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Pour savoir ce qu’il désignait dans sa région d’origine, l’ouest de la France, nous citerons le ''Mémoire sur les | Pour savoir ce qu’il désignait dans sa région d’origine, l’ouest de la France, nous citerons le ''Mémoire sur les défrichements'' dans lequel, en 1760, le [[A pour personne citée dans les annexes::Louis-François-Henri de Menon, marquis de Turbilly|marquis de Turbilly]] décrit ce qu’il pratique en Anjou. | ||
Si la végétation sauvage est assez épaisse et que l’on peut y « lever des gazons », « on commencera pendant l' | Si la végétation sauvage est assez épaisse et que l’on peut y « lever des gazons », « on commencera pendant l'hiver, par se délivrer de l’eau, des pierres & des grosses racines qui ne pourraient êtres coupées par l'écobue. Ensuite vers le milieu du mois de Mars, & non auparavant, on se mettra à faire écobuer ce terrain : c'est-à-dire, à le faire peler. » (p. 39) | ||
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« Chaque Journalier destiné à ce travail sera pourvu de l’outil | « Chaque Journalier destiné à ce travail sera pourvu de l’outil appelé en Anjou Ecobuë, c'est une espèce de grande tranche recourbée, de seize pouces de long & de huit pouces & demi de large par en bas, d'où sa largeur va toujours en diminuant jusqu'auprès du manche (...). On choisit le meilleur fer pour sa construction. (…) On fait [le] manche de bois & on lui donne environ trois pieds de longueur (...). Cet outil doit peser, non compris le manche, dix à douze livres (...), plus léger il ne conviendrait pas. » (p. 41-42) | ||
« On choisira (...) le meilleur travailleur, & le plus entendu, pour mener la bande ; car ils ne peuvent pas travailler de front, comme à bêcher. Ce Conducteur tenant son écobuë entre ses jambes (...) en donnera d'abord, en coupant la terre, un premier coup à droite, ensuite un second devant lui, & (...) un | « On choisira (...) le meilleur travailleur, & le plus entendu, pour mener la bande ; car ils ne peuvent pas travailler de front, comme à bêcher. Ce Conducteur tenant son écobuë entre ses jambes (...) en donnera d'abord, en coupant la terre, un premier coup à droite, ensuite un second devant lui, & (...) un troisième sur sa gauche, par le moyen duquel il enlèvera aussitôt un gazon d'environ un pied & demi de long, un pied de large, & de quatre pouces d'épaisseur de terre. Il le posera, d’un seul temps, avec le même outil, sur sa droite, la terre en dessous. Toute l'herbe, la lande, la bruyère, les ajoncs, & autres productions sauvages, point trop grosses, qui se trouveront sur ce terrain, partiront avec ce gazon, auquel elles resteront attachées : plus il y en aura, & mieux vaudra. Je viens de dire qu'il y fallait quatre pouces de terre, cela est absolument nécessaire, parce que si on pelait le terrain moins épais, l’ouvrage serait manqué, attendu que l’écobuë ne pénétrant pas jusques sous la croûte des racines de ces productions sauvages, qu'il est indispensable de détruire, elles repousseraient dans la suite, nuiraient au bled, & l’étoufferaient (…) ; outre l’inconvénient de ne point détruire les productions sauvages, on tomberait encore dans celui de n'avoir pas assez de cendres pour bonifier suffisamment le terrain. » (p. 43-45) | ||
« Dès qu’il [le Conducteur] aura levé les deux premiers [gazons], le second Journalier se placera un petit pas en arrière de lui, sur sa gauche, & levant également des gazons, les posera de la même façon sur sa droite, dans le terrein vuide que ce Conducteur a pelé. A mesure qu’on avancera, chaque Journalier, un à un, se mettra de même sur la gauche des | « Dès qu’il [le Conducteur] aura levé les deux premiers [gazons], le second Journalier se placera un petit pas en arrière de lui, sur sa gauche, & levant également des gazons, les posera de la même façon sur sa droite, dans le terrein vuide que ce Conducteur a pelé. A mesure qu’on avancera, chaque Journalier, un à un, se mettra de même sur la gauche des précédents, & fera une pareille opération. » (p. 46-47) | ||
« On ne peut travailler en France à cette opération, que depuis le milieu de Mars jusqu’un peu avant la Saint Jean Baptiste [24 juin]. Plutôt il ne | « On ne peut travailler en France à cette opération, que depuis le milieu de Mars jusqu’un peu avant la Saint Jean Baptiste [24 juin]. Plutôt il ne ferait pas bon écobuer, à cause que les gazons reprendraient, plus tard, ils courraient risque de ne pas sécher. » (p. 47-48) | ||
« Aux environs de la Saint Jean, lorsque les gazons seront assez secs, (...) par un beau temps, un nombre suffisant de femmes & d' | « Aux environs de la Saint Jean, lorsque les gazons seront assez secs, (...) par un beau temps, un nombre suffisant de femmes & d'enfants (...) ramasseront tous ces gazons, & en formeront sur le terrain, d’espace en espace, des tas ronds d’environ dix pieds de haut, & autant de large par en bas, de la même forme à peu-près que les fourneaux des charbonniers. On y placera toujours les gazons, l’herbe & la bruyère en dessous, & la terre en dessus. On y laissera un peu de vide en dedans, où l’on formera une espèce de petite cheminée, dont on placera l’ouverture du côté par lequel viendra le vent. (…) Aussitôt que les tas seront faits, (…) l’on y fera mettre le feu (...). (…) Le feu durera encore quelques jours dans ces fourneaux, dont les gazons se consumeront ou se calcineront insensiblement. » (p. 50-54) | ||
« Dès que le feu sera éteint dans tous les fourneaux, à la place desquels il se trouvera des monceaux de cendres plus ou moins gros, en proportion de la bonté du | « Dès que le feu sera éteint dans tous les fourneaux, à la place desquels il se trouvera des monceaux de cendres plus ou moins gros, en proportion de la bonté du terrain, l’on enverra encore quelques femmes & enfants, qui avec des pelles de bois, amoncelleront (...) ces cendres, crainte qu'elles ne s'éventent, si on les laissait éparses. C'est dans l’intérieur de ces monceaux qu'est renfermé tout notre trésor : s'ils prenaient l’air, la plus grande partie des sels que contiennent les cendres, qui sont notre richesse, s'évaporerait. » (p. 54-55) | ||
« Le fond sera désormais délivré généralement de toutes semences, plantes & productions sauvages, ainsi que de tous vermisseaux, insectes, reptiles & bêtes venimeuses ; l’action du feu des fourneaux étant si forte, qu'elle chauffe non-seulement la terre qui est dessous à plusieurs pouces d'épaisseur, mais encore celle qui est entre ces fourneaux. » (p. 57) | « Le fond sera désormais délivré généralement de toutes semences, plantes & productions sauvages, ainsi que de tous vermisseaux, insectes, reptiles & bêtes venimeuses ; l’action du feu des fourneaux étant si forte, qu'elle chauffe non-seulement la terre qui est dessous à plusieurs pouces d'épaisseur, mais encore celle qui est entre ces fourneaux. » (p. 57) | ||
« Quinze jours après que l’on aura semé dans le | « Quinze jours après que l’on aura semé dans le pays les gros bleds, il sera temps d'ensemencer le défrichement. (…) Pour cet effet, l'on enverra alors par un temps calme, non venteux, quelques femmes &s enfants, lesquels avec des pelles de bois, régaleront la cendre sur le terrain également, excepté qu'ils n'en laisseront point du tout dans les places où étaient les monceaux, qui étant recuites n'en ont pas besoin, puisque ce sera toujours là où viendra le meilleur bled. (…] Un semeur entendu, viendra ensuite qui sèmera sur cette cendre seigle ou froment, à demi-semence, c'est-à-dire qu'il n'en mettra qu'environ la moitié qu'on en emploie ordinairement dans le pays, pour une semblable étendue de terrain. (…) comme il ne s’y trouve point d’herbe, n’y aucune plante sauvage, toute la semence en ayant été détruite par l’action du feu, il paraît d’abord clair pendant une partie de l’hiver ; mais à l’approche de la belle saison il s’épaissit. » (p. 57-64) | ||
« Les terres ainsi défrichées par le moyen du feu, deviennent infiniment meilleures que les autres, & produisent beaucoup davantage ; on les nomme en Anjou, ''Ecobuës'', du nom de l’outil dont j'ai fait mention ; l'opération s'appelle par la même raison, ''Ecobuer'', & les gens qui y travaillent, ''Ecobueurs''. Ce procédé bonifie le fond pour plus de vingt ans : il se passe un temps très-considérable, sans qu'il y croisse pour ainsi dire, aucune herbe dans les bleds, il n'en vient presque point encore dans les | « Les terres ainsi défrichées par le moyen du feu, deviennent infiniment meilleures que les autres, & produisent beaucoup davantage ; on les nomme en Anjou, ''Ecobuës'', du nom de l’outil dont j'ai fait mention ; l'opération s'appelle par la même raison, ''Ecobuer'', & les gens qui y travaillent, ''Ecobueurs''. Ce procédé bonifie le fond pour plus de vingt ans : il se passe un temps très-considérable, sans qu'il y croisse pour ainsi dire, aucune herbe dans les bleds, il n'en vient presque point encore dans les terrains que j'ai fait écobuer les premiers. » (p. 120-121) | ||
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Dernière version du 28 février 2018 à 13:46
Cette annexe se rapporte à l'article Écobuage. |
Écobuage : le mot dans sa région d’origine
Pour savoir ce qu’il désignait dans sa région d’origine, l’ouest de la France, nous citerons le Mémoire sur les défrichements dans lequel, en 1760, le marquis de Turbilly décrit ce qu’il pratique en Anjou.
Si la végétation sauvage est assez épaisse et que l’on peut y « lever des gazons », « on commencera pendant l'hiver, par se délivrer de l’eau, des pierres & des grosses racines qui ne pourraient êtres coupées par l'écobue. Ensuite vers le milieu du mois de Mars, & non auparavant, on se mettra à faire écobuer ce terrain : c'est-à-dire, à le faire peler. » (p. 39)
« Chaque Journalier destiné à ce travail sera pourvu de l’outil appelé en Anjou Ecobuë, c'est une espèce de grande tranche recourbée, de seize pouces de long & de huit pouces & demi de large par en bas, d'où sa largeur va toujours en diminuant jusqu'auprès du manche (...). On choisit le meilleur fer pour sa construction. (…) On fait [le] manche de bois & on lui donne environ trois pieds de longueur (...). Cet outil doit peser, non compris le manche, dix à douze livres (...), plus léger il ne conviendrait pas. » (p. 41-42)
« On choisira (...) le meilleur travailleur, & le plus entendu, pour mener la bande ; car ils ne peuvent pas travailler de front, comme à bêcher. Ce Conducteur tenant son écobuë entre ses jambes (...) en donnera d'abord, en coupant la terre, un premier coup à droite, ensuite un second devant lui, & (...) un troisième sur sa gauche, par le moyen duquel il enlèvera aussitôt un gazon d'environ un pied & demi de long, un pied de large, & de quatre pouces d'épaisseur de terre. Il le posera, d’un seul temps, avec le même outil, sur sa droite, la terre en dessous. Toute l'herbe, la lande, la bruyère, les ajoncs, & autres productions sauvages, point trop grosses, qui se trouveront sur ce terrain, partiront avec ce gazon, auquel elles resteront attachées : plus il y en aura, & mieux vaudra. Je viens de dire qu'il y fallait quatre pouces de terre, cela est absolument nécessaire, parce que si on pelait le terrain moins épais, l’ouvrage serait manqué, attendu que l’écobuë ne pénétrant pas jusques sous la croûte des racines de ces productions sauvages, qu'il est indispensable de détruire, elles repousseraient dans la suite, nuiraient au bled, & l’étoufferaient (…) ; outre l’inconvénient de ne point détruire les productions sauvages, on tomberait encore dans celui de n'avoir pas assez de cendres pour bonifier suffisamment le terrain. » (p. 43-45)
« Dès qu’il [le Conducteur] aura levé les deux premiers [gazons], le second Journalier se placera un petit pas en arrière de lui, sur sa gauche, & levant également des gazons, les posera de la même façon sur sa droite, dans le terrein vuide que ce Conducteur a pelé. A mesure qu’on avancera, chaque Journalier, un à un, se mettra de même sur la gauche des précédents, & fera une pareille opération. » (p. 46-47)
« On ne peut travailler en France à cette opération, que depuis le milieu de Mars jusqu’un peu avant la Saint Jean Baptiste [24 juin]. Plutôt il ne ferait pas bon écobuer, à cause que les gazons reprendraient, plus tard, ils courraient risque de ne pas sécher. » (p. 47-48)
« Aux environs de la Saint Jean, lorsque les gazons seront assez secs, (...) par un beau temps, un nombre suffisant de femmes & d'enfants (...) ramasseront tous ces gazons, & en formeront sur le terrain, d’espace en espace, des tas ronds d’environ dix pieds de haut, & autant de large par en bas, de la même forme à peu-près que les fourneaux des charbonniers. On y placera toujours les gazons, l’herbe & la bruyère en dessous, & la terre en dessus. On y laissera un peu de vide en dedans, où l’on formera une espèce de petite cheminée, dont on placera l’ouverture du côté par lequel viendra le vent. (…) Aussitôt que les tas seront faits, (…) l’on y fera mettre le feu (...). (…) Le feu durera encore quelques jours dans ces fourneaux, dont les gazons se consumeront ou se calcineront insensiblement. » (p. 50-54)
« Dès que le feu sera éteint dans tous les fourneaux, à la place desquels il se trouvera des monceaux de cendres plus ou moins gros, en proportion de la bonté du terrain, l’on enverra encore quelques femmes & enfants, qui avec des pelles de bois, amoncelleront (...) ces cendres, crainte qu'elles ne s'éventent, si on les laissait éparses. C'est dans l’intérieur de ces monceaux qu'est renfermé tout notre trésor : s'ils prenaient l’air, la plus grande partie des sels que contiennent les cendres, qui sont notre richesse, s'évaporerait. » (p. 54-55)
« Le fond sera désormais délivré généralement de toutes semences, plantes & productions sauvages, ainsi que de tous vermisseaux, insectes, reptiles & bêtes venimeuses ; l’action du feu des fourneaux étant si forte, qu'elle chauffe non-seulement la terre qui est dessous à plusieurs pouces d'épaisseur, mais encore celle qui est entre ces fourneaux. » (p. 57)
« Quinze jours après que l’on aura semé dans le pays les gros bleds, il sera temps d'ensemencer le défrichement. (…) Pour cet effet, l'on enverra alors par un temps calme, non venteux, quelques femmes &s enfants, lesquels avec des pelles de bois, régaleront la cendre sur le terrain également, excepté qu'ils n'en laisseront point du tout dans les places où étaient les monceaux, qui étant recuites n'en ont pas besoin, puisque ce sera toujours là où viendra le meilleur bled. (…] Un semeur entendu, viendra ensuite qui sèmera sur cette cendre seigle ou froment, à demi-semence, c'est-à-dire qu'il n'en mettra qu'environ la moitié qu'on en emploie ordinairement dans le pays, pour une semblable étendue de terrain. (…) comme il ne s’y trouve point d’herbe, n’y aucune plante sauvage, toute la semence en ayant été détruite par l’action du feu, il paraît d’abord clair pendant une partie de l’hiver ; mais à l’approche de la belle saison il s’épaissit. » (p. 57-64)
« Les terres ainsi défrichées par le moyen du feu, deviennent infiniment meilleures que les autres, & produisent beaucoup davantage ; on les nomme en Anjou, Ecobuës, du nom de l’outil dont j'ai fait mention ; l'opération s'appelle par la même raison, Ecobuer, & les gens qui y travaillent, Ecobueurs. Ce procédé bonifie le fond pour plus de vingt ans : il se passe un temps très-considérable, sans qu'il y croisse pour ainsi dire, aucune herbe dans les bleds, il n'en vient presque point encore dans les terrains que j'ai fait écobuer les premiers. » (p. 120-121)