Agronome, agronomie : étymologie - Annexe 4

De Les Mots de l'agronomie
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5 avril 2019
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Cette annexe se rapporte à l'article Agronome, agronomie : étymologie.

Extraits de la préface de L’agronome… de Alletz (1760)

(…)

Plusieurs gens de lettres ont considéré qu’une infinité d’hommes, quoique plongés dans les occupations de leur état, désirent néanmoins de satisfaire leur curiosité sur un grand nombre de matières dont on a occasion de parler, et sur lesquelles il leur faudrait parcourir des volumes immenses pour se mettre au fait. Ils ont donc imaginé la voie des dictionnaires (…). Prenons seulement pour exemple l’objet de cet ouvrage, qui est l’administration des biens de campagne : il y a sur cet objet presqu’autant de volumes que l’Agriculture peut embrasser d’objets importants, tels que la culture des terres, les grains, les vignes, le vin, les légumes, les bestiaux, les chevaux, le jardinage, les bois, la chasse, la pêche, etc. (…)

Nous n’avons pas été arrêtés dans noter dessein par la connaissance que nous avions des ouvrages qui ont été faits sur cette matière. De justes raisons nous ont autorisés à surmonter cet obstacle. Il y a plus de quarante ans que ces ouvrages ont paru. Dans cet espace de temps l’Agriculture s’est extrêmement perfectionnée, tant en France que dans les pays étrangers ; et un grand nombre d’ingénieux observateurs de la nature se sont exercés avec succès depuis plusieurs années sur cette partie, uniquement pour le bien des hommes.

C’est ce qui a fait souhaiter à toutes les personnes qui s’intéressent au plus utile de tous les Arts, que l’on donnât au public un dictionnaire, à l’usage uniquement de ceux qui cultivent les biens de la campagne ; mais moins volumineux que les précédents, moins chargés d’articles étrangers aux besoins et à la situation d’un Agriculteur. Ces mêmes personnes désiraient que cet ouvrage fût enrichi des nouvelles découvertes qui ont été faites sur l’Agriculture ; des Méthodes imaginées pour la multiplication des différentes productions de la terre, et des voies les plus sûres pour y parvenir ; en un mot, des meilleures observations qui ont été faites sur ce sujet, et que l’on trouve dans des Mémoires épars çà et là en différents journaux, ou dans des brochures ou pièces fugitives, dont la collection ferait seule la matière de plusieurs volumes ; collection qui demanderait des soins et des peines que les personnes qui demeurent à la campagne n’ont guère le temps de prendre.

On souhaitait donc depuis longtemps un Dictionnaire d’Agronomie, dans lequel l’auteur aurait, pour ainsi dire, fondu les différentes découvertes les plus curieuses qui ont été faites sur cette matière, mais qui serait réduit à de justes bornes, et dont le prix ne rebuterait pas les personnes à qui il est nécessaire. C’est cet ouvrage que l’on donne aujourd’hui au public, et c’est par la précision avec laquelle on a traité chaque matière, qu’on est venu à bout de réduire à deux volumes très-portatifs, non seulement tout le système de l’économie champêtre, mais encore toutes les connaissances dont un homme qui demeure à la campagne peut avoir besoin.

Pour l’exécution de ce plan, nous avons considéré l’Agronome ou l’administrateur d’un bien de campagne, selon tous les rapports de son état, c’est-à-dire, non seulement comme agriculteur ; mais, 1° comme un homme qui passe sa vie à la campagne, et conséquemment éloigné d’une infinité de secours, relativement aux incommodités, aux maladies, aux accidents auxquels lui et tous les sujets de sa petite république sont exposés, et que les habitants d’une ville trouvent dans le moment. (…)

2°. L’Agronome peut être considéré comme citoyen, parce qu’il l’est en effet ; et comme tel, il est sujet aux lois de l’État, aux coutumes du lieu où il demeure. Ainsi, en le considérant, soit comme un homme qui gouverne un bien considérable, soit comme un homme qui a une femme et des enfants, il naît de ces différentes situations mille occasions où il est nécessaire qu’il ait une connaissance générale des affaires, sans quoi il risque de s’attirer quelque procès : il doit donc savoir à quoi s’en tenir dans tous les actes que son état lui donne occasion de passer. Ainsi la connaissance des différentes sortes de baux lui est nécessaire ; il doit savoir ce qui fait la validité d’une vente, d’un achat, et autres sortes de marchés qui y ont rapport : il peut se trouver dans la nécessité d’emprunter, ou il ne peut se dispenser de prêter de l’argent ; le voilà débiteur ou créancier : il ne doit donc pas ignorer les engagements qui naissent de ces différentes qualités. Comme il n’y a point de terre sans seigneur, il doit être au fait de toutes les redevances auxquelles sa terre est assujettie ; il doit donc connaître les droits féodaux, tant ceux qu’il peut devoir, que ceux qui peuvent lui être dus, s’il a des vassaux : en un mot, il doit être au fait de ce qu’on appelle les matières rurales.

Si ensuite nous considérons ce même homme comme étant marié, et ayant des enfants, nous verrons que cette situation le met dans la nécessité d’être au fait d’un certain nombre de choses qui sont attachées à son état. Il y a peut-être communauté entre lui et sa femme : il ne doit donc pas ignorer les clauses de cette sorte d’engagement ; l’effet qu’il a, en cas de mort de l’un des conjoints (…).

3°. L’Agronome peut être regardé comme membre de la société : considéré sous ce rapport, c’est un homme qui a des amis, avec lesquels il se délasse en certains jours de ses occupations champêtres ; qui fait souvent consister la douceur de sa vie à jouir de leur commerce, à profiter de l’honnête aisance dont il jouit pour les recevoir, et leur donner de temps en temps quelque repas où règne la propreté et la délicatesse ; qui est flatté du plaisir d’avoir chez lui quelque boisson agréable, et peu commune à la campagne, pour terminer agréablement les repas. (…).

Mais on sait qu’un homme qui cultive par lui-même son bien, est obligé d’être Économe, et, de tenir un compte exact de toute sa dépense ; et que conséquemment, quoiqu’il ne soit pas ennemi de la bonne chère, il regretterait, avec raison, la dépense d’un cuisinier à la mode (…).

Mais le rapport le plus essentiel sous lequel nous avons considéré l'Agronome, c'est celui de sa profession même d'Agriculteur, c'est-à-dire, d'un Homme qui fait valoir par lui, ou sous ses yeux par des Fermiers, sa Terre ou son Domaine : c'est ce rapport que nous avons eu principalement en vue dans cet ouvrage. Il en est l'objet principal ; nous ne regardons les autres que comme des accessoires et des dépendances dont l'utilité a son prix, et qui peuvent contribuer aux douceurs de la vie.

En considérant l'Homme des champs comme Agriculteur, on se forme aussitôt l'idée d'un Homme qui doit avoir une connaissance générale de toutes les productions que les champs offrent à nos yeux, ce qui nous a engagé à donner une explication plus ou moins étendue de chacune de ces diverses productions : mais nous nous sommes attachés plus particulièrement à ce qui regarde sa qualité d'Agriculteur, c'est-à-dire, d'un Homme qui passe sa vie à la campagne et qui fait valoir son Domaine. (…)

Le même Agriculteur étant en même temps un véritable administrateur, doit pour ainsi dire, se revêtir de toutes les qualités qui forment le bon économe : il doit savoir tenir la balance entre les frais de ses cultures et les revenus de ses produits : savoir son compte, comme on dit, tenir des états de recette et de dépense, et pour cela avoir une teinture raisonnable des premières règles d'arithmétique, et une idée des diverses mesures et poids. Il doit savoir quelle est la plus sûre manière et les temps convenables pour vendre ses produits et améliorer son bien ; c'est sur quoi nous avons cru devoir donner quelques notions, quoiqu'en raccourci ; mais le but essentiel de l'Agriculteur est d'entendre la culture des terres.

Cet objet embrasse principalement tout ce qui concerne le labourage : ainsi nous avons cru devoir le traiter avec quelque étendue, surtout la partie du bled[1]  : nous en avons parlé relativement à tous les besoins de l'Agriculteur, c'est-à-dire, que nous l'avons considéré ou comme semence, ou comme destiné à faire le pain, ou réduit en farine, ou converti en pain même, ce qui nous a donné lieu de faire part au lecteur des observations importantes qui ont été faites par de bons connaisseurs sur la manière de faire le pain : nous n'avons pas craint de trop insister sur le premier et le plus nécessaire des aliments.

La conservation de ce même bled a été encore pour nous, le grand objet de notre attention, de même que les instructions qui concernent la police des grains, et qui ne doivent pas être ignorées de l'Agriculteur. Nous avons donc rapporté, avec le plus de clarté et de précision qu'il nous a été possible, les règles qui se pratiquent ordinairement dans la plus grande partie du Royaume pour la culture des Terres, et d'après les instructions que les meilleurs auteurs sur ces matières avaient données jusqu'ici. Nous nous sommes attachés particulièrement aux grands objets de l'agriculture, tels que l'amélioration des terres, les engrais, les semences, les meilleures manières de donner de bons labours, les qualités de la bonne semence, les maladies des bleds, et les moyens d'y remédier, la moisson et la conservation des grains, etc.

Mais comme d'habiles Cultivateurs qui joignent à cette qualité celle de bons Physiciens, ont fait depuis quelques années des expériences qui prouvent qu'il peut y avoir une différente manière de cultiver les terres, nous aurions cru commettre une espèce d'injustice envers le lecteur, de ne pas lui donner en raccourci une idée de ce nouveau Système. Nous en avons assez dit pour faire comprendre que c'est de celui de M. du Hamel dont nous entendons parler.

Ce système est fort célèbre et a été suivi des plus brillants succès. M. du Hamel l'a développé avec beaucoup de solidité et de clarté, dans son Ouvrage en six volumes de la Culture des Terres.

Cette nouvelle Méthode consiste à diviser un champ par planches larges de six pieds, sur chacune desquelles on sème deux ou trois rangées de grains de bled espacés l'un de l'autre de six à sept pouces ; en sorte qu'entre les semis de deux planches, il se trouve un vide de quatre pieds ou un peu plus, qui donne la liberté de labourer ; car selon cette Méthode on laboure plus longtemps, que selon l'usage ordinaire.

Ces labours en ouvrant la terre, et la rendant plus propre à recevoir les influences de l'air, des rosées et des pluies, favorisent extrêmement la végétation des plantes : cette façon de cultiver la terre demande d'autres instruments que ceux dont on s'est toujours servi. On les trouve décrits exactement et parfaitement bien gravés dans chaque volume de son ouvrage : comme il n'est guère possible de séparer l'explication de cette nouvelle Méthode, des nouveaux instruments, nous avons cru devoir donner une légère idée de ces derniers, aux articles Charrues et Semoir.

Plusieurs particuliers, et en diverses Provinces, ont déjà mis en usage cette nouvelle méthode, en semant leurs champs en plein avec le semoir, et ils entrevoient eux-mêmes que bientôt ils oseront les établir en planches : ils ont publié les avantages de cette culture dans les Relations qu'ils ont adressées à M. du Hamel, et que ce dernier a insérées dans son ouvrage. Il est constant que cette Méthode, embrassée par des personnes riches, qui font avec plaisir toutes les dépenses nécessaires, soit pour les cultures des terres, soit pour la fabrique des instruments, offre un spectacle nouveau, d'autant plus intéressant, que l'abondance des moissons est en grande partie fondée sur l'épargne de la semence. (…)

Après avoir traité avec soin toutes les matières qui ont rapport au bled, on a traité celles qui sont quelquefois l'aliment le plus ordinaire de tous ceux qui habitent la campagne et qui mènent une vie simple. Le lecteur verra avec plaisir le profit considérable qu'on peut tirer de la culture des haricots, d'après la nouvelle méthode qui en a été donnée en divers Mémoires répandus dans le Journal Œconomique : il verra pareillement de quelle importance sont les prairies dans un Domaine.

Le Vin (…). Nous nous sommes donc attachés à rapporter les meilleures manières de cultiver les vignes et de faire le vin, imaginées par les hommes les plus entendus dans cette matière, et qui en ont donné des Traités particuliers, lesquels ont paru depuis peu dans le public.

Nous n'avons rien omis d'essentiel de ce qui regarde les Bestiaux, qui sont le plus grand soutien de l'agriculture, et dont dépend l'amélioration des terres, indépendamment du produit considérable qu'ils rapportent à l'Économe, soit pour la consommation de sa maison, soit pour le commerce qu'il en peut faire : ainsi, nous avons traité de la manière de les élever, de leur nourriture, de leurs maladies. On est entré dans le même détail pour la Volaille, tant pour ce qui regarde celle de la basse-cour, comme les Poules, Poulets, Dindons, Canards, que les Pigeons, les Perdrix, les Faisans, les Lapins, etc.

Nous dirons la même chose des Chevaux qui sont d'un si grand service à l'Homme pour ses voyages, et en même temps si nécessaires aux besoins de l'agriculture pour faire sans cesse quantité de charrois, ou même pour faire des labours en certains terrains. (…).

Nous avons traité avec soin la partie du Jardinage, ce qui comprend les différentes sortes de Jardins ; leur distribution, tout ce qui contribue à leur ornement, comme les Palissades, les Espaliers, les bassins, les jets d'eau, les réservoirs, la culture des arbres fruitiers, celle des fleurs les plus recherchées, enfin, celle du jardin potager. Nous avons donné de plus l'explication et les propriétés des plantes les plus connues, tant de celles destinées pour la cuisine, que de celles dont on fait usage en médecine.

Nous avons cru devoir étendre nos recherches sur une infinité d'autres matières, qui ne sont à la vérité que des suites de la situation de l'Agronome : telle est la partie des Bois, de la Pêche et de la Chasse : telles sont encore certaines occupations champêtres, qui sont l'objet de sa curiosité ou de son délassement, par les merveilles qu'elles offrent aux yeux, et qui par leur côté utile, peuvent dédommager des soins qu'elles entraînent. Le Lecteur comprend que c'est des Abeilles ou Mouches à miel, et des Vers à soie, que nous entendons parler.

Nous dirons à cette occasion, et avec ingénuité, que sur un grand nombre d'articles, nous n'avons fait qu'analyser les ouvrages des plus célèbres observateurs de la Nature, qui ont étudié, approfondi, et ce semble, épuisé la matière que nous traitons ; et qui, dans la vue de contribuer à la félicité de l'État, ont répandu dans le public, les connaissances qu'ils ont acquises par leurs observations sur l'agriculture, qui y ont joint les expériences, et ont fait des découvertes, non-seulement sur la culture des terres, mais encore sur le bled ; la manière d'en opérer la multiplication et de les conserver ; sur les prairies, tant artificielles que naturelles ; les fourrages ; la culture de la vigne, celles des légumes, etc.

Mais en même temps, qu'il nous soit permis de dire, qu'en cela même, nous croyons faire un riche présent à tous les amateurs de l'agriculture, en leur faisant part des instructions et des découvertes des plus habiles Cultivateurs ; et que les ayant rassemblées sous un même point de vue, c'est-à-dire, dans un seul ouvrage réduit à deux volumes, on leur épargne la peine de faire des recherches qui demandent du temps et de la patience ; qu'en un mot, on leur épargne la lecture de plus de cent volumes.

On trouvera donc dans cet ouvrage, soit par extrait, soit quelquefois même en entier, quantité de morceaux sur les objets les plus importants de l'agriculture, tirés des meilleurs Mémoires qui ont paru, ou dans les Journaux, ou dans des Traités particuliers.

Qu'il n'y ait aucune gloire à recueillir d'un pareil travail, nous y consentons de grand cœur : nous ne sommes touchés que du désir d'être utiles à ceux qui cultivent les biens de la campagne : après tout, il importe seulement au public que le choix que nous avons fait de ces divers morceaux, ait été fait avec lumière et avec une sage économie.

(…) Par la distribution qu'on a faite avec économie de toutes ces matières, on est parvenu à faire entrer en deux volumes, une infinité d'articles curieux et utiles à tous ceux qui passent leur vie à la campagne ; c'est ce que le titre de cet ouvrage annonce sans que nous le répétions ici : en sorte qu'il est vrai de dire que cet ouvrage peut être regardé comme la Bibliothèque universelle d'un Homme de campagne. On se flatte qu'il y trouvera tous les éclaircissements qu'il désire, et presqu'en tous les cas où il peut se trouver dans le genre de vie où la Providence l'a fixé.

  1. NdlR : Le mot bled étant pris ici dans son acception large, couvrant l’ensemble de ce qu’on appelle aujourd’hui céréales.


Référence :
Alletz P.A., 1760. L’agronome, ou dictionnaire portatif du cultivateur contenant toutes les connaissances nécessaires pour gouverner les Biens de la Campagne, & les faire valoir utilement ; pour soutenir ses droits, conserver sa santé, & rendre gracieuse la vie champêtre. Veuve Didot et Veuve Damonneville, Savoye, Durand, Paris, t. 1, 666 p. ; t. 2, 664 p. Texte intégral sur le site des universités de Lille. Réimpression 1761, Liège et Francfort, en Foire.


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