Gelées de printemps : éclairages historiques - Annexe 1

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Date de mise en ligne
19 juin 2021
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Cette annexe se rapporte à l'article Gelées de printemps : éclairages historiques.

Explications des gelées de printemps au milieu du XVIIIe siècle

Ratte, 1757, Encyclopédie, t. 7 (extraits de trois articles)

Gelée

La gelée dépendant principalement de la froideur de l'air, il est évident que, toutes choses d'ailleurs égales, la gelée sera d'autant plus forte, que le froid sera plus vif.

Dans notre hémisphère boréal, le froid se fait sentir d'ordinaire par les vents de nord; communément aussi ces mêmes vents nous donnent les gelées. On imagine aisément que les vents de sud doivent produire un semblable effet dans l'hémisphère opposé.

Le vent de nord est sec, & nous lui devons le plus souvent le beau temps ; c'est la raison pour laquelle, généralement parlant, il gèle plus souvent quand l'air est sec & assez serein, que dans des temps humides & couverts. Les gelées qui arrivent dans des temps sereins, sont connues sous le nom de belles gelées.

Lorsqu'il gèle très fortement, le soleil paraît un peu pâle, & la sérénité de l'air n'est pas si grande que dans certains jours d'hiver, où l'on n'a que des gelées médiocres. C'est que d'une part l'évaporation des liquides est considérable dans les grandes gelées, & que de l'autre les vapeurs qui s'élèvent alors, ne peuvent arriver dans l'atmosphère à une médiocre hauteur, sans y rencontrer un froid qui les force de se réunir, sinon en nuages épais, du moins en petites masses assez sensibles, pour diminuer la transparence de l'air qui ne transmet dans ces circonstances que des rayons faibles & languissants. Ceci fait comprendre pourquoi les belles gelées sont moins fréquentes dans le voisinage des lacs & des grandes rivières, le froid & la glace y étant assez souvent accompagnés de brouillards.

Les grands vents, tant par l'agitation qu'ils communiquent aux liquides exposés à leur action, que parce qu'ils diminuent toujours un peu l'intensité du froid, sont un obstacle à la formation de la glace. Ainsi, quoique le vent de nord nous amène d'ordinaire la gelée, ce n'est point à beaucoup près lorsqu'il souffle avec le plus de violence, qu'il gèle le plus fortement. L'air dans les fortes gelées est tranquille ou médiocrement agité. Nous ferons voir en parlant de la glace, qu'un petit vent sec accélère toujours la congélation.

Le vent de nord & la sérénité de l'air étant souvent réunis avec le froid & la gelée, l'air dans ces circonstances est plus dense, plus pesant; il soutient le mercure dans le baromètre à d'assez grandes hauteurs: on peut même regarder le dégel comme très prochain, quand on voit le mercure baisser considérablement & promptement après quelques jours de gelée; cet abaissement étant causé par le vent de sud, qui en hiver nous donne communément le temps doux.

Nous avons dit que l'évaporation des liquides était considérable pendant les gelées; elle l'est même d'autant plus, qu'il gèle plus fortement. Voyez sur ce sujet les articles Evaporation & Glace.

Gelée blanche

Gelée blanche, (Physique) c'est le nom que l'on donne à une multitude de petits glaçons fort menus qu'on aperçoit le matin vers la fin de l'automne, en certains jours d'hiver, quelquefois même dans le printemps, sur le gazon, sur les toits des bâtiments, &c. où ils forment une couche, dont la blancheur égale presque celle de la neige. La gelée blanche, lorsqu'elle paraît, tient la place de l'humidité, dont la rosée mouille en d'autres temps la plupart des corps terrestres. Il faut plus de froid pour la production de la gelée blanche, que pour humecter la terre de rosée. A cela près, la disposition de l'atmosphère est absolument la même dans l'un & l'autre cas. La gelée blanche n'est donc qu'une rosée congelée. Voyez Rosée.

Toutes les espèces de rosée peuvent se réduire à deux, dont l'une tombe de l'air, & l'autre s'élève de la terre. Chacune de ces deux espèces peut être changée en gelée blanche.

Les particules d'eau qui composent l'une & l'autre rosée, sont invisibles dans l'atmosphère ; ou, si elles s'y rendent sensibles, c'est seulement sous la forme d'un brouillard peu épais : en un mot elles sont dans l'air en forme de vapeurs. Elles ne se réunissent en gouttes sensibles que sur la surface des corps, qui attirent avec une certaine force l'humidité de l'air. Or l'eau réduite en vapeurs, soit visibles, soit invisibles, ne se gèle point tant qu'elle est dans cet état. C'est une vérité constante par toutes les observations, & qui doit passer pour un principe d'expérience. L'eau, quand elle se convertit en neige ou en grêle, n'est plus en état de vapeurs. Voyez Neige & Grêle. Il suit évidemment de là que la rosée ne se gèle point dans l'air, mais sur la surface de la terre, & de la plupart des corps terrestres, lorsqu'elle y rencontre un froid suffisant pour la glacer.

Une autre preuve que la rosée ne se gèle point dans l'air, c'est que la gelée blanche adhère sensiblement à la surface des corps sur lesquels on l'aperçoit le matin. Or la glace n'adhère d'une manière sensible aux autres corps solides, que quand l'eau dont elle est formée s'est glacée sur ces corps mêmes, qu'elle mouillait auparavant. La neige & la grêle n'adhèrent point aux corps sur lesquels elles tombent, lorsque ces corps sont bien secs, & qu'elles ne s'y fondent point pour geler de nouveau. De Chales, cursus mathemat. tome IV. de meteoris.

Ce que nous venons de dire, que la rosée se convertit en gelée blanche sur la surface des corps terrestres, & non dans l'air, est reconnu de tous les Physiciens.

On a donc de la gelée blanche toutes les fois que les petites gouttes d'eau, dont la rosée couvre les corps solides par lesquels elle est attirée, trouvent sur la surface de ces corps un froid assez considérable pour ôter à ces gouttelettes leur liquidité, & les changer en autant de petits glaçons. Celles de ces différentes gouttes qui se sont formées les premières, sont aussi les premières à se geler. A celles-ci il en succède d'autres qui se glacent de même, & ainsi de suite. Toutes ces particules d'eau très déliées, & qui, comme nous venons de le dire, se sont glacées séparément, s'unissent en un corps rare & léger. (…)

La gelée blanche participe aux qualités souvent nuisibles de la rosée qui a servi à la former. De plus, par le froid qui l'accompagne, elle nuit à plusieurs plantes, surtout dans le printemps, où les parties de la fructification qui alors commencent à paraître dans la plupart des végétaux, sont fort tendres & fort délicates. Dans la même saison un soleil vif & ardent succède tout-à-coup à la grande froideur du matin ; & ce contraste, toutes proportions gardées, n'est pas moins nuisible que celui que forme en hiver un dégel considérable & prompt après une forte gelée. (…)

=Givre ou Frimat

Givre, ou Frimat, s. m. (Physique.) sorte de gelée blanche, qui en hiver, lorsque l'air est froid & humide tout ensemble, s'attache à différents corps, aux arbres, aux herbes, aux cheveux, &c. Le givre ou frimat ne diffère pas essentiellement de la gelée blanche proprement dite : ces deux congélations se ressemblent parfaitement, se forment de la même manière, & dépendent du même principe. Ce qui, dans l'usage, sert à les distinguer, c'est que le nom de gelée blanche n'est guère donné qu'à la rosée du matin congelée ; au lieu que ce qu'on appelle givre doit son origine non à la rosée du matin, mais à toutes les autres vapeurs aqueuses, quelles qu'elles soient, qui réunies sur la surface de certains corps en molécules sensibles, distinctes & fort déliées, y rencontrent un froid suffisant pour les glacer.

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