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Guéret et guéreter dans les textes anglo-normands du Moyen-Age
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((Les textes ci-dessous sont tirés d’ouvrages de gestion de domaines agricoles écrits au XIII<sup>e</sup> siècle en Angleterre, pour donner aux seigneurs normands - parlant un dialecte français, l’anglo-normand - des méthodes et [[référentiel]]s leur permettant de savoir si leurs divers serviteurs ne les trompent pas.))


Les textes ci-dessous sont tirés d’ouvrages de gestion de domaines agricoles écrits au XIIIe siècle en Angleterre, pour donner aux seigneurs normands (parlant un dialecte français, l’anglo-normand) des méthodes et [[référentiel]]s leur permettant de savoir si leurs divers serviteurs ne les trompent pas.


'''<big>R. Grosseteste, ''Règles'', ''ca''. 1240.'''</big><br>
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« Vous devez savoir que chaque acre de guéret peut alimenter par an au moins deux brebis, d’où cent acres de guéret peuvent alimenter deux cents brebis, deux cents acres quatre cent brebis, et ainsi de suite. »  
« Vous devez savoir que chaque acre de guéret peut alimenter par an au moins deux brebis, d’où cent acres de guéret peuvent alimenter deux cents brebis, deux cents acres quatre cent brebis, et ainsi de suite. »  
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'''<big>''Seneschaucie'' anonyme, ''ca''. 1275'''</big><br>
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'''<big>Gautier de Henlé (Walter of Henley), ''Le dit de hosebonderie'', ''ca''. 1280'''</big><br>


'''<big>[[A pour personne citée dans les annexes::Gautier de Henle|Gautier de Henlé]] (Walter of Henley), ''Le dit de hosebonderie'', ''ca''. 1280'''</big><br>
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| '''Transcription en français actuel par P. Morlon'''<br>
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« Et s’il y a besoin de mettre plus ou moins de dépense en charrues, vous le saurez sûrement par l’estente ((voir ci-dessous)). Comment, je vous le dirai. Si vos terres sont divisées en trois, une partie en hivernage [BLÉ d’hiver], l’autre en carêmage [cultures de printemps] et la troisième en guéret, donc est la charrue de terre de 180 acres.  
« Et s’il y a besoin de mettre plus ou moins de dépense en charrues, vous le saurez sûrement par l’estente<ref>L’''estente'' était un inventaire détaillé de tous les biens que possédait le seigneur, avec une estimation de ce que chacun pouvait ou devait lui rapporter. « L’estente faisait connaître la valeur du revenu annuel de la seigneurie et la proportion du profit et du bénéfice obtenus par la réduction des coûts de production, par l’amélioration des pratiques culturales (labourage, élevage, fumure, marnage) et par l’investissement. Elle déterminait aussi la marge de sécurité et la prévision de croissance. » (Beauroy, 1996)</ref>. Comment, je vous le dirai. Si vos terres sont divisées en trois, une partie en hivernage [BLÉ d’hiver], l’autre en carêmage [cultures de printemps] et la troisième en guéret, donc est la charrue de terre de 180 acres.  
Et si vos terres sont divisées en deux, comme elles le sont en plusieurs régions, une moitié semée en hivernage et quarremel, et l’autre moitié en guéret, alors sera la charrue de terre de 160 acres. Regardez l’estente [et voyez combien d’acres vous avez dans le domaine] et là vous pourrez être sûr.
Et si vos terres sont divisées en deux, comme elles le sont en plusieurs régions, une moitié semée en hivernage et quarremel, et l’autre moitié en guéret, alors sera la charrue de terre de 160 acres. Regardez l’estente [et voyez combien d’acres vous avez dans le domaine] et là vous pourrez être sûr.
Et autant aura la charrue de 160 acres à faire comme la charrue de 180 acres. Le voulez-vous voir ? Quant à 160 acres, quarante acres en hivernage (blé d’hiver), et quarante en carême, et quatre-vingt en guéret, retournez et rebinez les quatre-vingt acres et alors ira la charrue à 240 acres.
Et autant aura la charrue de 160 acres à faire comme la charrue de 180 acres. Le voulez-vous voir ? Quant à 160 acres, quarante acres en hivernage (blé d’hiver), et quarante en carême, et quatre-vingt en guéret, retournez et rebinez les quatre-vingt acres et alors ira la charrue à 240 acres.
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'''Note sur l’estente''' :
==Notes==
L’estente était un inventaire détaillé de tous les biens que possédait le seigneur, avec une estimation de ce que chacun pouvait ou devait lui rapporter. « L’estente faisait connaître la valeur du revenu annuel de la seigneurie et la proportion du profit et du bénéfice obtenus par la réduction des coûts de production, par l’amélioration des pratiques culturales (labourage, élevage, fumure, marnage) et par l’investissement. Elle déterminait aussi la marge de sécurité et la prévision de croissance. » (Beauroy, 1996)
<references/>


==Références citées==
==Références citées==

Dernière version du 3 avril 2012 à 08:59

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Guéret et guéreter dans les textes anglo-normands du Moyen Âge

((Les textes ci-dessous sont tirés d’ouvrages de gestion de domaines agricoles écrits au XIIIe siècle en Angleterre, pour donner aux seigneurs normands - parlant un dialecte français, l’anglo-normand - des méthodes et référentiels leur permettant de savoir si leurs divers serviteurs ne les trompent pas.))


R. Grosseteste, Règles, ca. 1240.

Texte publié par Oschinsky (1971)
« (...) Vus devez saver ke chascun acre de waret poet sustenir par an deus berbiz al meyns, dunt cent acres de waret deus cenz berbiz poent sustenir, deus cenz acres quatre cenz berbiz ; issi avaunt. » (p. 396)

Transcription en français actuel par P. Morlon

« Vous devez savoir que chaque acre de guéret peut alimenter par an au moins deux brebis, d’où cent acres de guéret peuvent alimenter deux cents brebis, deux cents acres quatre cent brebis, et ainsi de suite. »


Seneschaucie anonyme, ca. 1275

Texte publié par Oschinsky (1971)
« E partant poet il veer quantes charues covient al maner, kar checune charue deit par reson arer par an ix vinz acres, cest a saver sessaunte al yvernail e sessante al trameis e sessaunte al waret. » (p. 264)

« E il deit veer ke il y eit une bone faude de cleies ou de fust surles waretz estramee checune nuyt de litere e de feugere, e ke lez joefnes avers e lez vaches seient checune nuyt dedenz pur la terre amender. » (p. 276)

Transcription en français actuel par P. Morlon

« Et de là il peut savoir combien de charrues conviennent au manoir, car chaque charrue doit normalement labourer 180 acres par an, à savoir soixante d’hivernage, soixante de trémois et soixante de guéret. »

« Et il doit veiller qu’il y ait un bon parc de claies ou de bois sur les guérets, et qu’on y épande chaque nuit de la litière et des fougères, et que les jeunes bêtes et les vaches soient chaque nuit dedans pour amender la terre. »


Gautier de Henlé (Walter of Henley), Le dit de hosebonderie, ca. 1280

Texte publié par Oschinsky (1971, p. 418-420)
« Estre ceo si mester seit de metre plus de custage en charues ou meins, par lestente serreit certefie. Coment, ieo le vous diray. Si vos terres sunt departies en treis, la une partie a yvernage e l’autre partie a qaremel e la terce a waret, duncqe est la carue de terre de ixxx acres. E si vos terres sunt departies en deus cum sunt en plusurs pais, la une meite seme a yvernail e a qaremel e lautre mette a waret, e duncqe sera la carue de terre de viii vintz acres. Alez a la estente [e veet comben des acres vus avet en demeyne] e la poez estre certefie. E autretant avera la carue de uyt vintz acres a fere cum la carue de neof vintz acres. Le volez veer? Qant a uit vintz acres, qarante acres a yvernail, e qarante a qaremel, e qatre vintz a waret; returnez e rebynez les qatre vintz acres e dunqe yra la carue a duzze vintz acres. En dreit de la carue de neof vintz acres, sesante acres a yvernail, e sesante a qaremel, e sesante acres a waret; e pus returnez e rebinez les sesante acres e adunqe ira la carue en lan duzze vintz acres, sicome fayt la charue de viii vyntz acres. »

« E en tot cel tens nauera la charue a fere a larrue de waret e alarrure de semaysl de yuernage e de quaremel fors ke a la iornee iij rodes e demy rode e au rebyner un acre le iour. Ore veez sy une carue qe fust adreit garde e gwye si ele ne purreit tant fere a la iornee. »

« Al commencement de wareter e de rebyner e de semer... »

« A waretter est une bone sesun en averil si la terre depece apres la carue, e au rebiner est bon apres la seint Johan qant la poudre leve apres la carue, e a errer a semail qant la terre est assise e nun pas trop cru. Mes qi a mut a fere ne peot aver tote la bone sesun. E qant vous warettez, si vous trovez parfunt bone terre adunqe arrez le reon qarre pur aver la bone terre repose mes ne atamez mie la mauveise terre (...). Ne rebinez mie trop parfunt mes qe vus pussez destrure les carduns e les herbes escharsement.  »

« Bien sauet ke vn acre seme a forment prent treys arrures hors pris teres ke sunt semes checun an »

« E sy vous metez vos fens sur waret il serunt tut le plus au rebiner reverses desuz terre, e au semer regete amunt e ove la terre medle. E sil sunt mis sur le rebin, au semail ert reverse le plus desuz terre e poy medle ove la terre, e ceo nert mie pru. »

« E sy vos berbiz seyent puz (en pasture) de fresche e de waret dunqe deyvent xxx mere berbiz respundre de bure e de formage sycum les iii vaches avant nomez. »

Transcription en français actuel par P. Morlon

« Et s’il y a besoin de mettre plus ou moins de dépense en charrues, vous le saurez sûrement par l’estente[1]. Comment, je vous le dirai. Si vos terres sont divisées en trois, une partie en hivernage [BLÉ d’hiver], l’autre en carêmage [cultures de printemps] et la troisième en guéret, donc est la charrue de terre de 180 acres. Et si vos terres sont divisées en deux, comme elles le sont en plusieurs régions, une moitié semée en hivernage et quarremel, et l’autre moitié en guéret, alors sera la charrue de terre de 160 acres. Regardez l’estente [et voyez combien d’acres vous avez dans le domaine] et là vous pourrez être sûr. Et autant aura la charrue de 160 acres à faire comme la charrue de 180 acres. Le voulez-vous voir ? Quant à 160 acres, quarante acres en hivernage (blé d’hiver), et quarante en carême, et quatre-vingt en guéret, retournez et rebinez les quatre-vingt acres et alors ira la charrue à 240 acres. Quant à la charrue de 180 acres, soixante acres en hivernage, et soixante en carême, et soixante acres en guéret, et puis retournez et rebinez les soixante acres (en hivernage), alors ira la charrue dans l’année 240 acres, comme fait la charrue de 160 acres.  »

« Et dans tout ce temps, n’aura la charrue à faire pour le labour de guéret et le labour de semail d’hivernage et de carêmage que 3 rodes et demi- par jour, et au rebiner un acre le jour. Maintenant vérifiez si une charrue correctement conduite et guidée ne peut faire tant à la journée. »

« Au commencement de guéreter et de rebiner et de semer... »

« Pour guéreter avril est une bonne saison si la terre se rompt après la charrue. Et pour rebiner, après la St Jean, quand la poussière monte derrière la charrue ; et pour labourer à semail, quand la terre est rassise et n’est pas trop creuse. Mais qui a moult à faire ne peut pas attendre la bonne saison. Et quand vous guéretez, si vous trouvez au fond de la bonne terre, alors labourez un rayon carré, pour avoir de la bonne terre reposée, mais ne remontez pas la mauvaise terre (...). Ne rebinez pas trop profond, mais que vous puissiez détruire les chardons et l’herbe complètement. »

« Vous savez bien qu’une acre semée en froment prend trois labours, en dehors des terres qui sont semées chaque année. »

« Et si vous mettez vos fumiers sur le guéret ils seront enterrés tout au plus au rebinage, et au semis relabourés et mélangés avec la terre. Et s’ils sont mis sur (= après) le rebin (2d labour), ce n’est qu’au semis qu’ils seront enterrés et un peu mélangés avec la terre et ce n’est pas profitable. »

« Et si vos brebis sont mises à paître des friches et des guérets, alors 30 brebis-mères doivent produire autant de beurre et de fromage que les 3 vaches ci-dessus. »

Notes

  1. L’estente était un inventaire détaillé de tous les biens que possédait le seigneur, avec une estimation de ce que chacun pouvait ou devait lui rapporter. « L’estente faisait connaître la valeur du revenu annuel de la seigneurie et la proportion du profit et du bénéfice obtenus par la réduction des coûts de production, par l’amélioration des pratiques culturales (labourage, élevage, fumure, marnage) et par l’investissement. Elle déterminait aussi la marge de sécurité et la prévision de croissance. » (Beauroy, 1996)

Références citées

  • Beauroy J., 1996. Sur la culture seigneuriale en Angleterre : un poème anglo-normand inédit dans le cartulaire des Barons de Mohun. In C. Duhamel-Amado et G. Lobrichon (dir), Georges Duby, l’écriture de l’Histoire, De Boeck, Bruxelles, p. 341-36. [1]
  • de Henlé G. (Walter of Henley), ca. 1280. Le dit de hosebondrie. Voir Lamond, 1890 et Oschinsky, 1971.
  • Grosseteste R., ca. 1240. Reules. Voir Lamond, 1890 et Oschinsky, 1971.
  • Lamond E., 1890. Walter of Henley's Husbandry, together with an anonymous husbandry, Seneschaucie and Robert Grosseteste's Rules. Longman, Green & Co, London. [2]
  • Oschinsky D., 1971. Walter of Henley and Other Treatises on Estate Management and Accounting. Clarendon Press, Oxford, xxiv + 504p.
  • Seneschaucie (anonyme), ca. 1275. Voir Lamond, 1890 et Oschinsky, 1971.
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