuver par le Gouvernement cette distribution des terres, sur un plan tout nouveau, dans plusieurs grands domaines qui lui appartenaient. Il obtint, à cet effet, des arrêts du Conseil et des lettres-patentes du Roi, en vertu desquels il fit procéder à la réunion des terres dans les communes de Neuviller et de Roville. Je mets sous les yeux des lecteurs les lettres-patentes du Roi, portant confirmation de division et partage de terrains de la communauté de Roville en Lorraine, du 7 Mai 1771 ((notre annexe 5)). […]

Enfin, l’arpentage de Rouvres a trouvé des imitateurs dans les environs de Dijon, même sans l’intervention des lois, ni du Gouvernement. En 1774, M. Berbis de Longecour, seigneur des Tarts et Marlien, à un myriamètre et demi ((15 km)) de Dijon, rassembla les propriétaires de ces deux seigneuries, leur représenta le dommage qui résultait pour eux des bouleversements perpétuels de culture, causés par le mélange et le morcellement des terres ; il leur fit bien sentir la nécessité de donner à ces territoires confus une autre disposition ; il leur fit remarquer que le peu de terrains enclos, situés auprès des villages, produisaient au moins quatre fois plus que les champs ouverts ; que le produit des terres closes résultait de la faculté que chaque possesseur avait de les cultiver à son gré : qu’en procurant à tous la même faculté, tous auraient le même avantage. En effet, lorsque le fermier est libre d’user de son champ suivant sa volonté, son intérêt est le garant qu’il en retirera tout le produit possible. C’est alors que l’Agriculture peut faire des progrès. Il fallait, pour y parvenir, réunir les pièces éparses qui formaient le domaine de chacun des particuliers, et les disposer de manière les propriétés aboutissent chacune sur des chemins publics, afin que l’exploitant ne fût jamais obligé de passer à travers ses voisins. On communiqua ces idées à l'arpenteur Noirot, qui, par une suite d’échanges, parvint à réformer la distribution de ces deux territoires. Les particuliers s’empressaient de se proposer les échanges nécessaires pour opérer la répartition nouvelle ; mais tous auraient voulu donner moins et recevoir plus. Les seigneurs des villages, les principaux propriétaires firent de légers sacrifices, dont ils pressentaient bien le dédommagement. Les chemins nécessaires furent pris sur les fonds communs. La chose fut exécutée, les cours d’eau furent redressés, et les deux territoires, et surtout les prairies, en ont acquis plus de valeur.

Un neveu de cet arpenteur […] a concouru depuis à un travail du même genre, exécuté à Essarois, près Châtillon-sur-Seine. M. de Châtenay-Lanty, député de Bourgogne à l’Assemblée constituante, en avait eu l’idée en 1788. Il commença par faire lever un plan du territoire dans l’état de confusion où il était alors. Les inégalités du plan rendirent très palpables aux yeux des habitants du lieu, et l’inconvénient des petits champs épars, et les grands avantages qui pourraient résulter de leur réunion. Les échanges se firent. M. de Chatenay-Lanty possédait à lui seul quatre cent cinquante-cinq pièces, dont les échanges réciproques réduisirent le nombre à cent quarante-six. Il en fut de même des autres. L’effet du changement a été remarquable, d’autant plus que le sol de la commune d’Essarois est montueux et inégal. Déjà un aspect varié, d’après les différences du sol et du terroir, remplace avec succès l’uniformité de culture qui s’étendait auparavant sur des terrains si opposés. Un plus grand nombre d’ouvriers ont trouvé des ressources dans les travaux qu’ont exigé les améliorations. On a fertilisé des biens qui n’offraient presque que des roches. Des murs ont été élevés, et forment de vastes enclos. Les prairies artificielles et les plantations qui, jadis, n’étaient pas possibles, couvrent aujourd’hui des terrains dont le produit fut longtemps nul. Les usurpations sur les propriétés ont été aussi prévenues. Les procès qu’occasionnait l’incertitude des limites ont cessé d'avoir lieu, et les fermiers sont plus tranquilles : le procès-verbal et le plan garantissent la consistance de toutes les propriétés. Cette opération vous a frappés, Messieurs, par sa simplicité et ses résultats, et, sur ma proposition, vous avez arrêté de décerner une médaille à l’estimable citoyen qui a donné un tel exemple ((FdN s’adresse à la Société d’Agriculture du département de la Seine)). Puisse ce suffrage éclatant lui valoir des imitateurs ! En se livrant à ce travail, M. de Châtenay-Lanty se proposait encore un plus grand avantage, celui de le faire servir à la facilité d’asseoir avec plus de justice la contribution foncière. […]

Si, dans les trois Départements qui forment le ressort de la Cour d’Appel de Dijon, et composent, par conséquent la Sénatorerie, cette opération de Rouvres était exécutée dans toutes les communes qui en sont susceptibles, le revenu total des terres pourrait en être au moins doublé : il en serait de même ailleurs. Plus l’opération deviendrait générale, et plus elle serait utile. Les chemins et les eaux de chaque territoire ont des points de contact, des rapports et des liaisons avec les chemins et les eaux des communes environnantes. Le bassin entier de la Saône, travaillé dans ce sens, sur un plan proportionné à sa grande étendue, acquerrait promptement une valeur incalculable. La plaine a moins besoin de graisse que de fossés, pour faciliter l’écoulement des eaux nuisibles. […] Le mal est ancien, mais de simples cultivateurs et des communes isolées ne peuvent pas remédier aux inondations. Toute mesure partielle augmente souvent les ravages qu’elle veut prévenir. Il faut, je le répète, que le cours entier des rivières soit l’objet d’un plan vaste, qui se lie aux autres détails de la géodésie rurale.

Référence :

François de Neufchâteau N., 1806. Voyages agronomiques dans la sénatorerie de Dijon, contenant l’exposition du moyen employé avec succès, depuis un siècle, pour corriger l’abus de la désunion des Terres, par la manière de tracer les chemins d’exploitation. Paris, XII + 260 p. Texte intégral sur Gallica.


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