Vocation d'un sol ou terrain - Annexe 2

De Les Mots de l'agronomie
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Cette annexe se rapporte à l'article Vocation d’un sol ou terrain.

Trois éléments déterminent le système applicable dans un lieu : l'état du sol, les débouchés existants pour les produits des cultures, le capital.

(extraits de Gasparin, 1849, Cours d'agriculture, t. 5: 469-475)


« SIXIÈME PARTIE : DE L’ORGANISATION DE L’ENTREPRISE AGRICOLE
DEUXIÈME DIVISION. DÉTERMINATION DU SYSTÈME AGRICOLE A ADOPTER.

(...) il est temps de jeter les premières bases de l'organisation qui nous est confiée, en choisissant le système agricole le plus adapté à toutes les circonstances que nous avons dû apprécier. Pour y parvenir, nous devons d'abord chercher d'une manière absolue les systèmes possibles dans l’état actuel de fertilité du sol et dans celui du climat, en les comparant au système suivi jusqu'ici, et faire le calcul détaillé de leurs produits. Cette comparaison rapprochée ensuite du capital à dépenser et de celui dont nous disposons, nous arriverons naturellement à la solution du problème que nous avons à résoudre.

CHAPITRE PREMIER. Détermination absolue du système.

Trois éléments concourent principalement à déterminer le système applicable dans un lieu : 1° l'état du sol ; 2° les débouchés existants pour les produits des cultures ; 3° le capital.

Le sol peut être dans un état qui le rende plus ou moins propre à la culture. Il est apte à la culture, quand il a une profondeur suffisante, quand il n'oppose pas une trop grande résistance aux instruments, ou qu'il n'est pas trop mobile ; quand il ne se dessèche pas avant la maturité des plantes qu'on lui confie à la profondeur où elles ont leurs racines ; qu'il n'est pas constamment humide ou inondé. Les qualités contraires : le peu de profondeur du sol, un sous-sol imperméable, l'inconsistance et la mobilité des terrains trop sablonneux, la dureté des terrains trop argileux, la dessiccation rapide du terrain précédant la maturité, son état habituel d'humidité constituent un mauvais terrain. Le sol peut être bon ou mauvais à des degrés différents; mais nous ne l'appelons décidément mauvais que si ses défauts ne peuvent être vaincus que par des moyens dont les frais surpasseraient la valeur qu'ils lui feraient acquérir.

Les débouchés n'existent pas quand le lieu du marché où l'on pourrait vendre les denrées est si éloigné que les frais de transport absorbent les profits de la culture. (...)

Le capital peut être suffisant, ou insuffisant, ou nul. L'insuffisance du capital n'est jamais une qualité absolue, mais s'applique à tel ou tel système de culture ; mais tant qu'il y a un capital, il est apte à produire un intérêt. Ainsi nous n'avons à considérer ici que l'absence ou la présence du capital.

Un mauvais sol, des débouchés difficiles sont susceptibles d'être modifiés par l'industrie humaine, et ne laissent pas sans espoir de pouvoir tirer quelque parti de la terre ; mais l'absence du capital est un obstacle radical contre lequel on ne peut lutter ; c'est donc le capital qui est l'élément le plus indispensable dans l'entreprise agricole. En combinant ensemble ces trois éléments, nous avons les alternatives suivantes :

  1. Capital nul, sol mauvais, débouché nul.
  2. Capital nul, sol mauvais, bon débouché.
  3. Capital nul, sol bon, débouché nul.
  4. Capital nul, sol bon, bon débouché.
  5. Capital suffisant, sol mauvais, débouché nul.
  6. Capital suffisant, sol mauvais, bon débouché.
  7. Capital suffisant, sol bon, débouché nul.
  8. Capital suffisant, sol bon, bon débouché.

Les quatre premières combinaisons doivent être écartées. Si l'on ne possède pas de capital, il faut chercher à remettre les terres, si l'on peut, aux mains de ceux qui peuvent en disposer, des fermiers, des métayers qui nous remplacent alors dans l'exploitation de notre propriété. Ceux-ci étant pourvus des capitaux nécessaires, ces combinaisons rentrent alors dans les quatre dernières. Examinons donc les systèmes qui leur sont applicables.

SECTION I. — Capital suffisant, sol mauvais, débouché difficile.

Quand le sol est de mauvaise qualité et que ses produits ordinaires ne pourraient trouver un débouché, la prudence semble exiger que l'on ne commette pas son capital dans une exploitation agricole. Mais avant de désespérer tout-à-fait, il faut examiner à quel prix il serait possible de modifier cet état de choses.

Si le défaut du terrain consiste dans le manque de profondeur, ne peut-il pas se faire que des labours profonds ou des défoncements lui donnent cet ameublissement qui lui manque ? S'il est trop tenace, ne pourrait-on pas l’adoucir par des mélanges, et en cas contraire le convertir en prairies permanentes qui finissent par former une couche de terreau meuble à la surface du terrain compacte ? Ne peut-on y planter des natures de bois, des chênes par exemple, qui bravent cette ténacité ? S'il est trop humide ou inondé, ne peut-on le dessécher par des tranchées ou des conduites souterraines, par le drainage ? Enfin, s'il est trop pauvre, à quel prix pourrait-on commencer à y établir des cultures améliorantes, ou l'enrichir avec des engrais importés ou des engrais verts? Les calculs que l'on exécutera pour sonder ces différentes hypothèses nous feront juger de la possibilité de corriger ces défauts du terrain.

Mais aussi, il ne faut pas perdre de vue que les produits ordinaires manquent de débouchés, et que pour tirer parti de la situation il faut trouver le moyen d'atteindre le consommateur. On y parvient quelquefois par la création d'une route, d'un pont, de l’établissement d'une navigation. Mais ces grandes entreprises ne sont pas ordinairement à la portée des propriétaires, et alors il faut s'attacher à créer des produits qui, sous un petit volume, aient une grande valeur ; telle est la soie, si l’on est entouré d'une population suffisante pour vaquer à l'éducation des vers à-soie et aux travaux d'éducation qui en sont la suite ; telle est la plantation d'oliviers dont l'huile a au moins la valeur de 1,095 fr. le millier de kilos ; la plantation des vignes donnant de l'esprit de vin dont la valeur moyenne est de 688 fr. le millier ; tels sont les fromages de garde, le gruyère par exemple, qui valent 700 f. ; c'est enfin l'élève de chevaux, de bestiaux, l'engraissement. (...), comme on le voit, la nécessité d'accroître le prix des marchandises destinées à être conduites au loin oblige presque toujours de joindre des ateliers industriels à la culture. (...)

SECTION II. — Capital suffisant, sol mauvais, bon débouché.

Si, le capital étant suffisant, on possède de bons débouchés, on a à vaincre une grande difficulté de moins, quoique le sol soit d'une mauvaise nature, parce que si l'on trouve les moyens de surmonter les obstacles que présente le terrain, on est le maître d'y entreprendre tous les genres de culture, sans être obligé d'y joindre des procédés industriels qui compliquent singulièrement l'exploitation. Or, il est plus facile de dompter la terre que de trouver des consommateurs à portée, et l'existence d'un débouché a fait éclore des miracles de culture sur les terres les plus défavorables. Les environs de Paris, ceux de Berlin et de plusieurs autres grandes villes, les roches des Cévennes changées en terrasses chargées de végétation, montrent combien le débouché est plus important que le sol dans la question des cultures. (...)

SECTION III. — Capital suffisant, bon sol, débouché difficile.

Ici nous avons aussi une difficulté de moins à vaincre que dans le premier cas : nous n'avons pas à nous occuper de l'amélioration du terrain, mais nous sommes gênés par le défaut de débouchés. Il nous faut encore revenir aux produits qui ont une grande valeur sur un petit volume, et à ceux qui peuvent se transporter au loin sans de grands frais. (...)

SECTION IV. — Capital suffisant, sol bon, bon débouché.

Après avoir éliminé de la culture les positions qui ne possèdent pas de capital, avoir limité celles des situations qui présentent des obstacles, soit par la nature de leur sol, soit par les difficultés de leurs débouchés, il ne nous reste plus que les terres où l'industrie agricole peut se développer librement, celles qui réunissent à un bon sol ou à de bons débouchés un capital suffisant pour les exploiter. Alors le choix do système à adopter ne consiste plus que dans le rapport du capital à l'étendue des terres que l'on veut mettre en valeur. Nous allons rechercher dans le chapitre suivant quel est ce rapport dans les divers systèmes. »