Herbicides agricoles : modes d'action et devenir - Annexe 2
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Sur les limites réglementaires des herbicides dans les eaux
La législation européenne fixe pour tout produit minéral ou organique de synthèse trouvé dans l’eau des seuils modulés en fonction de la toxicité de chacun, sauf pour les pesticides auxquels elle attribue le même risque de toxicité quelle que soit la molécule. Elle a retenu une limite unique de 0.1ppb (soit 0.1 μg/L) pour tout produit phytosanitaire (et 0.5 pour l’ensemble quel que soit le nombre trouvé).
Ailleurs dans le monde, on se fonde plutôt sur les recommandations de l’OMS qui définit les seuils de toutes les molécules en fonction de la toxicité de chacune, quelle qu’elle soit. Ainsi pour l’OMS, les seuils pour les herbicides homologués en France se distribuent entre 10 et 100 μg/L (sauf deux extrêmes, 2 pour le MCPA et 900 pour le glyphosate). Pour sa part, la législation européenne conduit à des situations paradoxales. A titre d’exemple, aussi bien pour l’Europe que pour l’OMS le seuil de l’arsenic dans l’eau est fixé à 10 μg/L, alors que l’ioxynil, comme tous les autres herbicides, ne doit pas dépasser 0.1 μg/L d’eau,. Or en termes de toxicité aigue, la DL50 de l’ioxynil, le plus toxique des herbicides autorisés en France jusqu’en 2014, est de 110 mg/kg pour le rat, alors que celle de l’arsenic est de 1mg/kg (qui est donc plus de 100 fois plus toxique).
En 1988 les politiques européens voulaient des eaux « exemptes de pesticides ». Or, à l’époque, la limite de quantification de ces molécules (c'est-à-dire « la plus faible concentration d’un produit à analyser dans un échantillon qui puisse être quantifiée avec une précision et une exactitude acceptables dans des conditions expérimentales indiquées ») se situait environ à 0.1 ppb dans l’eau. C’est donc cette valeur qui a été retenue comme le seuil légal (Directive n° 98/83/CE du 03/11/98). Ainsi le nombre d’analyses qui dépassaient le seuil légal étaient celles où un produit était quantifié. Désormais, avec l’évolution des techniques, les valeurs de quantification sont 100, voire 1000 fois inférieures (et peut-être plus dans l’avenir). Cependant les résultats des analyses des eaux présentés dans les rapports sont toujours des quantifications qui désormais divergent fortement de la limite légale qui, elle, n’a pas changé. On reconduit plus ou moins sciemment la confusion de départ en négligeant de faire référence au seuil légal. On est amené à décompter et stigmatiser les eaux où un produit a été quantifié comme si elles étaient dangereuses et dans l’illégalité.
De plus les nombres de valeurs de quantification ne peuvent pas être comparés d’une manière absolue. Par définition, d’un produit à l’autre la valeur de quantification minimale est forcément différente. Selon le type d’analyses conduites qui n’ont pas le même degré de précision, même pour un produit, elle peut être variable. Parfois cette valeur pour un même produit peut différer entre deux prélèvements au même point d’analyse selon les laboratoires qui ont conduit les analyses.
D’autre part, les valeurs publiées sont toujours exprimées en pourcentage de quantification, c’est à dire le nombre d’analyses où un produit a été quantifié par rapport au nombre total d’analyses, mais sans préciser le nombre d’analyses qui pourraient dépasser le seuil légal. Ce pourcentage de quantification n’a qu’un sens limité puisqu’il repose sur des valeurs fluctuantes avec des significations variables d’une campagne à l’autre et entre les produits. En revanche, la valeur du seuil, seule limite légale commune à tous les produits, compte tenu de la précision des analyses, n’est pas susceptible d’incertitudes liées aux techniques d’analyse.
En réalité, ce dont on a besoin, c’est de savoir combien d’analyses et quels produits sont proches du seuil ou le dépassent, et de combien. Ceci est rarement mis en avant, c’est seulement dans de longs dossiers détaillés d’annexes publiés souvent séparément que l’on peut trouver ces données. Par exemple, les rapports des analyses des eaux de surface circulantes (eaux les plus « polluées ») de 2007-09 mettent en avant qu’au moins un pesticide (sur 516) a été quantifié dans 92% des points de mesure. Mais, en réalité, 80% de ces quantifications sont inférieures à 0.5 ppb tous produits confondus et seulement 0.9% sont dites supérieures à 5 ppb (limite de potabilité), sans qu’on puisse savoir si certains dépasseraient les limites de l’OMS (développement-durable.gouv.fr, 2010).
D’autre part, parmi les molécules recherchées dans les eaux, les herbicides sont les plus fréquents car ils sont appliqués soit sur sol nu, soit sur des plantes jeunes, ce qui favorise des pertes du produit dans le sol. Dans la publication ultérieure en annexe des analyses 2007-09 (développement-durable.gouv.fr, 2011), les données sont difficilement comparables, chaque tableau compile des moyennes calculées différemment sur des périodes différentes et des points différents. Mais dans l’un d’eux, les données portent sur des moyennes d’au moins quatre analyses par an en un lieu donné pour les 11 herbicides les plus fréquemment trouvés dans les eaux de surface circulantes. Ainsi six de ces produits ne dépassent la norme que dans moins de 1% des points en 2007 et/ou 2008 et leurs valeurs décroissent chaque année pour être toutes inférieures à la norme en 2009, sauf pour l’isoproturon qui la dépasse encore dans 1.66% des points en 2009. Cinq ne la dépassent jamais. Dans un autre tableau, compilant d’autres points d’analyse, à partir des moyennes sur trois ans d’une analyse annuelle des produits les plus fréquemment quantifiés (9 herbicides et 2 métabolites), 9 produits dépassent la norme dans moins de 0.7% des analyses (un ou deux points sur le total), sauf l’AMPA, métabolite du glyphosate mais aussi de détergents domestiques et industriels dans 2% et la bentazone dans 1.4% (développement-durable.gouv.fr, 2011).
Publications du Ministère français du Développement durable :
- Impacts à long terme du changement climatique sur le littoral métropolitain. N° 55, octobre 2011.
- Les pesticides dans les milieux aquatiques - Données 2007. N°26, juillet 2010.