Limon : le mot - Annexe 4

De Les Mots de l'agronomie
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Date de mise en ligne
8 novembre 2025
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Cette annexe se rapporte à l'article Limon : le mot.

Le limon, fraction granulométrique aux limites définies


Pendant très longtemps la notion granulométrique de limon demeure inconnue. Rien n’existe entre les sables d’une part et les argiles et glaises d’autre part.

« M. Dounous, de Saverdun, près Pamiers, département de l’Ariège. Sur un terrain limoneux et sableux, quelquefois argileux, consacré aux expériences de la Société centrale d’agriculture du département de l’Ariège, il a remplacé encore la jachère, dans des rotations plus ou moins longues, par l’introduction des plantes fourrageuses, oléagineuses et textiles, alternées avec les céréales et les prairies artificielles » écrit Yvart en 1822. Sur un ouvrage de 250 pages, c’est la seule occurrence du mot « limoneux » alors que celles de « sableux » et d’« argileux » sont nombreuses.

Petit à petit apparaît une nouvelle notion pour désigner ces terres intermédiaires entre sableuses et argileuses et considérées comme plutôt fertiles : les « terres franches » (voir l’annexe 3). Mais les limons, qui constituent la fraction dominante, ne sont pas nommés comme tels mais comme « sables très fins ».


En 1877, le Littré présente une définition absurde du mot limon qui montre bien la confusion :
« 2. Terme de géologie. Roche où dominent à la fois le sable et l’argile. »
Heureusement, cette définition a disparu dans la 9e édition de 1895 !


« Constitution normale de la terre arable. D’après ce qui précède, les terres arables contiennent habituellement trois matières distinctes : sable siliceux plus ou moins fin, argile, calcaire. Un sol formé d’une seule de ces matières se montrerait stérile. Le mélange des trois constitue la terre normale. Une terre ne peut être regardée comme complète que si elle renferme ces trois éléments associés en certaines proportions. Il doit y avoir aussi une quatrième substance, la matière organique ou humus. » (Sabatier, 1890, p. 55). Pour Sabatier, les terres arables contiennent de l’argile, du calcaire et « du sable siliceux plus ou moins fin » (sans oublier de la matière organique). Le mot « limon » n’est présent dans les 269 pages que pour désigner les matières en suspension dans les cours d’eau.
Dans ce même extrait apparait une notion étrange et originale, celle de « terre normale » !


A notre connaissance, c’est Garola en 1894 qui, s’inspirant des travaux de l’américain Milton Withney [1860-1927], a introduit en France la notion de limons au sens granulométrique de ce terme :

« Limon des plateaux. Parmi les sols français les plus réputés pour la production du froment, le limon quaternaire qui recouvre le grand plateau de la Beauce, ce grenier de Paris, est sans contredit un type à considérer avec attention. Nous en indiquons la texture dans le tableau suivant, qui donne les résultats de quelques déterminations faites par nous, sur des sols choisis comme représentant bien la moyenne, en suivant une méthode très voisine de celle du professeur Milton Withney. Nous séparons sous le nom de graviers, tous les éléments du sol retenus par un tamis à dix fils par centimètre. Avec l’appareil à tamis de Wolff, nous séparons le sable qui est réparti en quatre lots caractérisés par la dimension des grains :

DIAMÈTRES DES GRAINS en mm
Maximum
Minimum
Moyen
Sable grossier
1
1/2
0,75
moyen
1/2
1/4
0,375
fin
1/4
1/10
0,175
très fin
1/10
1/20
0,075

Tout ce que ne retiennent pas les tamis de Wolff constitue le limon qui est séparé en trois lots, caractérisés par leur diamètre :

DIAMÈTRES DES GRAINS en mm
Maximum
Minimum
Moyen
Limons Limon
0,050
0,025
0,0375
limon fin
0,025
0,005
0,0150
Argile
0,005
0,0001
0,00255

... » (page 260).


Curieusement, l’argile est incluse dans les limons : une erreur d'impression manifeste (non répétée dans les tableaux des pages suivantes), qui est particulièrement mal venue dans le texte introduisant une catégorie nouvelle !
Garola distingue deux fractions limons avec les limites suivantes : 5 à 25 et 25 à 50 µm et 4 fractions sables avec les limites suivantes : 50 à 100 ; 100 à 250 ; 250 à 500 et 500 à 1000 µm (soit 1 mm).

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Proposant une nouvelle méthode pour l’analyse physique des terres, appliquée conformément aux instructions de l’Institut des Recherches Agronomiques, pour remplacer celle de 1898, Joret & Couderc (1929) différencient :

  • « L’argile (éléments de diamètre inférieur à 2 µ), définie par un temps de sédimentation de 8 heures pour 10 cm. de hauteur de chute.
  • Le limon (éléments de 2 à 20 µ de diamètre), défini par un temps de sédimentation de 7.5 minutes pour 10 10 cm. de hauteur.
  • Le sable fin qui représente les éléments de 20 à 200 µ de diamètre.
  • Le sable grossier qui représente les éléments de 0,2 mm à 2 mm de diamètre et qui est séparé du précédent par un tamis comportant 40 fils au cm ».

Cette nouvelle technique relative à ce que l’on appelle alors une « analyse mécanique » présente l’avantage de « nous mettre en concordance avec la Méthode Internationale, notamment pour les limites des divers fractionnements ».


« L’analyse physique a pour but de déterminer la proportion des constituants du sol : sable, argile, calcaire, matière organique. L’analyse mécanique sert à classer les éléments du sol suivant leur grosseur, les limites fixées par l’échelle internationale étant les suivantes :

< 2 µ
(…) Argile
20 µ à 2 µ
(…) Limon
200 à 20 µ
(…) Sable fin
2 mm à 200 µ
(…) Sable grossier
> 2 mm
(…) cailloux et graviers

Ces deux opérations sont importantes puisque c’est de la proportion et des dimensions des éléments constitutifs que dépendent les propriétés physiques du sol (cohésion, perméabilité à l’air et à l’eau, etc.) dont l’influence sur la fertilité est considérable » (Demolon & Leroux 1952 : 75).


On retrouve les mêmes fractions et les mêmes limites de dimensions chez Plaisance, en 1965. Les limons grossiers ne sont toujours pas distingués des sables fins. Mais ces limites ne sont pas celles de Garola ni exactement celles utilisées aujourd’hui (tableau 1) :

Désignations et fractions granulométriques.
Garola (1894)
Joret & Couderc (1929),
Demolon & Leroux (1952),
Plaisance (1965)
Aujourd’hui
Argile
1 à 5 µ
< 2 µ
< 2 µ
Limon fin
5 à 25 µ
/
2 à 20 µ
Limon
25 à 50 µ
2 à 20 µ
/
Limon grossier
/
/
20 à 50 µ
Sable très fin
0,05 à 0,10 mm
/
/
Sable fin
0,10 à 0,25 mm
0,02 à 0,20 mm
0,05 à 0,20 mm
Sable moyen
0,25 à 0,50 mm
/
/
Sable grossier
0,50 à 1 mm
0,20 à 2 mm
0,20 à 2 mm

En effet, dès 1963, Bonneau présente les subdivisions employées de nos jours mais il exprime les limites sous la forme de fractions difficiles à appréhender :
« On groupe généralement les particules en trois fractions :

  • les argiles, qui ont moins de 2 millièmes de mm (2 μ) (…)
  • les limons compris entre 2 millièmes et 5 centièmes de mm (2 μ à 50 μ), qui sont souvent responsables du colmatage et de la « battance » des sols. Ils sont subdivisés en :
    • limons fins : 2/1000 à 2/100 mm
    • limons grossiers : 2/100 à 5/100 mm.
  • les sables: 5/100 à 2 mm… ».


Depuis lors, la notion de limon au sens granulométrique est comprise et admise par tous les agronomes et pédologues, avec des limites de dimensions qui font désormais l’unanimité (Baize, 1988 ; norme AFNOR X31 107 – septembre 2003). Mais, à ce jour en 2025, une certaine confusion continue de régner, notamment chez Wikipédia.


Wikipédia – Limon (Géologie) (consulté le 13 août 2025) : « Le limon est une roche meuble qui constitue la classe granulométrique regroupant les particules de calibres compris entre 2 et 60 µm (sédimentologie) ».

Wikipédia – Limon (roche) (consulté le 13 août 2025) : « Le limon peut se présenter sous forme de sol (souvent mélangé avec du sable ou de l’argile) ou sous forme de sédiment mélangé en suspension avec de l’eau (également appelée charge en suspension) dans une étendue d’eau telle qu’une rivière ».


Références citées

  • Baize D., 1988. Guide des analyses courantes en pédologie. INRA Éditions. 172 p.
  • Bonneau M., 1963. L’importance des propriétés physiques du sol dans la production forestière. Revue forestière française, 1 : 19-31. Texte intégral sur HAL.
  • Demolon A., Leroux D., 1952. Guide pour l’étude expérimentale du sol. Gauthier-Villars, Paris.,251 p.
  • Garola C.V., 1894. Les céréales. Firmin-Didot, Paris, 815 p. [1] Texte intégral] sur Gallica.
  • Joret G., Couderc L., 1929. L’analyse physique des terres. C. R. Acad. Agric. Fr., t. 15 : 522-526. Texte intégral sur Gallica.
  • Littré É, 1877. Dictionnaire de la langue française, t. 3.
  • Plaisance G., 1965. Les sols à marbrures de la forêt de chaux (Jura). Ann. Sci. forest., 22 : 437-679.
  • Sabatier P., 1890. Leçons élémentaires de chimie agricole. Paris, Toulouse. 269 p. Texte intégral sur Gallica.
  • Yvart V.J.A., 1822. Considérations générales et particulières sur la jachère et sur les meilleurs moyens d’arriver graduellement à sa suppression avec de grands avantages. Paris, 250 p. Texte intégral sur Gallica.
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