Céréale - Annexe 2
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La digestion des semences céréales opposée à celle des légumineuses (Lorry, 1754).
L’autre espèce des semences destinées à la nourriture des animaux, est toute différente de celle-ci ((les « semences émulsives », huileuses)) ; l’eau agit sur elles non seulement quand on les mêle avec un grand volume de liquide, mais même elle s’y insinue avec tant de facilité, que ces semences en imbibent une grande quantité ; cependant il faut encore en distinguer deux espèces différentes, & l’expérience la plus grossière l’a fait depuis longtemps. La première espèce contient toutes les semences qu’on emploie pour faire du pain, & en latin ((latin du XVIIIe siècle ?)) on les connaît communément sous le nom de cerealia. Les autres sont des semences renfermées dans des gousses, & dans des siliques. On nomme ces semences légumes, legumina.
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Ces semences légumineuses prennent en effet le caractère d'intumescence, beaucoup moins que les semences céréales, soit dans l'ébullition, soit dans la fermentation ; à la vérité elles laissent aller une quantité considérable d’air dans la digestion, mais cela ne prouve autre chose sinon, que l’union de leurs parties n’est pas fort intime, & que l’air se dégage fort aisément ; ce qui ne se fait pas de même dans les farineux céréaux, qui en contiennent pour le moins autant. Comparez les expériences de Boyle entre elles, vous verrez qu’il s’en faut de beaucoup, que la fermentation des légumineux en fournisse une quantité aussi considérable que celle des substances céréales. C’est d’après ces qualités connues, que nous devons déduire leurs propriétés nutritives.
En général, les substances légumineuses se dissolvent d’autant plus aisément, qu’elles sont plus fraîches ; elles se digèrent par conséquent d’autant mieux, que leur mucilage est plus savonneux. Les parties salines qui y dominent davantage servent d’aiguillon à leur digestion ; cependant elles n’ont pas une grande atténuation dans leurs parties ; elles pèsent toujours sur l’estomac, & gonflent ce viscère en laissant aller leur air surabondant, ventrem implent, nous dit Galien, cocluque difficilissima sunt, à la vérité il ajoute, cum cruda comedunt ; mais comme il est rare qu’on puisse faire usage de ces légumes crus, il faut aussi remarquer qu’il fait observer que la coction ne leur ôte pas tout-à-fait cette difficulté, existunt moderatiora. Au surplus, on peut dire généralement que les légumes nourrissent beaucoup, quoique moins que les froments. Galien remarque de quelques-uns d'eux, qu'ils tiennent le milieu entre les froments & les autres aliments : aussi si les substances céréales ont peu de vertus médicamenteuses par elles-mêmes, il est peu de légumes qui n’en aient beaucoup davantage ; les parties de leur mucilage sont épaisses, peu atténuées ; elles ne doivent donc pas produire un chyle dense, mais crassarum partium ; grossièreté qu’il faut distinguer avec soin de la densité naturelle des parties. Au surplus les légumes sont d'autant plus, ou d'autant moins nutritifs, qu'ils s'approchent ou qu'ils s'éloignent plus des propriétés des semences céréales. On pourrait faire de ces légumes & du pain & des liqueurs enivrantes, puisqu’on peut en retirer de tous les végétaux.
Le caractère des semences céréales dont nous nous servons ordinairement pour faire le pain, qui constitue notre aliment le plus ordinaire, est celui qui convient au mucilage le plus parfait, le plus atténué, le plus condensé ; c’est ici qu’est alimentum & re & nomine, alimentum maximum in minima mole. Ces substances sont en effet un pur mucilage, non seulement en tant qu’elles sont exactement solubles & altérables dans l’eau, mais en tant qu’elles ont des parties si exactement combinées, qu’elles approchent toutes plus ou moins de la juste exactitude des principes, & qu’aucune ne prédomine sur l’autre. Ce sont ces espèces de nourritures qui méritent bien véritablement le titre de dulce faculte, aussi sont-elles extrêmement multipliées dans la nature : dans l’eau elles acquièrent la plus grande intumescence dont soient capables aucunes semences végétales.
Référence
Lorry M.D., 1754. Essai sur les alimens, pour servir de Commentaire aux Livres Diététiques d’Hippocrate, pp. 317-322). Texte intégral sur Gallica.