« Décrire un milieu naturel - Annexe 2 » : différence entre les versions

De Les Mots de l'agronomie
Aller à la navigationAller à la recherche
(mise en ligne page)
 
Aucun résumé des modifications
 
(6 versions intermédiaires par le même utilisateur non affichées)
Ligne 2 : Ligne 2 :
|article=Décrire un milieu naturel
|article=Décrire un milieu naturel
}}
}}
__NOTOC__
=Intérêt des nomenclatures locales=
=Intérêt des nomenclatures locales=
<center>('''extraits''' de l’article de C. Riedel « Classification des sols et fertilité des terres », ''Économie rurale'', 23 : 15-20, 1955.).</center>
<center>('''extraits''' de l’article de C. Riedel « Classification des sols et fertilité des terres », ''Économie rurale'', 23 : 15-20, 1955.).</center>


==« 1. - La classification d'après les propriétés ou les aspects physiques des sols.==
==« 1. - La classification d'après les propriétés ou les aspects physiques des sols.==
(...)
(...)
Une expérience déjà souvent éprouvée par les difficultés de l'analyse du terrain nous a démontré combien cette classification ((physique, selon la texture)) est artificielle, inadaptée, insuffisante et combien les définitions composées du type silico-argilo-humique ou humo-calcaro-argileux, par exemple, sont barbares et superficielles.


La preuve en est dans le fait qu'aucun cultivateur ne l'emploie : je pense aux cultivateurs qui n'ont pas passé par les écoles d'agriculture.
Une expérience déjà souvent éprouvée par les difficultés de l'analyse du terrain nous a démontré combien cette classification ((physique, selon la texture)) est artificielle, inadaptée, insuffisante et combien les définitions composées du type silico-argilo-humique ou humo-calcaro-argileux, par exemple, sont barbares et superficielles.
 
La preuve en est dans le fait qu'aucun cultivateur ne l'emploie : je pense aux cultivateurs qui n'ont pas passé par les écoles d'agriculture.


Pourquoi ne l'emploient-ils pas ?
Pourquoi ne l'emploient-ils pas ?


D'instinct, ils connaissent une autre classification qui n'a que l'inconvénient d'être limitée aux sols de leur horizon. Celle dont on parle dans leur famille depuis leur enfance en affectant un nom à chaque type de sols de la ferme : varennes, crayons, rougets, etc... Ou bien encore en ont-ils une sans toponymie ni désignations locales mais personnelle et sentimentale, tout à fait ramenée aux seules terres qu'ils cultivent.
D'instinct, ils connaissent une autre classification qui n'a que l'inconvénient d'être limitée aux sols de leur horizon. Celle dont on parle dans leur famille depuis leur enfance en affectant un nom à chaque type de sols de la ferme : varennes, crayons, rougets, etc... Ou bien encore en ont-ils une sans toponymie ni désignations locales mais personnelle et sentimentale, tout à fait ramenée aux seules terres qu'ils cultivent.


Nous devons beaucoup à [[a pour personne sictée::Albert Demolon|Demolon]] (...) d'avoir tenu à préfacer, dès 1935, l'excellente étude des « sols de la Charente Inférieure » qu'ensemble, trois de nos camarades avaient mis sur pied (Verdier, Siloret et F. de Ferrière). Regrettons seulement que pareilles études n'aient pas dégagé dans tous les départements ou régions naturelles, pareilles désignations à classer pédologiquement. Nous en serions plus avancés dans la classification générale.
Nous devons beaucoup à [[A pour personne citée dans les annexes::Albert Demolon|Demolon]] (...) d'avoir tenu à préfacer, dès 1935, l'excellente étude des « sols de la Charente Inférieure » qu'ensemble, trois de nos camarades avaient mis sur pied (Verdier, Siloret et F. de Ferrière). Regrettons seulement que pareilles études n'aient pas dégagé dans tous les départements ou régions naturelles, pareilles désignations à classer pédologiquement. Nous en serions plus avancés dans la classification générale.


Tout en les félicitant, Demolon écrivait alors : « les auteurs sont partis de cette définition des terroirs dont parlait déjà Olivier de Serres et que la pratique a sanctionnée au cours des générations. Considérant que l'art de cultiver implique chez l'agriculteur la connaissance de son sol, ils ont cherché à traduire cette connaissance à formules plus précises, en recourant aux méthodes pédologiques. Combien il est suggestif de constater que la nomenclature locale, si riche et si expressive, traduit toujours des types génétiques nettement différenciés ! Et quels enseignements ne tire-t-on pas d'un examen attentif des profils, en ce qui concerne l'humidité, l'extension des racines, la présence d'horizons réducteurs ou imperméables, etc... ».
Tout en les félicitant, Demolon écrivait alors : « les auteurs sont partis de cette définition des terroirs dont parlait déjà Olivier de Serres et que la pratique a sanctionnée au cours des générations. Considérant que l'art de cultiver implique chez l'agriculteur la connaissance de son sol, ils ont cherché à traduire cette connaissance à formules plus précises, en recourant aux méthodes pédologiques. Combien il est suggestif de constater que la nomenclature locale, si riche et si expressive, traduit toujours des types génétiques nettement différenciés ! Et quels enseignements ne tire-t-on pas d'un examen attentif des profils, en ce qui concerne l'humidité, l'extension des racines, la présence d'horizons réducteurs ou imperméables, etc... ».


Dans chacune de nos provinces, dans chacun de nos cinq cents et quelques terroirs, si différents parfois les uns des autres, cette classification pédologique donnerait une physionomie particulière et précieuse à chacun des sols, classification qui renseigne mieux et plus avant que la classification physique des manuels d'agriculture. (...) Malheureusement, cette classification n'existe qu'à l'état embryonnaire ou sporadique, car les désignations locales manquent là où l'hétérogénéité des types de sols domine. Toutes études rattachant désormais les principaux sols de nos terroirs à des types pédologiques éloquents devraient être largement encouragées. C'est la clef, la seule clef du progrès le plus productif de la culture - adaptée - à venir.
Dans chacune de nos provinces, dans chacun de nos cinq cents et quelques terroirs, si différents parfois les uns des autres, cette classification pédologique donnerait une physionomie particulière et précieuse à chacun des sols, classification qui renseigne mieux et plus avant que la classification physique des manuels d'agriculture. (...) Malheureusement, cette classification n'existe qu'à l'état embryonnaire ou sporadique, car les désignations locales manquent là où l'hétérogénéité des types de sols domine. Toutes études rattachant désormais les principaux sols de nos terroirs à des types pédologiques éloquents devraient être largement encouragées. C'est la clef, la seule clef du progrès le plus productif de la culture - adaptée - à venir.




==2. - Efficacité de la classification intuitive d’après les désignations locales.==
==2. - Efficacité de la classification intuitive d’après les désignations locales.==
A force de travail et d'expériences vécues, les cultivateurs d'un même type de sol ont acquis une image intuitive de sa physionomie. Sauf en pays de sols homogènes et profonds comme les limons jeunes, cette physionomie tient compte des principaux éléments du profil.
À force de travail et d'expériences vécues, les cultivateurs d'un même type de sol ont acquis une image intuitive de sa physionomie. Sauf en pays de sols homogènes et profonds comme les limons jeunes, cette physionomie tient compte des principaux éléments du profil.


Les agriculteurs sont ainsi suffisamment renseignés parfois pour faire de leur méthode la meilleure, et obtenir des rendements productifs.
Les agriculteurs sont ainsi suffisamment renseignés parfois pour faire de leur méthode la meilleure, et obtenir des rendements productifs.


En Charente-Maritime seulement, les auteurs susnommés signalent une douzaine de désignations locales et il en manque peut-être : chacune correspond à une vocation culturale particulière et à une fertilité donnée susceptible d'être améliorée peut-être mais dans des limites que les bons agriculteurs connaissent bien.
En Charente-Maritime seulement, les auteurs susnommés signalent une douzaine de désignations locales et il en manque peut-être : chacune correspond à une vocation culturale particulière et à une fertilité donnée susceptible d'être améliorée peut-être mais dans des limites que les bons agriculteurs connaissent bien.


A chaque désignation correspondent encore des physionomies intuitives de végétation, de tapis végétal, de vigueur des plantes selon les saisons, les notions de facilité ou de difficulté du travail ou de certaines façons, des nécessités de telles améliorations foncières ou de tels amendements, de telle précaution au moment du semis, etc... (...) »  
À chaque désignation correspondent encore des physionomies intuitives de végétation, de tapis végétal, de vigueur des plantes selon les saisons, les notions de facilité ou de difficulté du travail ou de certaines façons, des nécessités de telles améliorations foncières ou de tels amendements, de telle précaution au moment du semis, etc... (...) »  




==3. - Classification dynamique des sols.==
==3. - Classification dynamique des sols.==
Il est donc temps d'ouvrir les fenêtres sur un nouveau monde, celui que vivifie désormais le concept dynamique des sols. Parties d'une ''physionomie des terres'', les analyses locales, faites par d'éminents agro-pédologues, ont permis d'aboutir à des synthèses qui, autrement plus instructives en ce qu'elles en appellent aux intuitions de chaque terrien, dessinent maintenant l'individualité de chaque milieu classique.
Il est donc temps d'ouvrir les fenêtres sur un nouveau monde, celui que vivifie désormais le concept dynamique des sols. Parties d'une ''physionomie des terres'', les analyses locales, faites par d'éminents agro-pédologues, ont permis d'aboutir à des synthèses qui, autrement plus instructives en ce qu'elles en appellent aux intuitions de chaque terrien, dessinent maintenant l'individualité de chaque milieu classique.


La plupart des milieux que nos agriculteurs connaissent bien pour peu qu'ils les aient désignés d'une certaine appellation depuis longtemps (rouget, cranette, etc...), sont désormais entrés parmi les 30 types de sols devenus classiques. Cela n'apprendra rien aux agriculteurs des régions mêmes attardées pour qui une groie reste une groie ; un rouget, un rouget ; et une aubue, une aubue. Mais cela en apprend beaucoup à l'élève agronome qui ne sait pas d'avance sur quel terroir ou ensemble de terroirs il aura un jour à s'employer.  
La plupart des milieux que nos agriculteurs connaissent bien pour peu qu'ils les aient désignés d'une certaine appellation depuis longtemps (rouget, cranette, etc...), sont désormais entrés parmi les 30 types de sols devenus classiques. Cela n'apprendra rien aux agriculteurs des régions mêmes attardées pour qui une groie reste une groie ; un rouget, un rouget ; et une aubue, une aubue. Mais cela en apprend beaucoup à l'élève agronome qui ne sait pas d'avance sur quel terroir ou ensemble de terroirs il aura un jour à s'employer.  
(...) »
(...) »

Dernière version du 3 avril 2012 à 09:08

Retour à l'article
Cette annexe se rapporte à l'article Décrire un milieu naturel.

Intérêt des nomenclatures locales

(extraits de l’article de C. Riedel « Classification des sols et fertilité des terres », Économie rurale, 23 : 15-20, 1955.).


« 1. - La classification d'après les propriétés ou les aspects physiques des sols.

(...)

Une expérience déjà souvent éprouvée par les difficultés de l'analyse du terrain nous a démontré combien cette classification ((physique, selon la texture)) est artificielle, inadaptée, insuffisante et combien les définitions composées du type silico-argilo-humique ou humo-calcaro-argileux, par exemple, sont barbares et superficielles.

La preuve en est dans le fait qu'aucun cultivateur ne l'emploie : je pense aux cultivateurs qui n'ont pas passé par les écoles d'agriculture.

Pourquoi ne l'emploient-ils pas ?

D'instinct, ils connaissent une autre classification qui n'a que l'inconvénient d'être limitée aux sols de leur horizon. Celle dont on parle dans leur famille depuis leur enfance en affectant un nom à chaque type de sols de la ferme : varennes, crayons, rougets, etc... Ou bien encore en ont-ils une sans toponymie ni désignations locales mais personnelle et sentimentale, tout à fait ramenée aux seules terres qu'ils cultivent.

Nous devons beaucoup à Demolon (...) d'avoir tenu à préfacer, dès 1935, l'excellente étude des « sols de la Charente Inférieure » qu'ensemble, trois de nos camarades avaient mis sur pied (Verdier, Siloret et F. de Ferrière). Regrettons seulement que pareilles études n'aient pas dégagé dans tous les départements ou régions naturelles, pareilles désignations à classer pédologiquement. Nous en serions plus avancés dans la classification générale.

Tout en les félicitant, Demolon écrivait alors : « les auteurs sont partis de cette définition des terroirs dont parlait déjà Olivier de Serres et que la pratique a sanctionnée au cours des générations. Considérant que l'art de cultiver implique chez l'agriculteur la connaissance de son sol, ils ont cherché à traduire cette connaissance à formules plus précises, en recourant aux méthodes pédologiques. Combien il est suggestif de constater que la nomenclature locale, si riche et si expressive, traduit toujours des types génétiques nettement différenciés ! Et quels enseignements ne tire-t-on pas d'un examen attentif des profils, en ce qui concerne l'humidité, l'extension des racines, la présence d'horizons réducteurs ou imperméables, etc... ».

Dans chacune de nos provinces, dans chacun de nos cinq cents et quelques terroirs, si différents parfois les uns des autres, cette classification pédologique donnerait une physionomie particulière et précieuse à chacun des sols, classification qui renseigne mieux et plus avant que la classification physique des manuels d'agriculture. (...) Malheureusement, cette classification n'existe qu'à l'état embryonnaire ou sporadique, car les désignations locales manquent là où l'hétérogénéité des types de sols domine. Toutes études rattachant désormais les principaux sols de nos terroirs à des types pédologiques éloquents devraient être largement encouragées. C'est la clef, la seule clef du progrès le plus productif de la culture - adaptée - à venir.


2. - Efficacité de la classification intuitive d’après les désignations locales.

À force de travail et d'expériences vécues, les cultivateurs d'un même type de sol ont acquis une image intuitive de sa physionomie. Sauf en pays de sols homogènes et profonds comme les limons jeunes, cette physionomie tient compte des principaux éléments du profil.

Les agriculteurs sont ainsi suffisamment renseignés parfois pour faire de leur méthode la meilleure, et obtenir des rendements productifs.

En Charente-Maritime seulement, les auteurs susnommés signalent une douzaine de désignations locales et il en manque peut-être : chacune correspond à une vocation culturale particulière et à une fertilité donnée susceptible d'être améliorée peut-être mais dans des limites que les bons agriculteurs connaissent bien.

À chaque désignation correspondent encore des physionomies intuitives de végétation, de tapis végétal, de vigueur des plantes selon les saisons, les notions de facilité ou de difficulté du travail ou de certaines façons, des nécessités de telles améliorations foncières ou de tels amendements, de telle précaution au moment du semis, etc... (...) »


3. - Classification dynamique des sols.

Il est donc temps d'ouvrir les fenêtres sur un nouveau monde, celui que vivifie désormais le concept dynamique des sols. Parties d'une physionomie des terres, les analyses locales, faites par d'éminents agro-pédologues, ont permis d'aboutir à des synthèses qui, autrement plus instructives en ce qu'elles en appellent aux intuitions de chaque terrien, dessinent maintenant l'individualité de chaque milieu classique.

La plupart des milieux que nos agriculteurs connaissent bien pour peu qu'ils les aient désignés d'une certaine appellation depuis longtemps (rouget, cranette, etc...), sont désormais entrés parmi les 30 types de sols devenus classiques. Cela n'apprendra rien aux agriculteurs des régions mêmes attardées pour qui une groie reste une groie ; un rouget, un rouget ; et une aubue, une aubue. Mais cela en apprend beaucoup à l'élève agronome qui ne sait pas d'avance sur quel terroir ou ensemble de terroirs il aura un jour à s'employer. (...) »