Jachère - Annexe 1
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Une pièce au débat sur les jachères
« DES JACHÈRES
par M. Kent
M.r Kent, dans son rapport sur l’agriculture de Norfolk, a examiné la question souvent débattue de la nécessité des jachères. Il décide cette question par la négative. Reprenons ses argumens.
Maintenir un terrain net, sera toujours un des principaux objets d’un bon cultivateur ; car s’il néglige ce point-là, au lieu de voir de fortes récoltes de grains et de fourrages, il verra ses champs épuisés par la production des mauvaises herbes. Lorsque la terre en est souillée, toutes les opérations d’agriculture sont nécessairement manquées, et l’effet même des engrais est en grande partie perdu.
Si l’on ne labouroit la terre que dans la saison où l’on va semer, on ne pourroit ni diviser suffisamment le sol, ni extirper les mauvaises plantes, soit pérennes soit annuelles. On est obligé de labourer pendant l’été, c’est-à-dire, dans le tems ou la terre se pulvérise bien, et où l’action de la charrue ramène à la surface du terrain, les mauvaises plantes que le soleil tue en les desséchant. Aussi, n’y a-t-il de jachères complètement efficaces que les jachères d'été.
La nécessité d’une jachère d'été dépend en grande partie de l’état et de la nature d’un terrain ; et la répétition de ce procédé doit être plus fréquente dans certains terrains que dans d'autres. Lorsque le sol repose sur une glaise humide, il est plus sujet aux mauvaises herbes, que là où la couche inférieure est du gravier. Lorsque les terres argileuses sont labourées en hiver, elles se corroient, se durcissent, et deviennent moins propres à la végétation des plantes dont on leur confie la semence. Lorsque des terrains secs et graveleux ont besoin d'être nettoyés, on réussit à le faire sans en venir à une jachère d'été : on peut remplacer celle-ci par une récolte à sarcler, telle que les turneps. Mais dans les terres froides qui ne comportent pas la culture de cette plante, on ne peut anéantir les mauvaises herbes que par des labours et des hersages repétés pendant la saison chaude.
Le terrain de la province de Norfolk est presque partout graveleux ou sablonneux. Dans de telles terres la suppression des jachères est en effet possible ; et si Mr. Kent s'étoit borné à appliquer ce principe à Norfolk, je serois de son avis, mais sa doctrine me paroît dangereuse, lorsqu'il l’applique à l’agriculture de toute l'Angleterre. Les argumens de Mr. Kent se réduisent à ce qui suit :
1.° La nature, dit-il, n’a pas besoin de repos, et la terre fut évidemment destinée à produire annuellement une récolte.
2.° Comme la faculté productive du terrain agit sans cesse, si l’on ne sème pas du grain, la terre produit de mauvaises plantes. II faut donc extirper celles-ci, pour obtenir des productions utiles.
3.° C’est une idée ridicule que celle de laisser reposer la terre, puisqu'en la maintenant bien nette, et en entremêlant les récoltes d’une manière convenable, on peut la semer indéfiniment toutes les années, comme l’on sème les jardins.
4.° Que les jachères, en Angleterre ne sont qu’un combat entre le fermier et les mauvaises plantes, dans lequel ces dernières ont ordinairement l’avantage, car elles sont retardées en leur croissance, et rarement tout-à-fait tuées. On peut convenir de tout cela et soutenir cependant la nécessité de la jachère d’été dans certains cas. Je reconnois que ce n'est que sur les terrains argileux et qui retiennent l’humidité, sur les terrains en un mot où les turneps ne peuvent pas être cultivés, que la jachère est inévitable ; mais les terrains de cette nature comprennent la moitié de l’Angleterre. Et je ne soutiens pas que la jachère leur soit indispensable, à cause de la nécessité de donner à la terre du repos et des forces nouvelles, mais par la raison qu'il est impossible de les maintenir propres, sans le secours de jachères. On parle souvent d'imiter la nature, en cultivant la terre. Ce sont de beaux mots : si nous imitions la nature, il n’y auroit aucune agriculture. L'art perfectionne souvent ce que la nature fait : l’opération des jachères débarrasse la terre d'une foule d'ennemis qui la contrarient dans son désir d'être fertile. Un champ rempli de mauvaises herbes, s’épuise plus par elles, qu'il ne feroit par la production d'une récolte de grains. En sorte que la faculté productive de la terre diminue, dans la proportion où les mauvaises herbes multiplient. L'année où l’on ne cultive pas du grain, doit être employée à combattre la faculté végétative des mauvaises plantes. Mais l’assolement le plus judicieusement établi sur les terres argileuses, ne peut pas empêcher que la jachère d'été ne soit quelquefois nécessaire. Ce qu’on peut dire seulement, c'est qu'avec une bonne rotation, le retour de la jachère doit être plus rare. Ainsi, par exemple, on peut prendre l’assolement suivant de huit années.
- 1 Jachère.
- 2 Blé.
- 5 Fêverolles au semoir, et cultivées à la houe à cheval.
- 4 Orge.
- 5 Graines de pré [L'auteur entend apparemment du trèfle; car il seroit absurde d’établir un pré-gazon pour une année seulement.].
- 6 Avoine.
- 7 Fêves.
- 8 Blé.
Mais ce cours ne peut avoir lieu que sur une glaise très-riche. Je suppose que dans les huit ans l’on fume deux fois ; et il ne me paroît point douteux qu'un assolement de cette espèce, ne rende davantage au fermier que toute autre rotation, dans laquelle il n’entreroit point de jachère.
On ne sauroit argumenter de la pratique du jardinage pour la culture des champs. Ordinairement les terres sont très-différentes; et les seules terres qu'on puisse comparer aux jardins, sont les luts gras et légers, sur lesquels j’ai déjà remarqué qu’on peut se passer de jachères. Les récoltes des jardins se font dans des saisons si différentes, qu'on a toujours le tems de donner une culture complète au terrain : d'ailleurs, l'abondance des engrais, la culture à la bèche, le soin d'arracher les mauvaises herbes à la main, mettent la culture des jardins, en dehors de l'agriculture proprement dite.
Une jachère, dont le résultat est un combat douteux entre le fermier et les mauvaises plantes, ne mérite pas le nom de jachère.
L'objet de celle-ci doit être d'extirper complètement les mauvaises herbes. Je suis persuadé que l'embarras de trouver des pâturages suffisans pour les troupeaux, encourage beaucoup de fermiers à faire de mauvaises jachères. Les conditions de leur bail, les obligeant ordinairement à donner une jachère tous les quatre ans au moins, ils ne veulent pas que cette année de jachère leur soit complètement inutile. Ils sacrifient au petit intérêt de nourrir quelques moutons de plus, les vrais principes de la culture, lesquels, en dernier résultat leur seroient plus avantageux. Une jachère, pour être bonne, doit commencer de bonne heure au printems ; et chaque fois qu'il pousse une plante de chiendent, il faut que la charrue rentre dans le champ.
La question de la nécessité d'une jachère d'été pour un champ quelconque, doit être décidée par celle-ci, savoir : si le terrain dont il s'agit, peut produire une récolte profitable de turneps ou de choux [On s'étonne qu’un agriculteur qui paroît si instruit n'ait pas l'idée de parler des pommes de terre.]. Il n’est point douteux que les terres argileuses ne puissent produire des turneps et des choux, à force de travaux et de dépenses ; mais il reste à savoir, si l'inconvénient de pétrir et corroyer les terres, pour faire une récolte ordinairement médiocre, n'est pas plus grand que l'avantage de recueillir en effet des turneps ou des choux.
Tout ce que je dis ici en faveur des jachères, n’est pas fait pour justifier l’absurde système de culture des champs ouverts, dans toutes les provinces d'Angleterre, savoir : deux récoltes de grains, puis une jachère. Je veux dire seulement que, les terrains argileux et froids, ne peuvent pas être maintenus parfaitement nets, sans la ressource d'une jachère de tems en tems. Quand à la fréquence de cette opération, il faut s'en remettre au jugement du fermier. Toutes les fois que son champ sera sale, il répétera la jachère, s'il entend ses intérêts.
Il y a plusieurs avis sur la manière dont une jachère doit être conduite. Je pense que dans les terres glaises, il faut rompre en automne, ou de très-bonne heure au printems. Dans cette opération, il faut labourer à sillons relevés et étroits. En Mai, il faut partager les sillons, puis labourer en travers, et herser, et rouler, après avoir fait ôter à la main jusqu’aux moindres racines des mauvaises herbes. Il faut ensuite faire labourer à sillons relevés, ce qui a l’avantage de faire atteindre par le soc, les parties du terrain, qui pourroient n'avoir pas été entamées dans les autres labours. Il faut ensuite herser, rouler, et faire ôter la mauvaise herbe, et répéter ces opérations jusqu'à ce que le champ soit parfaitement net.
Il ne suffit pas de labourer à plusieurs reprises une terre argileuse pour tuer les mauvaises herbes. Ces terres s'enlèvent par grosses mottes, et les mauvaises herbes dont les racines se trouvent dans l’intérieur de ces mottes, ne périssent pas. Chaque labour les tourne et retourne, sans les briser. La herse et le rouleau y sont donc nécessaires [Ce que l’auteur ne dit pas, c'est que la herse n’a presque ancun effet pour briser les mottes, si l’on n'a pas soin de prendre le moment où la pluie les a suffisamment détrempées.].
Chaque labour doit coûter au fermier au moins 7 shellings par acre. Je suppose qu'en faisant ôter l'herbe et les mauvaises racines à la main on épargne un des labours, on s'en trouvera bien de toutes les manières, car il n’y a aucun labour qui soit aussi efficace pour purger le terrain, que cette opération de l’arrachement des racines, et de leur rassemblement pour être brûlées.
Pour me résumer, je suis d’avis que si l’on abandonnoit totalement les jachères dans les terrains argileux et humides, il en résulteroit une perte considérable sur les produits de la Grande-Bretagne. Ceux qui ont à cultiver de pareils terrains, savent de quelle difficulté il est de les maintenir nets, même avec le secours des jachères d'été. Les fèves, semées en lignes, sont efficaces pour entretenir propres des champs qui le sont déjà, mais elles sont insuffisantes pour nettoyer à fond une terre souillée d'herbe. Il faut en venir de tems en tems au grand moyen de purification, qui est la jachère complète. »